L'Allemagne, pionnière pour ses «boîtes à bébé» qui permettent d'abandonner un nouveau-né dans l'anonymat, veut légiférer pour permettre aux enfants de connaître plus tard leur mère biologique.

Un petit chemin discret au milieu d'un parterre vert parsemé de fleurs aux couleurs vives. Au bout: un «berceau pour bébé», comme on l'appelle dans cet hôpital d'un quartier résidentiel de Berlin. En fait, une simple trappe en acier que l'on tire pour déposer un nouveau-né dans un petit lit chauffant. Et l'abandonner.

«Une alarme se déclenche alors en quelques secondes», explique Gabriele Stangl de l'hôpital Waldfriede, géré par une communauté protestante. «Il faut deux à trois minutes aux infirmières pour venir récupérer le bébé, un laps de temps suffisant pour que la mère puisse s'éloigner sans être vue», poursuit-elle.

Depuis sa création dans cet hôpital aux confins de Berlin, «la boîte à bébés» a accueilli plus d'une vingtaine de nouveau-nés. «Pendant deux ans, nous n'en avons pas eu, et au cours des six derniers mois, nous en avons eu deux en cinq jours», raconte Mme Stangl.

Les nouveau-nés, «la plupart âgés de 24 à 30 heures», sont pris en charge par l'hôpital et rapidement confiés à une famille d'adoption. La mère conserve toutefois la possibilité de reprendre son enfant durant les huit premières semaines.

Acceptées par les églises allemandes, elles ne sont encadrées par aucune loi.

Version moderne des parvis d'église et tours d'adoption d'autrefois, ce système était courant en Europe depuis le Moyen Âge avant de disparaître à la fin de XIXe.

L'Allemagne, qui en compte une centaine, a été pionnière en créant dans les années 90 ces «babyklappe», imitée depuis par de nombreux pays européens (Italie, Belgique, Suisse, République tchèque...) comme par l'Inde, l'Afrique du Sud ou cette année le Canada.

Mais ce système est critiqué par l'ONU parce qu'il ne permet pas à l'enfant de connaître ses origines, un principe contenu dans la Convention internationale des droits de l'enfant.

La loi allemande oblige normalement les sages-femmes à enregistrer le nom de la mère, même si quelque 130 hôpitaux pratiquent des accouchements sous X.

Pour respecter le droit de l'enfant à connaître ses origines, le gouvernement d'Angela Merkel a récemment adopté un projet de loi qui, s'il est adopté par les députés, fournira un cadre légal à l'accouchement «confidentiel».

Une femme pourra ainsi décider d'accoucher dans l'anonymat, mais ses données personnelles seront conservées pendant 16 ans. Passé ce délai, un enfant aura le droit de connaître le nom de sa mère.

Pour la députée conservatrice Ingrid Fischbach, ce projet de loi permet à la fois «de prendre en compte le souhait d'anonymat de la mère et le droit de l'enfant à connaître ses origines».

Une étude sera faite dans trois ans pour savoir si les boîtes à bébés peuvent perdurer.

«Je crois que le droit à la vie prime sur le droit à connaître ses origines», estime pour sa part Gabriele Stangl pour qui sauver une vie doit constituer la priorité.

«Je ne crois pas qu'un enfant doive tomber dans un trou psychologique uniquement parce qu'il ne sait pas d'où il vient. Quand il grandit dans une famille adoptive qui lui dit la vérité et lui donne beaucoup d'amour, il peut malgré tout devenir un être très stable», assure-t-elle.

Nombre de psychologues assurent toutefois qu'il est important pour un enfant d'avoir un jour la possibilité de prendre contact avec sa mère.

Les plus virulents veulent la suppression pure et simple des «boîtes à bébés»,  affirmant qu'elles ne font pas diminuer les statistiques des nouveau-nés tués. Selon l'ONG Terre des hommes, qui mène campagne contre les «babyklappe», 313 nouveau-nés ont été retrouvés morts entre 1999 et fin 2012 en Allemagne.

Pour elle, les femmes qui tuent leur bébé à la naissance sont dans une situation psychologique telle que les trappes à bébé ne sont pas un recours pour elles.

À Berlin, les corps de deux bébés ont été récemment découverts, l'un abandonné dans un sac en plastique dans un bosquet, l'autre dans une benne à vêtements.