Ce matin, premier jour des jeux, à l'aube ou presque, au gymnase de l'Université de l'aéronautique de Pékin, l'haltérophile Marilou Dozois-Prévost se prépare à lever ses poids dans la catégorie des 48kg. À l'heure d'écrire ces lignes, nul ne sait encore quel sera son classement. Mais en tout, les Jeux de Marilou auront duré deux petites heures.

Le chemin qui l'a menée à Pékin a été pas mal plus long, plus douloureux, hasardeux même.

En haltérophilie (comme dans plusieurs autres sports), le nombre de places attribuées à chaque pays aux Jeux olympiques dépend de son rang au classement mondial. Ainsi, à Pékin, le Canada avait droit à quatre haltérophiles deux hommes et deux femmes.

En janvier 2007, lorsque Marilou Dozois-Prévost, 23 ans, se découvre enceinte, elle n'est pas une des deux filles sélectionnées. Les deux qui sont assurées d'aller à Pékin sont Christine Girard et Jeane Lassen.

Qu'est-ce je fais ? se tâte Marilou. Son copain, Simon Demers, qui est aussi son entraîneur, aimerait bien garder le bébé. Marilou ne sait pas. Un jour elle le garde, le lendemain non. Finalement, elle se retrouve en chemise d'hôpital dans la salle où doit se faire l'avortement. L'infirmière la prépare en attendant le médecin, lui explique comment cela va se passer. Marilou fond en larmes. Cette fois, elle sait elle le garde. Elle s'excuse pour le dérangement auprès du médecin, qui vient d'arriver.

Vous ne dérangez pas, lui dit le médecin. Revenez si vous changez d'idée.

Quelques semaines plus tard, visite médicale de routine, échographie, la gynéco s'alarme Il y a quelque chose de pas normal, madame.

Marilou ne comprend pas. Elle voit très bien sa petite crevette à l'écran.

Oui, mais elle ne bouge plus, madame.

Curetage. Les mensurations du foetus diront qu'il aurait cessé de vivre vers la huitième semaine, ce qui correspond à la visite de Marilou à l'hôpital.

Compliquée, la vie d'athlète

La vie des athlètes n'est pas aussi lisse qu'on l'imagine parfois. Entre les entraînements, monte et descend les montagnes russes du quotidien. Des amours. Des amitiés. Des petites morts aussi. Il y avait deux façons d'envisager la chose. L'occulte le bébé a décidé. La sportive je reprends l'entraînement.

C'est par ce curetage que Marilou est venue à Pékin. Comment cela? demanderez-vous. Vous venez de nous dire qu'il n'y avait que deux places et qu'elles étaient prises! C'est là la part du hasard une troisième place a été offerte au Canada quand une Mexicaine s'est fait suspendre pour dopage. Cette troisième place, Marilou l'a disputée à Maryse Turcotte et Emily Quarton.

La vie des athlètes n'est pas toute lisse, mais le chemin de l'entraînement est tout droit Pékin, c'est là-bas.

Ce matin, premier jour des jeux, au gymnase de l'Université de l'aéronautique de Pékin, Marilou s'est campée devant la barre. Elle lèvera peut-être 77kg à l'arraché. Plus tard, elle épaulera quoi? 93 kg? pour un total de 170 kg? Il n'est pas impossible que lever des poids allège celui qu'on porte en dedans. Marlou, qui entre en psycho à l'automne à l'UQAM, pourrait en faire l'objet de sa thèse.