Il y a le match qui oppose de grands colosses devenus stars internationales. Et il y a la perception du match, où des millions de spectateurs chinois voient leur pays offrir une résistance respectable au géant américain.

Les partisans chinois réunis devant un écran géant dans un bar de Sanlitun, hier soir, ne s'attendaient pas trop à une victoire de Yao Ming et de son équipe. Quand même, les États-Unis «Celui qui gagne, ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est le match, c'est s'amuser», raconte Zhou Qin, rencontré là en compagnie de sa douce.

Quelques minutes plus tard, la chanteuse s'est mise à chanter Fei de geng gao (Voler plus haut), un titre que les sportifs chinois entonnent pour stimuler l'équipe locale. Les bras se lèvent, la foule chante.

«Le match de ce soir, c'est un peu comme la partie de ping-pong de 1972, ç'a a été le début des relations Chine-États-Unis», poursuit Qin. C'est d'ailleurs ce qui a donné lieu à l'expression «la diplomatie du ping-pong», comme quoi le sport peut dégeler des relations tendues.

Dans ce cas-ci, on ne parle pas d'établir des ponts diplomatiques -on a franchi ce stade depuis longtemps-, mais de mesurer les progrès réalisés par la Chine depuis son ouverture au monde, il y a 30 ans.

«C'est la preuve que la Chine peut faire concurrence aux meilleurs du monde», raconte Zhong Baosheng, débarqué de la ville de Harbin, au nord, pour les Jeux olympiques. Et il précise, pas seulement dans le sport, mais aussi dans les autres domaines.

Match historique

Il offre une bière au journaliste, pendant que le premier couple veut se faire prendre en photo avec une binette canadienne. Un match historique, qu'ils disent.

Dans ce cas-ci, l'histoire en est aussi une de gros sous. Les joueurs de la NBA qui sont débarqués à Pékin ont pu constater qu'ils étaient des stars ici. Dites Kobe Bryant ou LeBron James et vous voilà parti pour une longue discussion. «Avec le décalage horaire, je me lève le matin et regarde les matchs», explique Jian Lin, 28 ans, portier sur Sanlitun.

On est bien loin de l'époque, il y a 20 ans, où la NBA avait offert sans frais ou presque ses matchs à la télévision chinoise. Aujourd'hui, on estime que la NBA a 450 millions de fans en Chine et que 300 millions de Chinois jouent au basket C'est, grosso modo, comme si tous les Américains se mettaient à lancer le ballon dans l'anneau. Un marché immense.

Assis à l'autre bout du bar, trois jeunes, mi-vingtaine, ne s'entendent pas sur la signification du match. «Le sport, c'est le sport. On ne doit pas faire de politique avec ça», souligne Joy, qui ne veut donner que son prénom anglais. Son ami, Janseck, n'est pas d'accord. «Le président des États-Unis est présent au match», insiste-t-il.

Il trouve toutefois un accord avec ses amis quand il quitte les rapprochements diplomatiques pour parler de rapprochements tout court. «C'est bon pour séduire les filles qui nous regardent jouer elles aussi aiment la NBA.»