C'est fou comme les athlètes ne réagissent pas tous de la même façon quand le sort leur réserve un mauvais coup.

Hier, la première expérience olympique de l'escrimeur Philippe Beaudry s'est terminée dès le deuxième tour du tournoi de sabre individuel, quand l'Italien Aldo Montano, champion olympique en titre et actuel numéro trois mondial, l'a battu facilement 15-4.

Quelques heures plus tard, au Cube d'eau, les plongeuses Roseline Filion et Meaghan Benfeito, qui en étaient elles aussi à leur baptême des Jeux, ont fini septièmes sur huit dans l'épreuve de 10 m synchro, survolée par les Chinoises Wang Xin et Chen Ruolin.

Après son match, Beaudry, qui accusait un retard de 8-0 après seulement 25 secondes, n'a pas caché sa contrariété, même si le résultat, au fond, n'était pas particulièrement surprenant, compte tenu de la qualité de son adversaire. « Je suis très déçu. Je voulais gagner ce match-là. Je m'attendais à donner une meilleure performance que ça», a-t-il dit candidement.

Le contraste n'aurait pu être plus frappant avec Filion et Benfeito, plutôt hop la vie même si elles venaient de rater une chance en or de monter sur le podium en loupant le quatrième de leurs cinq plongeons, un trois et demi arrière groupé. «On est quand même jeunes, on voulait juste venir ici pour l'expérience, a dit Benfeito, âgée de 19 ans (Filion en a 21). C'est sûr que notre performance aurait pu être meilleure, mais je pense que juste d'être ici, c'est quelque chose d'incroyable.»

Je vous laisse deviner quel athlète a livré le fond de sa pensée et qui a opté pour la cassette positiviste à laquelle tant de sportifs ont recours, comme si c'était un péché de reconnaître que la défaite peut faire mal.

Avant d'affronter Montano, Beaudry avait d'abord dû combler un retard de 6-1 pour vaincre l'Égyptien Gamal Fathy 15-8 en ronde des 64. Il n'a toutefois pas été en mesure d'apporter le même genre d'ajustements contre l'Italien, dont la vitesse et la créativité l'ont laissé sans réponse. «J'essayais de m'adapter, mais il changeait continuellement de tactique», a dit Beaudry dont le père Paul, présent à Pékin, avait été sélectionné pour les Jeux boycottés de Moscou, en 1980.

Le jeune escrimeur - il n'a que 21 ans - a été incapable d'imposer son rythme à Montano. «D'habitude, Philippe est très créatif, mais il n'a pas pu sortir de cette torpeur, a dit son entraîneur, Jean-Marie Banos. Peut-être que c'était la tension. Mais il faut rendre hommage à son adversaire, qui, à 30 ans, en est à ses troisièmes Jeux et a 10 ans d'expérience de plus.»

Beaudry reconnaît sans hésiter que la controverse entourant sa sélection olympique - contestée sans succès par son coéquipier Nicolas Mayer, qui a obtenu deux sentences arbitrales en sa faveur avant d'être débouté en Cour supérieure - avait affecté négativement sa préparation pour les Jeux. L'affaire a jeté un froid entre les deux tireurs, tous deux coachés par Banos.

«Ces derniers mois, je n'ai pas pu vraiment m'entraîner avec la personne impliquée, a dit Beaudry en évitant de nommer Mayer. On s'est entraînés, mais c'était vraiment très froid. Ça n'a pas aidé. C'est un des meilleurs tireurs contre qui je peux m'entraîner au Canada. J'ai dû aller m'entraîner à New York à la place.»

Une bien triste histoire pour ces deux jeunes hommes, qui devraient être au coeur de l'équipe de sabre que le Canada tentera de qualifier en vue des JO de Londres, en 2012. Est-il possible de tirer un trait sur le passé? «Ce n'est pas facile, compte tenu du procès et de ce qui s'est écrit ensuite dans les journaux, admet Beaudry. Cela fait huit ans que je fais de l'escrime, huit ans que je le connais, huit ans qu'on voyage ensemble. Et là arrive une affaire comme ça. Ce n'est pas facile.»

Contrairement à ce qui s'est passé en escrime, la sélection de Meaghan Benfeito et Roseline Filion n'a jamais été remise en question. Elle a été acquise à la régulière, mais d'extrême justesse aux dépens des deuxièmes au monde, Émilie Heymans et Marie-Ève Marleau, lors des essais olympiques, en juin, à Victoria.

Au vu du résultat d'hier, toutefois, «on ne peut faire autrement que se demander ce qui se serait passé si elles avaient été là», a reconnu le directeur de la haute performance, Mitch Geller, en parlant de Marleau et Heymans, beaucoup plus expérimentées. «Mais c'est le sport. Nous ne sommes pas clairvoyants, nous ne pouvons pas prédire qui seront les meilleures. Meaghan et Roseline ont gagné quand la pression était là, aux essais, deux fois de suite (en préliminaires et en finale). Ce n'était pas un cas isolé», a-t-il ajouté.

Filion attendait visiblement la question. «C'est sûr qu'on a pensé (à Émilie et Marie-Ève). Elles ont eu des super bons résultats toute l'année. Mais on les a devancées au moment où il fallait qu'elles nous battent. () On sait qu'on a du talent en synchro. On a travaillé extrêmement fort pour ça. On le mérite.»

La mise à l'écart d'Heymans en synchro pourrait bien avoir une retombée positive. La championne du monde du 10 m en 2003 n'a jamais semblé plus confiante que ces jours-ci. Enfin libre de se consacrer à une seule épreuve, elle pourrait bien s'avérer la surprise de l'équipe de plongeon canadienne. Réponse la semaine prochaine.