Le cycliste sur piste Martin Gilbert doit se débrouiller avec les moyens du bord aux Jeux de Pékin, mais il ne se plaint pas. Il est habitué de «faire avec», lui qui a peaufiné sa préparation olympique principalement à l'intérieur d'un garage, plus souvent qu'autrement chez sa copine à Bromont, en Estrie.

Gilbert, qui n'a eu la confirmation de sa présence en Chine qu'un mois avant les JO, pourrait devoir emprunter une bicyclette afin de prendre part à la course Madison au vélodrome de Laoshan, mardi. C'est que la selle du sien a lâché à l'entraînement, mercredi.

«Le siège devait avoir une faiblesse, il s'est brisé, a-t-il relaté, jeudi. On l'a recollé, je peux m'entraîner dessus. Mais je pense qu'on va emprunter un vélo à un coureur d'un autre pays pour ma course. Un entraîneur de vélo de montagne doit m'en apporter un d'une grandeur différente, du Canada. Et la Malaisie a offert de me dépanner.»

Gilbert, qui utilise un vélo de l'équipe nationale, n'en serait pas là si un des trois fabricants canadiens de bicyclettes qu'il a contactés, avant de quitter, avait accepté de lui fournir un vélo. Ce qu'on a proposé de mieux, c'est de lui en vendre un au coûtant. Un bon engin peut nécessiter un déboursé de plusieurs milliers de dollars.

Pendant ce temps, les cyclistes anglais sont arrivés aux JO avec des prototypes que les ingénieurs de l'écurie de Formule-1 McLaren leur ont construits!

Peu importe, ce n'est pas ça qui va faire perdre sa bonne humeur au Québécois âgé de 25 ans, qui en a vu d'autres. Uniquement sa participation aux JO relève de l'exploit.

«Disons que les conditions de préparation n'ont pas été idéales», a-t-il révélé.

Comme si ce n'était pas assez, il y a eu la contestation de sa sélection ainsi que celle de son coéquipier Zach Bell, du Yukon, que le Centre de règlement des différends sportifs du Canada (CRDSC) a tranchée.

En attendant le verdict, il a pédalé au vélodrome extérieur de Bromont - «entre deux averses» - ainsi que dans le garage chez lui à Châteauguay ou chez son amie. Comme il n'y a pas de vélodrome intérieur au Canada, il doit utiliser un appareil fixe de simulation de course.

«Ça n'a rien à voir avec la réalité. Je ne peux pas recréer les conditions d'un vélodrome, a-t-il mentionné. A Bromont, on fait des efforts pour entretenir la piste, qui est malgré tout belle, mais c'est comme rouler sur la route tellement il y a des bosses et des trous. J'ai vu la différence en arrivant ici. Je n'en revenais pas. Je ne me rappelais plus qu'une piste était lisse comme ça.»

Du NASCAR sur deux roues

La course à l'américaine, ou appelée Madison, à laquelle Gilbert va prendre part est une épreuve par équipes sur piste de 200 tours (50 kilomètres). Chacun des cyclistes d'une équipe se relaie aux deux tours et quart environ, ou aux 35 secondes. A tous les 20 tours, il y a un sprint. Au terme de chacun des sprints, on accorde des points aux quatre meilleures équipes. Les vainqueurs de la course ne sont pas nécessairement ceux qui rallient l'arrivée les premiers, mais ceux qui accumulent le plus de points.

«C'est spectaculaire comme épreuve. J'estime qu'elle va se dérouler à une vitesse moyenne d'environ 56 km-h, avec des pointes à 70 km-h, a-t-il avancé. Les vélos n'ont qu'un dérailleur et n'ont pas de freins. Avec 36 cyclistes sur la piste, ça joue du coude. Il y a plusieurs contacts, mais peu de chutes. Les coureurs ont les réflexes aiguisés.»

Gilbert a eu la piqûre pour la piste avant les JO de Sydney en 2000. Et il avait raté de peu sa qualification aux Jeux d'Athènes.

«J'aime vraiment ça, a-t-il affirmé. La piste me fait tripper et le 'Madison» davantage. Ce que j'aime dans une course sur route de 200 kilomètres, ce sont les cinq dernières minutes. Sur piste, c'est comme les cinq dernières minutes d'une épreuve sur route, mais pendant 50 minutes!

«C'est dommage qu'on n'ait pas les ressources et les infrastructures au Canada parce qu'on pourrait avoir du succès sur la scène internationale, a-t-il déploré. Les jeunes pourraient faire du vélo été comme hiver.»

A Laoshan, Gilbert et Bell ont comme objectif «très réalisable» de terminer parmi les 10 premières équipes sur les 18 en lice.

«Tout est possible parce que c'est une course où tout peut arriver», a-t-il résumé.