Pas besoin de parler mandarin pour communiquer avec les Chinois. Suffit d'un outil. J'ai le mien: une planche de skateboard.

J'ai hésité avant d'en encombrer mon bagage. Mais je me souvenais des longues marches sous le soleil de plomb d'Athènes. En regardant les photos aériennes de l'immense parc olympique de Pékin, je me voyais déjà rouler de l'Aquacube au Nid d'oiseau. Mais la planche y est interdite, ai-je appris très tôt au contrôle de sécurité. Rien ne m'empêche d'en faire ailleurs.

Il m'a suffi d'une seule sortie pour comprendre que la plupart des Chinois n'avaient jamais vu un hua ban (planche qui glisse en mandarin). Les hommes me suivent du regard, l'air perplexe. Une maman, son petit garçon dans les bras, sourit en me montrant du doigt. On reconnaît les gens de la campagne à leur air interloqué.

Les jeunes, les yeux écarquillés, réagissent le plus vivement: «So cool!»

Je circule aussi en planche dans le village des médias. Notre tour à logements est située à une extrémité de cette ville dans la ville. On jurerait que le faux-plat descendant a été dessiné pour moi. Une dizaine de poussées et hop! je suis à la piscine, un kilomètre plus loin.

L'autre jour, j'ai hésité une fraction de seconde devant l'incontournable portier. J'arrête, j'arrête pas? Je me suis trouvé gonflé, mais je n'ai pu résister à son sourire invitant. Le plancher de granit lisse m'a mené jusqu'aux portes de l'ascenseur. Les deux jeunes filles de la réception n'ont pas bronché en me voyant passer. Elles ont éclaté de rire en même temps que moi.

À l'accueil de la piscine, une bénévole un peu plus frondeuse m'a demandé de faire quelques trucs sur le plancher de bois franc. Je l'ai prévenue: ça va laisser des marques. Pas grave, on les lavera, a-t-elle répliqué en regardant ses trois collègues. Ils ont vite compris que je n'étais pas Tony Hawk.

Malgré un peu d'insistance, aucun bénévole n'a encore accepté mon invitation d'essayer ma planche.

Ça m'a quand même permis de me faire un ami. Il s'appelle Liang Ming et il est portier. Lundi matin, il m'a surpris avec une phrase plus personnelle: «I'm so happy to see you, sir», a-t-il dit dans son anglais saccadé. Ah oui, pourquoi? «Parce que vous êtes amical et que vous avez voulu me prêter votre planche.» Je suis son premier ami étranger. Il veut maintenant que je lui trouve un prénom anglais. On attend vos suggestions (sdrouin@lapresse.ca).