À cinq pieds quatre pouces, Audrey Lacroix ne répond pas aux standards traditionnels de nageuse.

Elle est petite, certes, mais quand même pas hors norme. N'empêche, Speedo est pour le moment incapable de lui fournir un fameux maillot LZR Racer adapté à sa morphologie. À moins de deux semaines de sa première épreuve aux Jeux olympiques de Pékin, l'athlète de Pont-Rouge ne sait toujours pas quelle combinaison elle portera.

Depuis son lancement, au printemps, le LZR Racer a causé un véritable raz-de-marée dans le petit monde de la natation, pavant la voie à une cinquantaine de nouvelles marques mondiales. Interdits aux sélections canadiennes de Montréal, en avril, pour cause de non-disponibilité, des maillots LZR Racer ont été fournis aux olympiens canadiens lors d'un camp d'entraînement à Vancouver, en juin. Lacroix flottait dans le modèle le plus petit

Actuellement en camp d'entraînement à Singapour avec le reste de l'équipe canadienne, Lacroix attendait aux dernières nouvelles la livraison de maillots de taille asiatique qui devraient lui faire.

Sauf que le temps presse et Lacroix, cinquième sur 200 mètres papillon aux derniers Mondiaux de Melbourne, veut se donner le temps de les tester avant les JO.

«C'est un peu frustrant de voir que la meilleure nageuse au pays depuis deux ans n'a même pas encore eu un de ces maillots. Je suis certain que si elle était américaine, il y a longtemps qu'elle en aurait eu un», déplorait son entraîneur Claude St-Jean dans un courriel reçu la semaine dernière.

Qu'importe, Lacroix a pleine confiance en son fournisseur, TYR, qui a développé un nouveau maillot, le Tracer Rise, dont plusieurs caractéristiques se rapprochent du LZR. «J'ai nagé avec plein de fois et il fait super bien», soutenait l'athlète de 24 ans il y a un mois et demi.

En outre, elle croit que tout le bruit entourant le maillot LZR Racer est un brin surfait. À ses yeux, la vraie révolution a eu lieu en 2000, avec l'avènement des combinaisons intégrales. «Oui, ils sont une coche au-dessus des précédents, dit-elle au sujet des maillots 2008. Mais est-ce une aussi grosse révolution que les représentants de marketing le disent? Je ne crois pas.»

N'empêche, le clan Lacroix aurait préféré avoir l'embarras du choix à Pékin.

Par ailleurs, avant son départ pour Singapour, Lacroix a fait connaître son mécontentement au sujet d'un règlement de Natation Canada empêchant l'affichage d'autres couleurs que celles de Speedo, le commanditaire national. Les nageurs ont le choix de leur équipement, mais ne peuvent donner de visibilité à un produit autre que Speedo lors des grands événements internationaux. Ainsi, aux Mondiaux de Melbourne, en mars 2007, les athlètes qui utilisaient un maillot Arena devaient rayer les lettres du fabricant avec un marqueur noir.

Cette politique empêche Lacroix de concrétiser une lucrative commandite personnelle de quatre ans avec TYR, engagée dans une guerre commerciale avec Speedo.

Trop heureux qu'une de ses athlètes soit convoitée par un fabricant, Pierre Lafontaine, le patron de Natation Canada, a fait des démarches pour que TYR accepte de passer outre à ses demandes de visibilité. Jusqu'ici, en vain.

Lafontaine rappelle que Speedo est un partenaire majeur de la natation canadienne. L'argent de Speedo permet entre autres d'envoyer des nageurs aux quatre coins de la planète. «Sans Speedo, les nageurs devraient payer ces voyages de leur poche», relève-t-il.

Dans le même souffle, Lafontaine déplore l'intransigeance de TYR. «Depuis plusieurs années, Audrey a été une grande ambassadrice des costumes de bain TYR sur le plan régional, national et international, souligne-t-il. Je trouve aberrant qu'ils la coupent juste pour une compétition. Ils ne voient pas le tableau d'ensemble. C'est plate en maudit.»

Aux dernières nouvelles, les trois parties - Lacroix, TYR et Natation Canada - n'avaient pas trouvé de terrain d'entente. La principale intéressée poursuit sa préparation en Asie en refusant de se laisser perturber. «Nous avons un maillot et ce n'est pas la première fois que cette situation arrive à Audrey. Nous sommes en terrain connu», conclut son entraîneur Claude St-Jean.