Vincent Damphousse comprend mal la réaction des gens qui se scandalisent des salaires versés aux joueurs autonomes de la LNH depuis quelques jours.

«C'est au contraire la preuve que le hockey est en meilleure santé que jamais», a confié au bout du fil l'ancien capitaine du Canadien, qui a été au coeur des négociations lors du dernier lock-out, en 2004-2005.

«Les revenus augmentent, alors le plafond augmente proportionnellement, a-t-il dit. L'entente dit que 56% des revenus vont aux joueurs. Alors selon les calculs, les clubs ont désormais 56 millions pour bâtir un club et c'est ce qu'ils font. Les propriétaires sont contents et les joueurs aussi. C'est ça, le partage des revenus.»

Damphousse ne voit pas comment on peut qualifier les propriétaires d'irresponsables. «Nous les avons forcés à déclarer leurs revenus et à nous donner la part qui nous revient. C'est exactement ce que l'on voit à l'heure actuelle. C'est écrit dans la convention. Il y a différentes façons de bâtir un club. Tu payes deux ou trois vedettes à gros prix, mais il faut les entourer. Le hockey reste un sport d'équipe. Il faut trouver un équilibre et payer les joueurs qui soutiennent les vedettes. C'est parfaitement normal de payer le joueur moyen deux ou trois millions quand tu as 56 millions à ta disposition pour bâtir ton club.»

Le dernier capitaine francophone du Tricolore ne partage nullement le pessimisme de ceux qui prédisent que la LNH court à sa perte en dépensant ainsi. «Ça ne peut pas péter parce que le pourcentage du partage des revenus fait l'affaire des propriétaires. Les salaires augmentent proportionnellement aux revenus et ils vont diminuer si les revenus diminuent. Si le plafond passe de 56 millions à 54 millions l'an prochain, les propriétaires ont des mécanismes pour abaisser leur plafond. Ils peuvent toujours racheter le contrat de certains joueurs, en soumettre au ballottage ou les échanger. C'est juste que si ça baisse, les équipes auront des choix plus difficiles à faire. Mark Streit, je suis sûr que le Canadien voulait le garder. Mais ils ont fait un choix. C'est un exemple.»

L'ancien membre du bureau de direction de l'Association des joueurs ne comprend pas qu'on puisse reprocher aux joueurs de faire trop d'argent. «On parle des 700 meilleurs au monde. C'est sûr que tu vas faire de l'argent. Il y en a plein qui essaient de percer et qui ne réussissent pas. S'il y avait des centaines de milliers de personnes qui assistaient à des matchs de bowling, les joueurs de bowling seraient millionnaires eux aussi. C'est la loi de l'offre et de la demande.»

Damphousse a aussi des arguments pour ceux qui seraient tentés de faire un lien entre l'augmentation des salaires et la hausse du prix des billets. «Le prix des billets monte, mais ce n'est pas à cause du salaire des joueurs; c'est plutôt parce que les propriétaires peuvent le faire. Même si les joueurs gagnaient 100 000$, les propriétaires pourraient quand même demander 100$ à l'entrée parce qu'il y a des gens prêts à payer cette somme. C'est simplement la loi du marché.»

Les revenus augmentent et la qualité du jeu est nettement supérieure depuis l'arrêt de travail. Le lock-out était-il un mal nécessaire? «C'est toujours facile de regarder en arrière et se dire qu'on aurait pu régler tout ça un an à l'avance, a répondu Damphousse. Mais ça ne fonctionne pas comme ça dans la vraie vie. Le hockey est en meilleure santé et un autre aspect important de la nouvelle convention, c'est que nous avons forcé la LNH à créer un comité formé de cinq joueurs et de cinq directeurs généraux pour modifier les règlements. On en avait assez de voir des hommes en cravate prendre les décisions. La fusillade a été amenée, tout comme l'abolition de la ligne rouge. L'instauration des nouveaux règlements a été provoquée grâce aux négociations pendant le lock-out. Il n'y a plus de matchs nuls. Moi, la fusillade, ça m'emballe. Le spectacle en général est très bon. J'ai des billets, je vais souvent voir les matchs, je suis un fan.»

Dire que plusieurs affirmaient que les joueurs avaient été bernés par l'entente survenue en 2005. L'ancien patron syndical Bob Goodenow a même été chassé après la signature du nouveau contrat de travail. «Il faut toujours attendre avant de juger. Il y a des joueurs qui n'étaient pas d'accord, environ 15%, mais moi, j'avais confiance. C'est une entente dont je suis très fier aujourd'hui. Le plafond est passé de 39 millions à 56 millions en quatre ans et notre sport va beaucoup mieux.»

Damphousse espère que la belle complicité entre les propriétaires et les joueurs durera. «J'ai hâte de voir les prochaines négociations en 2011, voir si les propriétaires ne tenteront pas de trouver de nouvelles failles. J'espère qu'ils vont s'entendre sans lock-out ou grève. Il faut éviter un autre arrêt de travail.»

Damphousse a quitté l'Association des joueurs. Il est toujours propriétaire du spa le Scandinave à Tremblant (avec quelques partenaires, dont Éric Desjardins), et le groupe compte en ouvrir deux autres sous peu dans le Vieux-Montréal et à Whistler, en Colombie-Britannique. «Et je prends le temps de m'occuper de mes deux enfants de 3 ans et 8 mois», a-t-il ajouté.