Saint Graal du coureur, le maillot jaune du Tour de France vit un long itinéraire avant d'arriver en juillet au dos des meilleurs, d'en faire des Roi soleil éclairant les routes, attirant les foules.

Tout le monde veut le voir, le toucher. C'est la ruée vers l'or. «Porter le maillot jaune, c'est une sensation incroyable, témoignait Alejandro Valverde après son premier jour en habit de lumière. A chaque fois qu'on passait dans un village, les gens me reconnaissaient, criaient mon nom.»

Le vêtement phare du vélo est conçu à l'automne aux Pays-Bas, au siège européen de Nike, par cinq personnes. Il n'est alors qu'un dessin sur écran.

Ses détails (modèles, formes, emplacements des marquages) s'affinent au gré des navettes entre Nike, sous contrat depuis 1997 et jusqu'en 2011, et ASO pour validation en novembre.

«Des coureurs sont parfois sollicités pour de nouveaux modèles», explique Carole Durand, chez ASO. Dernière nouveauté en date: «une combinaison de contre-la-montre inspirée du patinage de vitesse, l'an dernier».

Le prototype est présenté en décembre. Si le feu «jaune» est donné, la production débute en janvier-février.

Des maillots jaunes

Direction le nord de l'Italie. Le maillot prend vie à Sorga, province de Vérone (Vénétie), où il est produit avec ses petits frères vert, à pois rouge et blanc.

La livraison a lieu début juin en région parisienne. Pliés, emballés, avec un carré blanc sur la poitrine, les tuniques n'attendent plus qu'à être tatouées de noms d'équipe.

C'est là que Fabrice Pierrot, l'homme qui touche le plus souvent le maillot jaune sur le Tour, entre en jeu.

«Je vérifie qu'on a tout reçu», explique-t-il. Car l'on devrait, en effet, plutôt parler «des» maillots jaunes.

Il y a le maillot promotionnel, réservé à la signature sur le podium. «Sans marque d'équipe, on le donne aux sponsors, aux élus locaux», explique Pierrot.

Le maillot protocolaire, lui, est remis au leader sur le podium. C'est le premier que touche l'heureux élu. Il a un zip intégral dans le dos pour pouvoir l'enfiler facilement. «La première fois que tu le remets, tu as un petit pincement au coeur, même quand tu es novice dans le vélo. C'est mythique», témoigne Marie-Alexis Bazerque, 23 ans, hôtesse pour LCL.

«On passe les bras au coureur mais c'est Bernard Hinault qui lui zippe dans le dos», décrit-elle.

Il y a enfin le maillot de course, le vrai. Décliné en manches courtes, manches longues, gilets sans manches, imperméables.

Les différentes tailles d'Armstrong

«Au total, j'en ai toujours 240 sur le Tour, 60 par équipe dans trois tailles, M, L et XL», reprend Pierrot. «Pareil pour les autres couleurs».

Ainsi, un maillot jaune avec le bon sponsor et la bonne taille est toujours disponible pour le protocole.

Après le podium, dans son étuve de camion, avec son radiateur de 2500 watts dans 9 m2, Fabrice Pierrot floque le jeu de maillots du leader pour le lendemain. Le prochain à le toucher, ce sera le coureur, dans sa chambre, le soir à l'hôtel.

«En fait non, corrige-t-il, parce que comme je travaille la porte ouverte, les gens me voient et ils veulent tous le toucher, le prendre en photo. Parfois je les laisse faire.»

«Le maillot est tellement précieux aux yeux des coureurs qu'ils inventent des histoires pour en avoir plus, rigole encore Fabrice Pierrot. Il en faut pour l'oncle, la soeur, le mécano...»

«Le spécialiste, c'était Lance Armstrong ! Il changeait de taille tous les jours... Heureusement que j'ai commencé en 2004, il ne m'a fait ça que pendant deux ans ! Depuis qu'il n'est plus là, je travaille beaucoup moins.»