Le flirt entre Toronto et la NFL a provoqué une sérieuse levée de boucliers à travers le pays au cours des derniers mois. S'il n'y a pas eu 100 papiers qui ont été rédigés sur le sujet, il n'y en a pas eu un seul.

Vous l'aurez deviné, l'avenir de la Ligue canadienne est au centre des préoccupations. Ça va généralement comme suit: si la Ville reine obtient une concession de la NFL, l'intérêt des partisans et des médias pour les Argonauts diminuera, s'en suivra une perte de revenus globale, puis, irréversiblement, la mort de la ligue. Pas plus compliqué.

On admet bien que Toronto est le centre névralgique du circuit (si on peut s'exprimer ainsi), mais les appréhensions de nos collègues semblent alarmistes un petit rien du tout. Parce qu'il y a de la vie à l'extérieur de Toronto, mais aussi parce que la LCF s'est rarement portée aussi bien. Le produit est mieux développé, la qualité du jeu s'améliore constamment, le bassin de partisans s'élargit et les télédiffuseurs (RDS et TSN) offrent une ample couverture, sans cesse améliorée, elle aussi.

Pourquoi donc le scénario apocalyptique?

Bonne nouvelle, Mark Cohon, le commissaire de la LCF, comprend que ce n'est pas le temps de se replier en défense, mais bien d'attaquer. Et par là, Cohon entend expansion, entre autres. On a profité de son passage au Stade Percival-Molson, jeudi dernier, afin de discuter du cas de Québec en particulier.

«Je n'ai toujours pas visité Québec, mais je sais que la construction d'un stade est essentielle au projet», a déclaré Cohon, qui serait peut-être un peu plus pressé d'amener une équipe dans la Vieille Capitale s'il la visitait. À tout le moins, ça ajouterait un peu de cachet à sa ligue.

«La passion des Québécois pour la LCF est là, les cotes d'écoute à RDS lors des matchs des Alouettes sont renversantes, a poursuivi Cohon. On vise l'expansion, mais il faut être méthodiques. On doit renforcer notre ligue et adopter les bonnes stratégies afin d'obtenir le soutien corporatif et celui des gouvernements.»

Si une équipe de football professionnelle voit le jour à Québec, il y a fort à parier que Marcel Aubut sera impliqué. L'homme derrière Rendez-vous 87 rêve de voir une équipe à Québec depuis un bon moment déjà.

«Ce n'est pas compliqué, afin que le projet puisse avancer, ça prend un stade, a tranché à son tour l'ancien propriétaire des Nordiques. Et on doit obtenir une compétition internationale d'envergure - en athlétisme ou autre - afin de justifier sa construction. Québec vit une situation complètement différente d'il y a 15 ou 20 ans, il y a une plus grande ouverture pour les nouveaux projets.»

Me Aubut sait cependant très bien que la construction d'un nouveau stade passe par Ottawa.

«On a beaucoup investi dans la culture et afin de rendre la ville encore plus attrayante, mais très peu dans les infrastructures sportives. Tout l'argent du pays va vers l'Ouest, il est temps qu'il en vienne à Québec», a lancé l'avocat et homme d'affaires.

Signe encourageant pour ceux qui espèrent voir la LCF à Québec, la Ville serait intéressée par l'aventure.

« L'ouverture de la mairie est exceptionnelle, a dit Aubut. Cela donne une nouvelle vie au projet.»

Un sondage publié dans Le Soleil en septembre dernier montrait que 71% de la population de Québec était favorable à l'arrivée d'une équipe de la LCF. Un résultat prévisible, selon Matthieu Proulx et Pascal Masson, deux joueurs des Alouettes qui ont évolué au sein du Rouge et Or de l'Université Laval.

«Il n'y a aucun doute dans mon esprit que Québec accueillerait une équipe à bras ouverts, croit Masson. À Québec, si une école n'a pas d'équipe de football - même au secondaire -, elle détonne. C'est une belle ville de football.»

«Je ne dirais pas que le hockey n'est plus populaire, mais le football s'est énormément développé à Québec au cours des dernières années, seconde Proulx. C'est une ville qui est prête pour ça. Mais ça fait des années qu'on entend parler de ce projet.»

Cohon a laissé entendre jeudi qu'Ottawa demeurait la priorité de sa ligue à l'heure actuelle; un groupe d'investisseurs est en place, mais l'octroi de la franchise reste conditionnel à ce qu'une entente soit négociée entre ce dernier et la ville. Les pourparlers tournent - surprise - autour de la construction d'un nouveau stade ou la rénovation du stade Frank-Clair.

Que la capitale possède son équipe dans une ligue «nationale» va de soi, mais il est permis de se demander si la LCF mise sur le bon cheval. La ligue repose sur du solide dans l'Ouest, mais c'est plus ou moins le cas en Ontario. Les partisans des Tiger-Cats d'Hamilton continuent de se déplacer pour voir un club qui perd depuis cinq ans, mais l'équipe d'Ottawa part et revient, et y a cette menace - exagérée mais réelle - de la NFL qui plane au-dessus des Argos.

Dans ce sens, l'avenir de la division Est ne repose-t-il pas sur le Québec? Les Alouettes ont joué leurs 78 derniers matchs au stade Percival-Molson à guichets fermés et Québec rime maintenant avec ville de football. Et c'est sans parler de la rivalité qui naîtrait à peu près au même moment que le premier botté d'envoi.

Malheureusement, on ne construit pas un stade comme on construit une cabane d'oiseau.