Un seul boxeur canadien s'est qualifié pour les Jeux de Pékin, alors qu'il y en avait eu cinq en 2004, lors des JO d'Athènes.

Et notre seul représentant, l'Ontarien de Windsor Adam Trupish, pourtant classé 5e au monde dans sa catégorie, a été éliminé dès le premier tour chez les 69 kg, dimanche, lorsqu'il s'est incliné 20-1 contre Bakhyt Sarsekbayev, du Kazakhstan.

«Si on ne se réveille pas, la prochaine fois, on n'en qualifiera pas du tout», lance en guise d'avertissement Stéphan Larouche, actuel directeur des opérations d'InterBox qui était entraîneur au sein de l'équipe canadienne en Grèce en 2004, alors que Benoit Gaudet et Jean Pascal avaient notamment représenté l'unifolié.

Le déclin de la boxe olympique canadienne a été progressif mais manifeste ces dernières années.

«Aux Jeux de Commonwealth, le Canada avait remporté six médailles d'or en 1986, et avait également terminé premier en 1990 et 1994, puis ç'a commencé à décliner en 1998, explique Yvon Michel, grand patron de GYM, l'autre écurie de boxe d'importance au Québec. En 2002, il y a eu une seule médaille. Il était un temps, dans les années 1990, où le Canada était une des puissances mondiales. Maintenant, on n'est même pas parmi les 50 premiers.»

Selon Larouche et Michel, la relève est bonne au Canada, mais c'est au niveau de l'encadrement offert par Boxe Canada que le bât blesse.

«On a de bons juniors et de bons seniors - c'est quand les boxeurs sont rendus à l'équipe nationale qu'ils ne sont pas encadrés, affirme Larouche. Il n'y a pas vraiment d'entraîneur national, une personne qui a une vision d'ensemble et qui va donner un style qu'on peut qualifier de canadien à nos boxeurs.

«Les boxeurs sont laissés à eux-mêmes, ils sont laissés à leur gym, ils ne voyagent pas souvent, donc ils ne peuvent prendre confiance en affrontant d'autres bons boxeurs d'autres pays. Les centres nationaux de haute performance sont sous-utilisés. Les autres pays se sont améliorés et nous, on n'est même pas capable de regrouper nos boxeurs pour des camps.»

«Il n'y a pas de leadership, dit quant à lui Michel, qui dirige notamment la carrière de Joachim Alcine et Jean Pascal. Il faut que nos boxeurs participent à des compétitions adaptées à leurs besoins pour qu'ils puissent progresser. Ca prend des camps, il faut les guider, ils doivent goûter à des compétitions internationales.»

Depuis Pékin dimanche, Trupish, qui avait également été éliminé au premier tour aux JO de 2004, a fait écho aux critiques formulées par Larouche et Michel.

«Je n'avais pas boxé depuis octobre dernier, a-t-il déclaré à La Presse Canadienne à Pékin. J'aurais eu besoin que quelqu'un me dise quoi faire, où aller, quoi manger et comment travailler. Mais tout ça dépendait de moi.»

Selon Larouche, ce manque d'encadrement fait en sorte que nos boxeurs deviennent des victimes faciles.

«Les boxeurs canadiens en général sont très statiques, affirme l'entraîneur des champions du monde Lucian Bute et Steve Molitor. Ils n'ont pas de jeu de pieds, même celui qui est universel, que tous les pays utilisent - avance-recule, avance-recule... Nous, on boxe les pieds plats, on avance et on avance encore.»

Larouche déplore que la politique prenne le dessus, à Boxe Canada, sur les besoins des athlètes et la nécessité d'obtenir de bons résultats.

«On a l'argent, mais on l'administre mal», dit-il.

«Russ Anber (l'actuel président de la Fédération québécoise de boxe olympique) a voulu faire venir un entraîneur cubain, coté parmi les meilleurs au monde, mais des entraîneurs au Canada et des présidents de fédération n'en ont pas voulu, par jalousie, raconte Larouche. Personne au pays n'avait la compétence de cet

entraîneur-là, et pourtant on n'a pas voulu l'embaucher.»

Un Québécois, Daniel Trépanier, a été engagé l'automne dernier à Boxe Canada pour diriger le programme national, mais à titre de coordonnateur technique, et non de directeur technique. C'est donc dire qu'il dépend d'autres administrateurs pour certaines décisions.

«C'est un gars intelligent, compétent, dit Yvon Michel de Trépanier. Il a essayé de colmater les brèches (en vue des JO de Pékin), mais on s'était réveillé trop tard. Si on peut lui donner les bons outils, il devrait pouvoir corriger le tir.»

«Pour 2012, ils partent avec de bonnes intentions, dit Larouche. Malheureusement, on a perdu quatre ans et on ne les rattrapera jamais.»

Depuis Pékin, le vice-président de Boxe Canada, Ryan Savage, un ancien boxeur, a reconnu que le fait de n'avoir qu'un seul boxeur en Chine a sonné l'éveil au sein de l'association.

«Il y a certaines choses que nous devons régler à l'interne, a-t-il affirmé à La Presse Canadienne à Pékin. Il faut s'adapter à la nouvelle réalité de la boxe. Il faut être davantage à l'écoute des besoins de nos athlètes amateurs. Il faut notamment trouver le moyen que les anciens boxeurs demeurent impliqués. Il faut aussi trouver le moyen que nos entraîneurs puissent enseigner à temps plein.»