En un temps record, Pékin s'est métamorphosé. Pour cela, la ville a dû dire adieu à des morceaux de son passé et dépenser des sommes astronomiques. Mais cette soudaine modernité fait-elle oublier la répression dont est toujours victime le peuple chinois? Visite au coeur de cette Chine nouvelle, que tous voudraient plus respectueuse des droits de l'homme.

Le nouveau stade de Pékin n'est pas encore ouvert au public qu'il est déjà devenu la nouvelle signature de la ville, l'attraction qu'on doit voir quand on est de passage dans la capitale.

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Sur le viaduc qui surplombe le quatrième périphérique, les touristes se bousculent en ce mercredi midi pour avoir la meilleure photo possible avec le fameux «Nid d'oiseau» en arrière-plan.

«C'est joli», lance M. Zheng, originaire de la province du Fujian (Sud), qui en est à sa première visite à Pékin. «Avec les Jeux olympiques, c'est l'année la plus importante de l'histoire de la Chine», dit-il pour expliquer ce voyage qu'il ne s'était pas encore permis.

M. Zheng résume le sentiment de plusieurs Chinois : la capitale chinoise bombe le torse grâce à une beauté retrouvée et fait ainsi entrer le pays dans le club des grands, prouvant au monde que les Chinois, du haut de leur civilisation vieille de 5000 ans, savent organiser des Jeux olympiques.

Pékin n'a pas regardé à la dépense. Quand les épreuves paralympiques seront terminées, le 17 septembre, on estime que 40 milliards de dollars auront été dépensés pour améliorer la ville à l'occasion des Jeux.

Les athlètes et les visiteurs qui débarquent en ville ces jours-ci peuvent le constater dès leur arrivée au nouveau terminal 3 de l'aéroport de Pékin, construit en un temps record. Il y a bien encore quelques anicroches – dont la gare du train qui se rend au centre-ville, tout en verre, qui a des allures de serre tellement il y fait chaud – mais on est loin des problèmes qui avaient marqué l'ouverture du nouveau terminal de l'aéroport Heathrow, à Londres.

Le New York du XXe siècle

Outre le Nid d'oiseau et le terminal 3, Pékin s'est offert depuis le tournant du siècle une série d'édifices qui attirent l'attention des architectes de la planète. Tellement que le New York Times et le magazine Vanity Fair ont, coup sur coup, comparé la ville au bouillant New York du début du XXe siècle, celui qui s'inventait un avenir et réinventait le monde occidental. Cette comparaison plaît à l'architecte québécois Simon Péloquin, qui dirige le bureau du Groupe IBI à Pékin depuis deux ans.

«Il y a beaucoup plus d'expérimentation ici qu'à Shanghai. Il n'y a pas de contrôle, on fait ce qu'on veut.»

Cette liberté d'agir se double d'une quantité incroyable de projets. «En deux ans, j'en ai peut-être fait une vingtaine. Quand je retourne à Montréal, c'est tellement évident qu'il ne se passe rien!»

En juillet, Pékin a aussi ajouté deux lignes de métro à celle inaugurée il y a quelques mois. Une des plus récentes se rend aux installations olympiques, dans le nord de la capitale, et est réservée aux détenteurs de billets jusqu'à la fin des Jeux.

Ceux qui n'ont pas de billet – ce seront les premiers Jeux à guichets fermés de l'histoire – peuvent toujours aller marcher dans la ville, fleurie comme jamais : on y a planté 40 millions de boutures cette année, quatre fois plus que d'habitude.

Le ménage ne s'est toutefois pas arrêté aux édifices et aux jardins. Dans les rues, les traditionnels vendeurs de fruits ont disparu. Selon toute vraisemblance, ils nuisaient à l'image de modernité que Pékin veut projeter. Des bars situés trop près des installations olympiques ont été fermés pour des raisons de sécurité, ont dit les autorités. On a même redécouvert un règlement qui était tombé dans l'oubli, selon lequel les boîtes de nuit doivent fermer à 2 h du matin.

Il y a aussi des militants des droits de l'homme qui sont suivis, quand on ne les a pas mis en prison.

Et la pollution?

En fait, si les infrastructures sportives et le gros des travaux ne posent plus de problèmes (il reste quand même quelques coups de pinceau à donner ici et là), la question de l'heure est celle de la pollution. Pékin pourra-t-il offrir un air de qualité aux quelque 10 500 athlètes du monde?

Depuis deux semaines, la moitié des 3,3 millions de voitures que compte Pékin n'ont pas le droit de circuler. On alterne : une journée, seules celles dont la plaque minéralogique se termine par un chiffre pair peuvent prendre la route, et le lendemain, c'est le tour des numéros impairs. Des usines ont aussi été fermées.

Malgré cela, le ciel de Pékin est demeuré gris une bonne partie de la semaine. Un ciel semblable à ce que Pékin a connu pendant la semaine du 8 août l'an dernier, alors que le mercure oscillait entre 35 et 40°C.

Comme toujours, les autorités se font rassurantes. Le phénomène qui a embrumé Pékin cette semaine serait naturel : ce n'est pas parce que c'est gris que c'est du smog ou de la pollution.

N'empêche qu'on est encore loin du beau ciel bleu qui permettrait aux caméras de montrer la meilleure image possible de Pékin et aux dirigeants chinois de crier au monde entier qu'ils ont rempli leur promesse d'organiser des «jeux verts».

Pour parer au pire, Pékin a prévu un plan d'urgence selon lequel d'autres usines pourraient être fermées et d'autres véhicules retirés de la circulation si la pollution devenait inacceptable.

L'autre ombre sur ces Jeux que les Chinois voulaient parfaits pourrait venir de la rue ou d'athlètes trop politisés au goût de Pékin. La répression des manifestants tibétains a laissé à certains un goût amer.

Et la menace terroriste» en cette ère post-11 septembre? Le problème, c'est qu'on ne sait pas trop ce que le pouvoir chinois veut dire quand il parle de «menace terroriste». Vient-elle de ceux qui veulent lancer des bombes? Ou inclut-on ceux qui crient trop fort au goût du régime?

Chose certaine, Pékin, qui a fait de la sécurité la priorité des Jeux, ne prend pas de risque : quelque 100 000 policiers et soldats patrouillent la ville. On a même installé des missiles sol-air pour parer à toute attaque.

Bref, Pékin a peut-être eu droit à la cure de rajeunissement du siècle, mais les vieilles habitudes militaires, elles, ne sont pas bien loin.