Stephanie Horner se sent un peu mal quand elle songe aux nageurs du passé. Pendant des décennies, ceux-ci se sont contentés de «ti-maillots» dont la simplicité était la principale caractéristique. La nageuse de Beaconsfield, elle, fend les eaux vêtue d'une combinaison dans laquelle elle se sent comme «un personnage de La Guerre des étoiles».

Âgée de 19 ans, Horner a goûté avec plaisir à toutes les phases de développement technologique qui ont révolutionné l'univers du maillot de bain depuis une quinzaine d'années. Or du paper suit du début des années 90 à l'Aquablade des Jeux olympiques d'Atlanta, en passant par les «peaux de requin» des JO de Sydney, rien ne se compare au LZR Racer lancé par Speedo en début d'année.

«Je me sens comme sur une autre planète dans ce maillot», lance Horner, quelques heures avant de s'envoler pour ses premiers Jeux olympiques.

Horner a l'habitude de s'entraîner avec une camisole afin d'augmenter la résistance. Ces sensations sont donc décuplées dans le LZR: «Wow, je me sens comme au septième ciel! On dirait vraiment que ça flotte.»

Pourtant, si vous jetiez le maillot à l'eau, il coulerait éventuellement, tel que le prescrivent les règlements d'homologation de la FINA, la fédération internationale.

Les ingénieurs de Speedo ont planché pendant trois ans sur ce nouveau maillot, profitant de l'aide de la NASÀ et d'une cinquantaine des meilleurs nageurs internationaux, dont l'Américain Michael Phelps, qui visera un record de huit médailles d'or à Pékin. Les résultats sont pour le moins spectaculaires: 24 records battus sur les distances olympiques.

Cette avalanche de records n'a pas été sans susciter la controverse, l'entraîneur italien Alberto Castagnetti associant même la nouvelle combinaison à du «dopage technologique».

Tom Johnson, entraîneur-chef de l'équipe canadienne, évalue que le LZR Racer procure à son utilisateur un avantage «de trois à quatre dixièmes de seconde par longueur». «Les nageurs qui utilisent beaucoup le battement de jambes sous l'eau semblent en profiter encore plus», ajoute le coach du champion du monde Brent Hayden.

Comment est-ce possible? D'abord, le maillot, coupé dans des panneaux ultraminces épousant déjà la forme du corps, est hyper ajusté. Disons qu'il laisse peu de place à l'imagination. La surface en contact avec l'eau est donc réduite, ce qui tend à diminuer la traînée. Les coutures traditionnelles ont aussi été remplacées par un maillage aux ultrasons.

«Ça colle sur toi et ça ne bouge pas», explique Horner, qui se donne une marge de 20 minutes pour l'enfiler, centimètre par centimètre.

Des plaques en polyuréthane ont été combinées au matériau original pour augmenter la glisse. Ces plaques ont aussi un effet gainant qui remodèle littéralement le corps, en particulier les fesses, le haut des cuisses et la poitrine. Ces trois régions tendent à vibrer davantage durant une course, ce qui augmente la turbulence et la résistance, et donc réduit la vitesse.

La stabilisation de grands groupes musculaires permet également aux nageurs de bénéficier de meilleurs appuis dans l'eau, une matière forcément instable.

Horner en a immédiatement senti les bénéfices. «Mes jambes ont l'habitude de lâcher vers la fin d'un 400 mètres libre, note la nageuse de demi-fond. Là, on dirait que ça tient tes muscles et que tu es capable de continuer.»

La percée fulgurante de Speedo n'a pas été sans faire réagir la concurrence. Tyr, le fabricant californien qui a lancé sa propre combinaison nouvelle vague, a déposé une poursuite contre Speedo pour violation des lois antitrust.

L'italienne Arena a développé un maillot en catastrophe, mais les essais n'ont pas été assez concluants pour que le champion du monde Filippo Magnini, un prestigieux client, ne résiste aux sirènes du LZR. Dans un communiqué, Arena a déploré la «pression psychologique» exercée sur les nageurs, soulignant que cela avait parfois provoqué des tensions avec les commanditaires.

D'autres compagnies ont préféré s'incliner temporairement. Ainsi, Nike a permis à sept de ses nageurs américains de porter le LZR lors des sélections olympiques de juin. La fédération japonaise, qui normalement fait affaire avec trois fabricants locaux (Mizuno, Asics et Descente), a accordé la même autorisation à ses nageurs olympiques.

Le côté hyper-ajusté du LZR limite son utilisation à quatre ou cinq compétitions. Il sera disponible pour le grand public à l'automne. Prix de détail suggéré: environ 550$. On plaint déjà les parents qui auront à résister au harcèlement de leurs jeunes nageurs.