On a sorti les banderoles sur la place Tiananmen. Pas celles des manifestants - que le régime chinois se rassure tout de suite - mais celles du pouvoir. Des banderoles d'un rouge bien chinois, dont l'une clame: «La réforme et l'ouverture créent une musique harmonieuse.»

L'ouverture... Ce message renvoie directement à la politique lancée par Deng Xiaoping il y a 30 ans, et qui semble plutôt fragile en ces temps olympiques.

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Tellement fragile que, quand on demande ce qui va se passer après les Jeux, on ne s'entend pas: deux écoles s'affrontent. Il y a ceux qui croient que la Chine se repliera davantage sur elle-même et ceux qui pensent plutôt que les masses chinoises sont suffisamment fortes pour empêcher Pékin de les couper de nouveau du monde. Beau débat.

Les premiers ont presque crié victoire cette semaine, quand Pékin a annoncé que de nombreux sites internet ne seraient pas accessibles aux journalistes qui couvrent les Jeux, comme c'est le cas depuis toujours en Chine. Voilà pour la promesse d'ouverture.

Mais comme rien n'est jamais simple ici, vendredi matin, en écrivant cette chronique, surprise! On constate que les censeurs laissent maintenant voir les sites internet d'Amnesty International et de Human Rights Watch. Cette grâce n'a toutefois pas été accordée au site du gouvernement tibétain en exil ni à celui du mouvement Falungong.

Amnesty International fait partie des groupes qui ne sont pas très optimistes pour la suite des choses. Sa directrice adjointe pour la région Asie-Pacifique souligne que les derniers resserrements chinois en matière des droits de la personne sont passés presque inaperçus en Occident. «Très peu de voix se sont élevées dans la communauté internationale», déplore Roseann Rife.

Dans ce contexte, après les Jeux, quand bien des journalistes étrangers seront partis et que les projecteurs ne seront plus sur Pékin, le pouvoir chinois pourra encore davantage faire ce qu'il veut, craint-elle.

Roger Barker fait dans le business, et non dans les droits de la personne. La firme pour laquelle il travaille, Stratfor, conseille les entreprises sur les questions géopolitiques. Lui aussi croit que la Chine se dirige vers un nouveau resserrement.

Il rappelle d'abord la question des visas, plus difficiles à obtenir depuis quelques mois, même pour les gens d'affaires qui veulent se rendre à Shanghai. Aurait-on idée, demande-t-il, d'empêcher les gens d'affaires d'aller à New York parce qu'Atlanta reçoit les Jeux olympiques?

Cela, dans le contexte où «la Chine a l'habitude de mettre fin à ses relations avec l'extérieur lors de crises internes».

Justement, la liste des crises s'allonge, avec les manifestations et les décisions gouvernementales incohérentes, note-t-il. Par exemple, on a l'habitude des décisions du gouvernement central qui ne sont pas suivies par les provinces. Dernièrement, cette insoumission a touché aussi les sociétés d'État, dont Pékin est pourtant actionnaire.

Si le pouvoir central veut rasseoir son autorité, ajoute l'analyste, il pourrait vouloir réduire les liens avec l'extérieur. Ce sont ces liens qui ont permis aux dirigeants provinciaux et à ceux des sociétés d'État d'acquérir plus d'autonomie et de pouvoir.

Dans le passé, un repli sur soi de la Chine a coïncidé avec un recul des droits. Il pense à la Révolution culturelle, qui a permis à Mao de reprendre le pouvoir effectif au pays.

Le président Hu Jintao a tenté de dissiper ces craintes vendredi. Il a assuré que les réformes, tant économiques que politiques, se poursuivraient après les Jeux.

L'avocat Li Fanging, qui a défendu le dissident Hu Jia devant les tribunaux chinois, croit pour sa part que le peuple n'acceptera pas que des frontières refermées, ou moins ouvertes, fassent reculer ses droits. La société civile chinoise a suffisamment goûté à la liberté pour ne plus vouloir la perdre, selon lui.

Et à observer ce régime un peu paranoïaque, obsédé par ce qu'il appelle la sécurité, on aimerait le croire.