Au primaire comme au secondaire, la période d'examens bat son plein. Et s'il existait une approche pour faciliter les périodes d'étude selon qu'on a affaire à un jeune actif ou à un écolier de type plus affectif ? Avant d'ouvrir les cahiers de révision, nos jeunes ont avantage à mieux se connaître, assurent de nombreux experts.

Lorsqu'il a commencé sa carrière d'enseignant, Richard Angeloro a rapidement constaté que, naturellement, ses méthodes différaient de celles de ses collègues enseignantes. Son approche semblait plaire à une majorité de garçons, mais voilà, il voulait aussi rejoindre les filles.

« Il y avait dans ma façon de faire une sorte de complémentarité avec mes collègues femmes. Je me suis intéressé de près aux différences entre les garçons et les filles, pour pouvoir enseigner efficacement aux deux groupes. »

Au fil des années, il est arrivé à une conclusion : dans sa classe, il remarque qu'il y a des jeunes qu'il place dans « le spectre actif », et d'autres « dans un spectre plus affectif ». L'enseignant, qui est aussi orthopédagogue, évite sciemment de diviser les garçons et les filles en deux groupes distincts, car il constate que de plus en plus de filles se retrouvent dans le groupe des « actifs », et que plusieurs garçons sont de type plus « affectif ».

N'empêche, il y a une dominante masculine chez les « actifs » et féminine chez les « affectifs ». Certains enfants se situent aussi à la frontière entre les deux groupes.

Concrètement, d'après M. Angeloro, les enfants du groupe « actif » ont besoin de manipuler l'information pour mieux la comprendre. Ils aiment déconstruire un problème mathématique, ou encore un texte, pour mieux le reconstruire. Aussi, rien ne leur fait plus plaisir que de se retrouver dans un mode de saine compétition.

De leur côté, les élèves du type « affectif » vont apprendre aisément dans un mode plus classique, où l'on récite des mots pour les apprendre, par exemple. Ils ont aussi plus de facilité que leurs pairs avec l'abstraction.

« Dans un exercice d'écriture, on va voir que les actifs vont mettre l'accent sur le verbe, et les affectifs vont se concentrer sur la description. Si on leur demande de bonifier un texte où on a une souris comme personnage, par exemple, les premiers vont s'intéresser à ce qu'elle fait, à ses actions. Les autres vont mettre l'accent sur les adjectifs, surtout. »

Pas question, donc, de se limiter bêtement au besoin de bouger des garçons. « Dans une compréhension de lecture, on demande souvent aux enfants comment ils se sentent par rapport au texte. Les enfants actifs, eux, ça ne les intéresse pas. Par contre, si on leur demande de préciser ce qui peut se passer si l'histoire continue - la façon dont ils pensent que les voleurs sont sortis, par exemple -, là, on retient leur attention », soutient-il.

L'apprentissage des mots de vocabulaire aussi varie d'un groupe à l'autre. Si les élèves qui se trouvent davantage du côté « affectif » arrivent facilement à apprendre une série de mots par coeur, ça n'a aucun sens pour les jeunes « actifs ». « Ils ont besoin d'un défi, de partir à la conquête des mots. Par exemple, découvrir pourquoi le mot "doigt" s'écrit avec un "g" et un "t" à la fin. Déconstruire le mot pour mieux l'apprendre. »

Au fil des années, Richard Angeloro a bonifié son approche, qu'il a d'ailleurs enseignée à des étudiants à la maîtrise en enseignement à l'Université de Montréal. Aujourd'hui, il travaille auprès d'enfants au nord de Chibougamau.

Complexe, cette différenciation?

Depuis des décennies, on a appris à diviser les types d'apprentissages en trois groupes : les auditifs, les visuels et les kinesthésiques. Bref, ceux qui ont besoin d'entendre, de voir ou de toucher pour comprendre.

Aujourd'hui, on parle surtout des groupes « verbal » et « non verbal », ainsi que « séquentiel » et « non séquentiel ». À la maison, il y a de quoi en perdre son latin. A-t-on vraiment besoin de comprendre toutes ces nuances pour aider un enfant à étudier ?

Peu importe la façon de déchiffrer comment un jeune apprend, l'idée est surtout de l'amener à mieux se connaître. Ultimement, il pourra travailler avec ses forces... et ses défis, précise Marie-Claude Beaulieu, orthopédagogue et auteure du guide Au retour de l'école.

Sans se prononcer sur la méthode de Richard Angeloro, elle abonde dans le même sens : tous les enfants ne captent pas l'information de la même façon, et imposer une seule et unique méthode, c'est faire fausse route.

Elle fait remarquer qu'il y a des jeunes qui ont besoin d'entendre et de répéter ce qui a été expliqué. D'autres, au contraire, ont besoin de « faire les choses, et qu'on les fasse avec eux ».

Ensuite, la façon de traiter l'information varie aussi. « Il y en a qui vont privilégier le travail en étapes, et d'autres qui ont besoin de tout voir en même temps - ça, c'est un peu plus brouillon ! »

« Là où on s'accroche avec nos enfants, c'est quand on n'a pas les mêmes façons de faire qu'eux. On voudrait leur imposer notre façon, parce que, par exemple, on les trouve trop brouillons. Mais ça ne fonctionne pas : c'est comme si on leur coupait les ailes. Un jeune qui a un exposé oral à faire, si on reconnaît qu'il doit voir toute l'information en même temps, ça va être bien plus payant de faire une tempête d'idées sur une feuille. Il mettra ses idées en ordre par la suite. »

Au fil du temps, amener un enfant à se connaître peut être payant. « Le jeune qui est très séquentiel va se faire des résumés avant un examen, comme on se faisait dans le temps, sur des fiches. Par contre, le jeune qui est plus simultané, lui, son résumé tiendra sur une même page, ou une page par chapitre », illustre l'orthopédagogue.

Apprendre à apprendre

Sans procéder à une évaluation en bonne et due forme de son enfant, Richard Angeloro et Marie-Claude Beaulieu estiment qu'un parent à l'écoute peut comprendre ce qui capte l'attention de son enfant lorsqu'il est en situation d'apprentissage. Il peut alors le lancer sur des pistes : et si tu te faisais un graphique avec toutes les informations à apprendre pour ton examen de science ?

Finalement, un jeune qui se connaît mieux s'adaptera plus facilement au fonctionnement de l'école, qu'elle soit au départ conçue pour lui ou pas. « C'est exactement ça, insiste Richard Angeloro. Le jeune devient alors en contrôle de qui il est, de son travail d'apprenant. Il peut mieux se mobiliser. Il va être capable de prendre ce qui lui est présenté, que ce soit de sa façon d'apprendre ou non, et de le transformer pour en faire quelque chose de positif. »

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Une règle pour tous?

En attendant de mieux se connaître, les élèves ont, ces jours-ci, toutes sortes d'examens. La troisième étape, au primaire et au secondaire, vaut d'ailleurs pour 60 % de l'année scolaire. Bonjour le stress, à l'heure des devoirs, dans certaines maisons... Existe-t-il une méthode d'étude efficace pour tous? Règle générale, explique Marie-Claude Beaulieu, le mieux est de transposer en images ce qu'on lit (lire un chapitre et en faire un résumé ou un schéma), et de parler de ces images (vulgariser à voix haute, en faire une petite présentation). Bref, utiliser ses forces pour éviter à tout prix d'être passif. « En gros, il faut que, ce qu'on lit, on s'en fasse des images, et ce que l'on voit, on s'en parle. On veut que l'information voyage entre les hémisphères du cerveau. Car quand on ne fait que lire, en général, on ne retient que 10 % de l'information. »

Parents, aidez-les... de loin!

Chercher à comprendre le style d'apprentissage de son enfant, c'est bien, mais attention à ne pas « devenir prisonniers du sac à dos », prévient Marie-Claude Beaulieu, orthopédagogue.

« On voit certains parents bien intentionnés qui deviennent très excités de pouvoir enfin comprendre comment fonctionne leur enfant, et qui en font beaucoup. Par contre, je pense que, parfois, plus le parent veut, moins le jeune veut », résume la spécialiste.

Elle en convient, la ligne est mince entre trop en faire et glisser dans le laisser-aller. Elle met toutefois en garde les parents contre les phrases du type « on va faire nos devoirs » et « tu vas me faire une dictée ». Non, ces devoirs et ces leçons n'appartiennent pas aux parents.

« Cette attitude est à double tranchant, car on met trop de relationnel dans la période des devoirs. L'enfant se dit alors : "Si j'ai le goût de te faire un cadeau, je vais étudier, et si je veux te faire choquer, ou te mettre en dehors de mes affaires je vais travailler de façon très, très, très passive." »

S'installe alors, souvent, une guerre de tranchées. Pourtant, l'idée de départ était d'offrir un bon encadrement. La solution ? Sortir de la pièce, tout simplement.

« On leur dit, par exemple : "Tu as un mot à copier, alors fais-le tout seul et appelle-moi quand tu auras terminé." On sort de la relation de dépendance, et c'est l'initiative qui ramène la relation parent-enfant. »

Ainsi, elle suggère aux parents de donner des outils pour aider l'enfant à s'organiser dans le temps et dans l'espace : trouver un tableau pour indiquer les devoirs de la semaine et les événements dans le mois, proposer une tempête d'idées sur une feuille de brouillon avant d'écrire un texte, s'intéresser à ce que fait l'enfant... sans toutefois se transformer en deuxième enseignant.

« Quand un enfant fait un travail et que c'est tout croche, il y a des parents qui vont eux-mêmes tout effacer et lui lancer : "Tu recommences." C'est d'une violence! Pourquoi ne pas lui dire : "Qu'est-ce que tu penses que madame Sylvie va penser demain quand elle va voir ça?" On peut écrire un petit mot à la prof pour lui expliquer qu'on n'est pas contents de la qualité de ce travail, mais règle générale, elle va l'intercepter. »

Ni trop proche ni trop loin

« Si je te dis que cet après-midi on aura un examen de mathématiques, tu te sens comment ? » Devant la question très hypothétique de leur enseignante, les élèves de deuxième année de la classe de Sophie Brunelle à Saint-Laurent s'exclament en choeur : « Yé! ! ! »

Le groupe de l'école Enfant-Soleil démontre une nette préférence pour les chiffres, car lorsqu'on aborde la question des examens d'écriture, la réaction est beaucoup plus divisée. N'empêche, plusieurs élèves ont fait de gros progrès en français comme en mathématiques, souligne l'enseignante.

Pour arriver à ces résultats, l'aide des parents à la maison est tout de même cruciale, souligne-t-elle. Elle cite en exemple un garçon dont les parents s'impliquaient plus ou moins assidûment dans les leçons de leur fils, en début d'année. Résultat : ce jeune était en échec. Par contre, une fois les parents mobilisés autour de lui, il s'est mis à obtenir des notes parfaites.

« On coule les fondations de la maison maintenant, précise l'enseignante. Si vous n'êtes pas là pour les accompagner, quand plus tard ils pourront être vraiment autonomes, ils n'auront pas la chance de l'être parce que la fondation ne sera pas solide. Tout ce qui va venir s'installer par-dessus ne tiendra pas. »

Marie-Claude Beaulieu croit elle aussi que l'autonomie n'apparaît pas comme par magie. « On les aide à s'organiser, on fait des suggestions... Il ne faut pas les laisser seuls là-dedans, car ce serait de la négligence. »

Elle ajoute toutefois un bémol : « Les parents peuvent donner des exemples pour aider leur enfant à compléter un devoir, mais dès qu'il sent qu'il doit refaire la leçon, c'est plutôt d'encourager le jeune à revoir son prof ou à en parler avec un ami. C'est un moyen de favoriser l'autonomie. »

La parole aux enfants!

Parce qu'ils sont les mieux placés pour nous expliquer comment ils apprennent, nous sommes allés rencontrer un groupe d'enfants de deuxième année. Comment font-ils pour se souvenir des mots de vocabulaire? Qu'est-ce qui fait un bon élève? Y a-t-il des stratégies gagnantes? Étonnamment, ils sont tous plutôt conscients de leurs forces et de leurs défis. Voici des extraits d'une conversation dans la classe de Sophie Brunelle, de l'école Enfant-Soleil, à Saint-Laurent.

Est-ce que vous avez des stratégies pour bien faire vos devoirs et vos leçons à l'école ou à la maison?

MAELA > Je souligne les mots importants dans mes textes, parce que si tu soulignes les mots importants dans la question, ça te donne des indices pour la réponse.

RYAN > Quand j'ai des fautes, je les ajoute aux mots que je dois étudier dans l'autre semaine. Pour les apprendre, je les écris et je les cherche dans mon dictionnaire.

CAMÉLIA > Quand je fais mon verbe, des fois, je ne me rappelle pas comment on fait le pluriel. Quand ça arrive, j'essaie de me rappeler comment je faisais à la maison. Je revois les mots que j'écrivais, mais dans ma tête.

SAADIA > Moi je les apprends mieux quand je les dis à haute voix !

À quel moment ou dans quelles circonstances sentez-vous que vous apprenez le mieux?

RAYANE > J'apprends mieux quand personne ne bouge trop. Quand ça bouge autour, je n'écris pas bien.

SOFIA > Quand je reviens de la récréation, après je me sens mieux parce que j'ai bougé un petit peu. Je travaille mieux.

Qu'est-ce que votre enseignante fait de bien pour vous permettre d'apprendre ?

HASSAN > J'aime quand elle nous pose des questions. Et quand elle fait des gestes, moi, après je comprends mieux.

SHARAN > Quand elle me parle tout doucement, moi j'écoute. Je comprends.

SIMONE > Moi j'ai besoin qu'elle nous fasse des exemples sur le TBI (le tableau blanc interactif).

MAELAN > Oui, moi aussi j'ai besoin d'exemples! Quand on me donne des exemples, j'ai plus d'images dans ma tête, comme si les exemples me donnent la réponse.

JOHNNY > Moi, des fois, je ne comprends pas, et madame Sophie m'explique toute seule avec moi, et je comprends mieux. C'est plus facile.

Apprenez-vous mieux avec vos yeux, avec vos oreilles ou encore en touchant des objets?

CAMÉLIA > Moi c'est avec les yeux! Quand madame Sophie fait des exemples au tableau, moi je regarde. Je vois les réponses après dans ma tête.

HASSAN > Moi aussi je vois la phrase dans ma tête avant de l'écrire.

RYAN > J'apprends mieux avec la bouche et les oreilles. Je commence par écouter madame Sophie, mais j'apprends aussi avec la bouche quand je pose des questions! Après, je peux mettre tout dans ma tête!

Sophie Brunelle, enseignante : Et le mot de la fin, pour être un bon élève et bien apprendre, de quoi avez-vous besoin?

RYAN > Moi j'ai besoin de mes parents pour bien travailler. Parce que des fois, ils me donnent des exemples et ils m'encouragent.

FOUZI > Il me faut des stratégies!

ELIJAH > Il faut plusieurs exemples!

SIMONE > Il faut me concentrer et ne pas regarder ce qu'il y a autour de moi...

MAELAN > D'avoir une bonne position, une posture pour bien écouter.

JOHNNY > Il faut faire des respirations, parce que si je suis énervé, je peux me calmer!