La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Laurence*, 49 ans.

Tout a « déboulé » pendant la pandémie. Laurence, mariée depuis 30 ans et jusqu’ici un peu « straight », a eu une subite et violente envie de nouveauté. Disons qu’elle a été servie.

Elle nous a donné rendez-vous dans une cafétéria de la couronne nord, un midi de la mi-février. Tiens, c’est la Saint-Valentin. Elle porte d’ailleurs un veston rose. Pas de doute, notre interlocutrice, qui aura 50 ans l’an prochain, flashe. Et ça lui va plutôt bien, parce que son histoire détonne tout autant.

Tout a commencé entre deux confinements, aux aurores un dimanche matin. Elle a vu son mari et ça lui est rentré dedans : « Ça ne me tente plus. Et je me suis mise à pleurer... »

Réflexion pandémique ? Crise de la cinquantaine ? « Je ne peux pas imaginer vivre les 30 ou 40 dernières années de ma vie avec le même homme... »

Il faut dire que Laurence n’a pas eu beaucoup d’hommes dans sa vie. « Il m’attirait beaucoup par son côté bad boy, se souvient-elle, en se rappelant leurs premiers jours. Moi, je viens d’une famille straight, lui il écoutait du metal, il avait une moto. »

Au lit, c’est « intéressant, très intéressant », notamment dans les débuts. Ils parlent à l’époque de l’idée d’ouvrir leur couple, « pour voir ailleurs, par curiosité », mais ça ne se concrétise pas. « On a eu des enfants et on n’a plus eu de temps ! »

Trente ans plus tard, donc, ce fameux dimanche matin, Laurence en arrive à ce constat : « On est les meilleurs amis du monde, complices, on a une super belle relation, mais, mais ça manque de... ! »

J’approche de la cinquantaine : est-ce que ça me convient, est-ce qu’il me stimule, ai-je besoin d’autre chose ?

Laurence

« Et si j’avais besoin de stimulation intellectuelle ? »

À la même époque, et par un pur hasard, elle rencontre quelqu’un au travail. Une collègue, oui, une femme, et Laurence n’est pas attirée par les femmes. Sauf qu’il y a une « chimie », une « connexion », bref, elle vit un « coup de foudre professionnel ».

Son mari ne s’en formalise pas, parce que c’est une femme, justement. Au contraire : il la taquine sur son « crush » et l’encourage même à la voir.

Sauf que la femme en question est polyamoureuse. Ça n’est pas un détail. C’est même fondamental, car cette rencontre va transformer Laurence. « Mais moi je suis stuck up, dit-elle en riant. Je la jugeais [...], je me disais que le polyamour, ce n’était pas viable [...], que c’était impossible ! »

Or voilà qu’au fil des mois, et même si techniquement, il ne se passe rien au sens sexuel du terme, relationnellement, elles vivent quelque chose. C’est une révélation.

Je me suis aperçue que je pouvais aimer deux personnes sans que l’une nuise à l’autre.

Laurence

Deuxième révélation : « Je me suis aussi aperçue que ça n’était pas de ça que j’avais besoin [...], mais j’avais le goût de faire entrer un autre homme dans ma vie ! [...] Je voulais plus être juste une maman ou une madame, j’avais le goût de cruiser, de séduire, qu’on fasse des efforts pour moi, vivre un peu ! »

C’est ici qu’effectivement, ça « déboule ».

C’est que Laurence ne veut pas pour autant quitter son mari, « parce qu’on est tricoté serré, serré, serré », alors, et permettez qu’on résume, elle lui expose le tout, monsieur se braque, mais elle le convainc néanmoins de l’accompagner à un rassemblement polyamoureux, « en mode découverte ». Et ce qui devait arriver arrive : elle y rencontre un autre homme, discute avec lui, tombe sous son charme, par-dessus la tête. « Comme une ado, émoustillée, énervée, dans un état, un gros crush. »

Ce qui la branche ? « Le thrill », résume-t-elle. Le type en question, appelons-le l’amant, est polyamoureux. Il a une panoplie de copines, et désormais, « tout ce qui est hors norme, ça [la] branche ».

Alors elle prend un « risque calculé » auprès de son mari et insiste de nouveau : « Je veux voir où ça va me mener. » Moult tractations plus tard, il accepte : « C’est tellement fort, ce qu’on a, c’est un super bon gars, il veut que je sois heureuse. Mais oui, c’est insécurisant pour lui aussi », dit-elle.

Et puis ? Elle finit par se retrouver dans le lit de l’amant. La relation (parce que c’en est une) s’étire même plusieurs mois. « C’est fantastique, génial, différent, kinky, plus jeune. [...] Il me sort vraiment de ma zone. Vraiment. » Elle rayonne.

De son côté, le mari rencontre aussi une autre femme. « Et ça a rééquilibré les forces », résume Laurence, qui découvre ici un tout nouveau mode de vie, où l’amour se multiplie.

Avec l’amant, l’histoire se termine abruptement, pour cause de complications diverses dans ses autres relations.

Parlant de complications, accrochez-vous, parce que ça se complique aussi pour Laurence. C’est qu’à la suite de cette aventure, elle recommence à aller à des rendez-vous, et rencontre un autre homme. Re « crush », mais au cube. « Ouf. On est ailleurs, résume-t-elle. On s’est parlé pendant 10 heures dans un parc [...], je l’ai appelé mon amour la première journée. C’était malade. » Et réciproque. Le tout avant leur premier baiser, faut-il le signaler. Et puis ? « Et puis ça fait six mois et il demeure chez moi, avec le mari et les enfants ! », ajoute Laurence sans crier gare ni transition.

Tout un revirement pour la mère « straight » qu’elle était. Six mois ? Tous ensemble ? Concrètement, on comprend qu’il s’agit d’une sorte d’arrangement, qu’apprécient apparemment les enfants. Si vous voulez tout savoir de leur fonctionnement, elle partage uniquement sa chambre avec l’amoureux, ne fait plus l’amour avec le mari, mais celui-ci voit toujours sa copine.

Mais ce n’est toujours pas tout. « Je pensais redevenir mono[game], déclare Laurence, l’amoureux me comble tellement, je n’en ai pas besoin de 22, il est attentionné, drôle, me déstabilise. » Sauf que par un énième hasard, elle a revu l’amant. Réalisé qu’elle l’aime toujours, expliqué le tout à l’amoureux, et depuis le voit (l’amant), hebdomadairement.

Vous suivez ? « Parfois, j’ai trois hommes dans ma cuisine, c’est complètement irréaliste, pouffe-t-elle de rire. Aujourd’hui, j’ai eu des roses de mon amoureux, je sors avec numéro un [l’amant] ce soir, et le mari vient de me texter ! »

Le secret de cet équilibre particulier ? « On se parle tellement, tellement, tellement, répond-elle. Avec l’amoureux, j’ai une complicité hallucinante [..], le mari, le confort, la stabilité et la vie de famille [...], l’autre, [...] aucune contrainte. »

Bien sûr qu’elle sait que ça ne pourra sans doute pas durer. « Il va falloir que je fasse un choix à un moment donné. Je ne peux pas vivre comme ça toute ma vie, croit Laurence. Mais choisir, c’est renoncer... »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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