Des militants des droits de l'homme arrêtés. Une «menace terroriste» constamment brandie par Pékin. Et trois parcs pour manifester dans la capitale pendant les Jeux olympiques. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur les droits de l'homme en Chine. Notre envoyé spécial Stéphane Paquet fait le point avec Nicholas Bequelin, recherchiste à la division asiatique de Human Rights Watch.

Q: Que constatez-vous en Chine à l'approche des Jeux?

R: Je pense que la conclusion, pour l'instant, c'est que la Chine a manqué à sa promesse d'améliorer la situation des droits de l'homme pour l'organisation des Jeux. Elle a également renié sa promesse ferme et écrite au Comité olympique international de donner une liberté d'action totale à la presse étrangère avant et durant les Jeux.

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Q: Concrètement, comment cela se vit-il?

R: Un certain nombre de critiques ont essayé d'attirer l'attention sur la situation des droits de l'homme. Ils ont été arrêtés et jetés en prison. Ça continue aujourd'hui. Par exemple, Ni Yulan a été très active pendant des années sur la question des droits des expulsés - des centaines de milliers de personnes ont été obligées de quitter leur maison à Pékin et relogées en périphérie pour faire place aux constructions liées aux Jeux. Elle devait avoir son procès lundi. Mais quelques heures après qu'on eut diffusé un communiqué sur son cas, le gouvernement a décidé de reporter le procès sine die...

Il y a également eu des contrôles extrêmement sévères sur la société civile et les organisations non gouvernementales. Une série de restrictions ont été imposées sur les mouvements, les visas, la presse. Et on voit également des répressions très brutales contre les Tibétains et les Ouïghours. Cette image assez peu brillante et très dommageable pour la Chine aurait pu être évitée avec un peu plus de souplesse sur ces questions.

Q: Est-ce qu'on a une idée du nombre de personnes arrêtées arbitrairement dans les six derniers mois?

R: Ce que nous savons, c'est que les militants des droits fondamentaux en Chine sont tous sous surveillance policière. Certains sont empêchés de sortir de chez eux, en résidence surveillée. D'autres ont été arrêtés et condamnés.

Le traitement réservé aux militants des droits de l'homme est toujours un signal de ce qui se passe au pays. Une démarche aussi systématique révèle un durcissement généralisé du régime chinois à l'approche des Jeux.

Q: Mais on peut aussi analyser la situation sur cinq ou 10 ans et dire qu'elle s'est améliorée, non?

R: Il y a effectivement moins de restrictions qui pèsent sur les citoyens chinois. Néanmoins, il n'y a toujours pas de système judiciaire indépendant, pas de presse libre et un énorme arbitraire de la part de l'appareil d'État.

Q: Des gens pourraient aussi vous dire qu'il y a une menace terroriste, donc que ce sont des mesures normales. Que répondez-vous à cela?

R: Il faut voir que le dernier attentat terroriste revendiqué par des Ouïghours a eu lieu il y a plus de 10 ans, en février 1997. Systématiquement, le gouvernement mélange le terrorisme avec l'opposition pacifique des Ouïghours ou des minorités nationales. Le risque a été très exagéré et manipulé pour justifier toute une série de mesures répressives.

Q Les autorités ont annoncé qu'il y aurait trois parcs où on pourrait manifester. Qu'en pensez-vous?

R: C'est extrêmement instructif. Selon la loi chinoise, il faudra obtenir un permis pour manifester et, dans les faits, les gens n'en obtiennent pas. Dans certains cas, des gens qui ont demandé des permis ont par la suite été arrêtés et jetés en prison. D'autre part, selon la loi chinoise, seuls les résidants de Pékin peuvent demander un permis. Ça reste extrêmement limitatif et, dans les faits, ça nie le droit de manifester.