Nul doute que l'Américaine Ashley Harkleroad attirera un grand nombre de regards pendant la Coupe Rogers. Non pas en raison du coup droit de cette joueuse classée 72e mondiale, mais pour ses courbes actuellement exposées à la une du magazine Playboy. Le star-system du tennis féminin vient de trouver une autre égérie.

Cette blonde de 23 ans est la première joueuse de tennis professionnelle à accepter de poser nue. «J'étais blessée, alors j'en ai profité pour faire les photos. Je suis très contente du résultat», a-t-elle dit à La Presse la semaine dernière.

Mme Harkleroad, qui n'a fait que quelques discrètes apparitions dans les tournois du Grand Chelem, n'a pas voulu en dire plus.

Impossible donc de savoir si, en acceptant de prendre des poses érotiques pour un magazine tiré à trois millions d'exemplaires, elle avait voulu gagner en popularité. Et en contrats publicitaires.

Les commanditaires, très sensibles au «capital de sympathie» d'une joueuse, attachent un minimum d'attention à leur classement WTA (Women's Tennis Association).

«La performance sportive n'est qu'un bonus! dit Jean Gosselin, spécialiste du marketing sportif pour le cabinet de relations publiques National. En plus d'avoir des résultats corrects, l'athlète doit incarner une certaine image si elle veut trouver des sponsors.»

La championne en la matière demeure Anna Kournikova. Au début des années 2000, cette autre blonde a fait les manchettes partout dans le monde. Mais plutôt dans les rubriques de potins que dans celles de l'actualité sportive.

Sans remporter de tournoi majeur, cette Russe a récolté près de 50 millions de dollars en contrats publicitaires. Avec son physique de poupée Barbie et ses liaisons amoureuses dignes d'Hollywood, elle a vite intégré le jet set international.

«Le tennis a toujours véhiculé du luxe et de la richesse: c'était un sport de nobles à la base. Tout le décorum entourant les joueuses va donc être totalement différent de ce qu'on trouve dans les autres sports», explique M. Gosselin.

Ce côté glamour, les sponsors se l'arrachent. Ils sont prêts à dépenser des centaines de milliers de dollars pour s'associer à une joueuse dont les frasques passionnent le public et font les choux gras des médias.

«C'est le meilleur moyen pour élargir son bassin de clientèle», dit François Carrillat, professeur spécialisé dans le marketing des sponsors à HEC Montréal.

«On est dans un monde où le côté people plaît, c'est un fait. Si le tennis féminin peut bénéficier de cette image en gagnant en visibilité, pourquoi pas?» pense Fabrice Chouquet, qui, en tant que superviseur du circuit WTA, assiste les joueuses l'année durant.

Soirées, séances de photos ou rencontres de fans, les joueuses vedettes sont intégrées pleinement dans les stratégies commerciales de leurs sponsors.

Ces derniers profitent par exemple d'un match de demi-finale pour lancer une collection et faire porter une nouvelle robe à leur ambassadrice.

Et cela fonctionne... aux dépens des performances des joueuses. Après son élimination du dernier tournoi de Wimbledon, la numéro 3 mondiale Maria Sharapova s'est fait poser 22 questions, dont 17 sur sa tenue.

«C'est assez nouveau que la réussite à long terme d'une athlète dépende de sa capacité à gérer les sollicitations des marques et des médias», note M. Carrillat.

Pourtant, selon Nathalie Tauziat (ex-numéro 3 mondiale) la mentalité des joueuses est plus portée à la compétition qu'elle ne l'était il y a quelques années.

«Ça a évolué depuis 10 ans je trouve. Même les soeurs Williams veulent maintenant qu'on parle de leurs exploits plutôt que de leur style vestimentaire», dit la Française, auteure d'un livre publié en 2000 qui dénonçait avec véhémence le star-system du tennis féminin.

Une prise de conscience salutaire, poursuit Mme Tauziat, car «si on n'a pas la tête à la performance, comment arriver au sommet?»