En 2004, Matthew Emmons avait raté le titre olympique sur une bourde monumentale qui lui avait permis de rencontrer la femme de sa vie... Catastrophés, ses rivaux se demandaient dimanche à Pékin comment il allait se consoler de son ultime gaffe et de l'or envolé à la carabine 3 positions.

«Dramatique», «cauchemardesque», «affreux». Au dernier «Pan» du dernier jour, le pas de tir est sous le choc. L'Américain Emmons, le poissard d'Athènes, favori pour prendre sa revanche à Pékin, vient de récidiver après avoir fait le concours en tête.

Dans les tribunes, Katerina, son épouse, première médaille d'or des JO de Pékin (carabine 10 m), reste pétrifiée. Elle se rappelle d'il y a quatre ans, lorsque Matthew avait tiré pour le titre... dans la cible du voisin. Consultante pour la télévision tchèque, elle l'avait interviewé, consolé, puis épousé.

Le scénario chinois n'a rien à envier au grec: Avant de viser, un tireur ramène toujours lentement sa carabine de haut en bas avant de s'immobiliser, dans le mille de préférence. «En descendant, mon doigt était sur la gâchette, comme toujours», racontait Emmons. Une gâchette 15 fois plus sensible que celle d'un fusil de chasse. «Il faut maintenir une certaine pression. J'ai appuyé trop fort. Le coup est parti.» Partie dans la bordure de la cible, là où aucun tireur d'une finale olympique ne se perd jamais.

Motivé pour quatre ans

Là, tout de suite, les médaillés ont du mal à se réjouir. Profiter du malheur des autres, entre tireurs amis, ça ne se fait pas. Le Chinois Qiu Jian, en argent avant le dernier coup de fusil, se retrouve en or, l'Ukrainien Jury Sukhorukov monte d'un cran aussi et le Slovène Rajmond Debevec, champion olympique 2000, hérite à 40 ans d'un bronze inespéré.

Ils sont presque plus désolés que lui, honteux de se congratuler. «Je ne dirais pas que c'est stupide», relativise Emmons, 4e, au bras de son épouse effondrée. «Ce sont des choses qui arrivent. En tout cas, c'est ainsi que je conçois le sport. Ca va me donner de la motivation pour les quatre prochaines années.»

À un supporteur liquéfié qui lui demande comment il va raconter «ça» à ses enfants, Emmons, médaillé d'argent en carabine position couchée, concède: «j'attendrai peut-être mes petits enfants.»

Septième de cette finale dramatique, le Français Valérian Sauveplane a du mal à parler de lui: «Pour moi, c'est Matthew qui restera l'image des Jeux. Il méritait tellement ce titre. Au moins une médaille. On peut pas faire pire. C'est le cauchemar de tout tireur. Quatre ans de travail pour ça....»