La petite pilule bleue fête ces jours-ci ses 25 ans. Un anniversaire qui rime avec révolution, prescription, contrefaçon et bien sûr érection. Le point avec quelques informations pertinentes et impertinentes sur la question.

27 mars 1998 

D’abord développée pour traiter l’hypertension et l’angine de poitrine, la pilule qui a mis Pfizer sur la carte est le fruit d’un pur hasard. Les chercheurs ont en effet réalisé que leur molécule (le citrate de sildénafil) n’augmentait finalement pas la circulation sanguine vers le cœur, tel qu’espéré, mais plutôt ailleurs... Inespéré, vous dites ?

37 millions d’hommes

La découverte suscite un engouement instantané. Quand on sait qu’il n’existe à l’époque aucun moyen de traiter les dysfonctions érectiles (exception faite de traitements douloureux ou humiliants, pensez piqûres et suppositoires dans l’urètre), on mesure mieux l’enthousiasme. Les premiers jours après le lancement, les médecins font jusqu’à 10 000 ordonnances par jour, révèle à ce sujet un article du Time de l’année (1998). Les deux premières semaines suivant la commercialisation, plus de 150 000 ordonnances sont rédigées aux États-Unis. Entre 1998 et 2013 (et l’arrivée des pilules génériques), on estime que 37 millions d’hommes ont consommé du Viagra.

Source : magazine Challenges

Libération ?

Selon le fondateur et éditeur du magazine Penthouse, Bob Guccione, le Viagra devait « libérer la libido des hommes » et surtout couper l’herbe sous le pied des féministes, lesquelles sont, selon lui, responsables d’avoir « émasculé le mâle Américain » en mettant trop de pression sur les hommes.

Source : Time magazine, 2018

1 sur 3

C’est la proportion d’hommes de plus de 40 ans qui souffrent d’« impuissance masculine », à un moment ou à un autre. Si les statistiques sont très variables d’une étude à l’autre, une seule chose demeure : les pourcentages augmentent avec l’âge.

Sources : European Urology, 2002

27 minutes

C’est le temps moyen que prend la pilule avant d’agir, pour une durée de quatre ou cinq heures en moyenne. À noter que la pilule n’agit pas sur le désir, par ailleurs indispensable (en plus d’une forme ou d’une autre de stimulation) pour que la magie – comme on dit – opère.

La plus célèbre, mais aussi la plus contrefaite

En 2021, les douanes américaines ont saisi pour 16,3 millions US de fausses petites pilules bleues. Des faux quasi omniprésents en ligne, mettent en garde les autorités. Une contrefaçon qui ne date pas d’hier. Il y a 25 ans déjà, tout juste après la commercialisation du Viagra, des faux conçus en Thaïlande et en Inde étaient vendus à gros prix sur l’internet. Pour les distinguer, on suggère de s’assurer du bleu de la pilule, du f du Pfizer, de la forme en diamant, etc. Quoi qu’il en soit, les experts sont unanimes : en ligne, il y a de grands risques que les pilules soient des fausses.

Source : drugs.com

Usages alternatifs

Si elle cible d’abord les hommes généralement plus âgés aux prises avec des troubles érectiles, un usage dit « récréatif » du Viagra se popularise très rapidement. Un an après sa commercialisation, on constate déjà sa popularité auprès des jeunes fêtards, un phénomène qui inquiète à ce jour les autorités médicales. Dès 2012, une étude américaine évalue que 8 % des jeunes utilisent le Viagra et d’autres médicaments du genre pour se rassurer dans leur performance sexuelle.

Source : Agence France-Presse

Dangers

La nouvelle a été peu médiatisée, et pourtant : l’an dernier, une étude réalisée par des chercheurs de la Colombie-Britannique et publiée dans la revue médicale Jama Ophthalmology démontre que les abonnés du Viagra sont jusqu’à 85 % plus à risque de développer des problèmes oculaires, comme le décollement de la rétine, la pilule affectant la circulation sanguine jusqu’aux yeux. C’est la première fois qu’une large étude épidémiologique arrive à une telle association.

Usage inédit

Des chercheurs israéliens et australiens ont découvert qu’une petite concentration de Viagra ajoutée dans l’eau de vos fleurs coupées pouvait doubler la durée de vie de vos bouquets. Ça ne s’invente pas, et c’est même démontré.

Source : British Medical Journal

Pétition

En 2020, un homme de La Prairie dépose une pétition à l’Assemblée nationale réclamant le remboursement de la pilule bleue par la Régie de l’assurance maladie du Québec. Il faut savoir que le Viagra figure toujours sur une courte liste d’exclusion, au même titre que les médicaments prescrits à des fins esthétiques ou pour traiter la calvitie. Le dossier est « à l’étude » depuis.

Le Viagra incarne le début de la commercialisation de la dysfonction érectile. […] Un effort de commercialisation […] qui promet une solution rapide [quick fix] à un problème […] lequel peut ou non régler quoi que ce soit, puisqu’on n’est pas ici en train de traiter le corps dans son tout, la relation dans son tout, ni d’adresser de manière critique les idéaux sociaux entourant la masculinité et la sexualité. » Dit autrement : « Un pénis dur n’est pas toujours la meilleure solution à un problème relationnel ou à un problème d’estime de soi.

Meika Loe, professeure de sociologie à la Colgate University de New York et autrice du Rise of Viagra : How the Little Blue Pill Changed Sex in America, New York University Press, 2004.

Et le Viagra pour femmes, dans tout ça ?

Les nouvelles ne sont pas fameuses de ce côté. En 2015, les autorités américaines approuvent l’Addyi, un médicament qui aiderait à combattre la baisse de désir chez les femmes, rebaptisé « Viagra pour femmes ». La nouvelle fait grand bruit et suscite autant de débats que d’espoir. Il faut dire que les ventes n’ont jamais décollé. Son efficacité limitée et ses nombreux effets secondaires, sans parler de toutes ses contre-indications, n’y sont certainement pas étrangers. Nouvelle tuile : l’an dernier, une société pharmaceutique de Québec (Endoceutics), à qui l’on doit un ovule vaginal (Intrarosa), considéré à nouveau comme une sorte de Viagra féminin pour traiter l’atrophie vaginale associée à la ménopause, s’est quant à elle déclarée insolvable.