Achraf Tadili ne savait pas qu'un coureur de demi-fond pouvait être spectaculaire. Au même titre qu'un hockeyeur aux mains magiques ou un joueur de soccer aux pieds de soie. À force de recevoir les accolades des fans et parents d'athlètes réunis au stade de l'Université de Windsor, il a fini par y croire.

Tadili a produit une autre des remontées dont il a le secret pour se classer deuxième du 800 mètres aux Championnats canadiens d'athlétisme, hier après-midi. Du coup, l'athlète de Laval confirme sa sélection au sein de l'équipe qui représentera le Canada aux Jeux olympiques de Pékin.

«On dirait que j'ai créé de l'excitation, a confié Tadili, un peu surpris de l'attention reçue. En course à pied, c'est quand même rare d'entendre des gens dire qu'ils aiment la manière dont tu cours, ta technique. Ça fait du bien au moral.»

Il fallait voir Tadili remonter presque tout le peloton dans l'avant-dernière ligne droite, avec ses longues enjambées de gazelle. Seul Gary Reed, vice-champion du monde, a pu résister à la remontée du Québécois, qui lui a soufflé dans le cou dans les 60 derniers mètres. Reed, un partenaire d'entraînement, a franchi la ligne en 1:45.61 pour décrocher un quatrième titre canadien. Tadili, champion en 2001 et 2006, a suivi en 1:46.25.

Au déjeuner, Tadili nous avait dessiné le scénario de la finale. Il savait qu'Andrew Ellerton allait partir comme une flèche dans l'espoir de satisfaire au critère de sélection olympique. Dans son cas, au diable la typique course tactique de championnat.

De son côté, Tadili n'avait plus de critères à remplir, il a réglé cela en Europe le mois dernier en claquant trois 1:45 consécutifs. Il lui suffisait de finir parmi les quatre premiers afin de se qualifier pour ses deuxièmes JO après ceux d'Athènes, en 2004. Idem pour Reed.

Ce dernier n'a toutefois pas pris de risque et s'est collé à Ellerton dès les premières foulées. Reed a ensuite pris les commandes dans le premier tour.

Tadili, lui, s'est placé à la queue, jugeant que ce rythme élevé ne lui convenait pas encore. «Je voyais quand même ce qui se passait en avant, on n'était pas éloigné les uns des autres», a relaté le Marocain d'origine.

N'empêche, Tadili a eu le temps de penser au pire. «Je me disais: «Jusqu'à maintenant, je ne suis pas qualifié. Si l'électricité coupe dans le stade, je ne suis pas qualifié». C'était drôle»

Tellement drôle que Tadili a enclenché la cinquième vitesse pour se positionner au sixième rang après un tour. Pendant que Reed se détachait en tête, Tadili a poursuivi son accélération jusqu'à ce que l'aiguille du tableau de bord atteigne sa limite, vers les 740 m.

«J'étais gourmand, a expliqué Tadili. Même si je voyais que j'allais finir parmi les quatre premiers, je cherchais une victoire.» Ça y était presque.

Quand la question lui a été posée, Reed a prétendu qu'il n'avait pas senti revenir Tadili, un partenaire d'entraînement durant l'hiver à Victoria. «Je savais qu'il serait là, a précisé Reed. Ce sont de bons coureurs. Je savais qu'ils essaieraient de refermer l'écart. Je me suis simplement assuré de conserver suffisamment d'énergie pour la dernière ligne droite. Ça a marché.»

Les deux hommes se retrouveront pour un camp d'acclimatation à Singapour, à la fin du mois, avant les premières rondes du 800 m olympique au Stade national de Pékin, le 20 août. Entretemps, Tadili fêtera demain son 28e anniversaire de naissance - pas trop - avant de prendre la direction de la Belgique, où il doit disputer trois courses. Ah oui, il s'est aussi promis de regarder la vidéo de la course. Lui aussi aimerait bien voir à quoi ça ressemble un coureur spectaculaire.