La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Amélie*, 32 ans.

Amélie ne croyait pas que c’était possible : être aussi heureuse avec quelqu’un dans la vie comme au lit. Et pourtant, si. Récit raconté avec des étoiles dans les yeux, entre plusieurs fous rires et des tas de confidences. Pile pour la Saint-Valentin, de rien.

Et c’est une pure coïncidence. La jeune trentenaire, rencontrée plus tôt cette semaine dans un joli café de Saint-Hyacinthe, n’y croyait pas. Rencontrer LA bonne ? LE coup de foudre ? C’était pour les contes de fées. Quant à sa libido, elle était quasi nulle et surtout enterrée.

Il faut dire que sa vie sexuelle a commencé dans le plus grand et profond « déni ». Un mot qui reviendra plusieurs fois tout au long de l’entretien. Pas facile de se défaire de certains plis. Surtout quand ils sont acquis. « Depuis la 4e année du primaire, je le sais que j’aime les filles. Mais j’ai été dans le déni longtemps, je voulais fitter dans le moule », commence Amélie, discrète quoique archi-souriante blondinette à lunettes. « Ça ne me tentait pas, cette étiquette... »

Alors elle se fait un premier chum vers 15 ans, une histoire qui dure quatre ans. C’est avec lui qu’elle fait l’amour pour la toute première fois. Une seule fois. « Et ça a pris trois ans. J’étais zéro pressée. Aucun intérêt pour la sexualité. Ça a même pris des mois avant de l’embrasser. [...] Dans mon fin fond, je le savais que je n’étais pas intéressée par les gars. Mais j’étais dans le déni ! », répète-t-elle.

Au cégep, elle finit par le laisser. « Je filais tellement pas bien en dedans... »

Elle se fait tout de même un deuxième chum. Encore ?

J’ai pensé que j’étais bi ! C’est le processus : tu sais, quand tu ne veux pas être ce que tu es, dans la vie…

Amélie

Et puis ? « Je le trouvais beau, mais c’est tout. Je n’étais pas attirée sexuellement du tout. » Un constat qui la pousse à se rendre à l’évidence, avant d’oser enfin s’« assumer », comme elle dit.

Plus facile à dire qu’à faire, cela dit. Elle s’en souvient encore. Au début de la vingtaine, un déménagement à Montréal plus tard, elle s’inscrit sur les réseaux. « Mais j’ai du mal à rencontrer des filles ! » Amélie est toujours « trop fine » et puis « trop douce ». Sa première expérience avec une fille lui brise d’ailleurs le cœur. Elle ne s’épanche pas sur le sujet, mais précise que l’aventure a le mérite de confirmer plusieurs choses. Notamment son intérêt pour la chose, justement, avec une femme : « J’aime ça, dit-elle en souriant pudiquement. Ça bouge par en dedans. Quelque chose se réveille, qui ne s’était jamais pointé avant ! »

De fil en aiguille, et par l’entremise d’un groupe de femmes lesbiennes sur Facebook, Amélie finit par rencontrer une autre femme, avec qui elle passe sept ans. « En y réfléchissant, j’étais encore dans le déni, enchaîne-t-elle. Je savais que ça n’était pas Elle [lire : avec un E majuscule], mais que cette histoire allait m’amener quelque part et me faire évoluer. »

Elle évolue effectivement humainement (gagnant en confiance en elle), mais pas exactement sexuellement. « Je peux compter sur les doigts de la main le nombre de fois où on a couché ensemble, illustre-t-elle. Elle n’a pas tant de libido, et moi pas tant avec elle. Je n’étais pas à l’aise. Je n’étais pas capable d’être toute nue devant elle. Mais je ne me posais pas tant de questions. » Et pourquoi non ? « Encore une fois, pouffe-t-elle de rire, le pouvoir du déni ! Et puis j’étais quand même bien avec elle. On riait beaucoup. On avait une belle complicité... »

En finir avec le déni

Si ça lui convient ? « Ça me dérange, mais ça ne me dérange pas », répond-elle habilement. Avant d’ajouter : « Mais je le sais de quoi j’ai l’air, il me semble que ce serait le fun que quelqu’un en profite, dit-elle en riant, il me semble que je suis jeune... »

D’ailleurs, non, dans son entourage, personne n’est au courant de ce « désert » conjugal. « J’ai bien trop honte ! [...] De l’autre bord, j’ai une amie qui fait ça six fois par semaine, c’est malaisant ! »

Et ça a toujours été aussi désertique, disons ? « Au début, oui, c’était agréable, précise Amélie, les yeux tout à coup pétillants, mais pas comme en ce moment ! »

Nous y voici. C’est qu’il y a deux ans, en pleine pandémie, Amélie rencontre virtuellement et par l’entremise du travail une collègue. « Et tu sais, dans les films, quand tu vois la personne au ralenti ? »

Dans ma tête, je me suis dit : je suis dans la merde ! Elle est vraiment de mon goût, mais j’ai une blonde. Et elle, elle avait un chum !

Amélie

Sauf qu’elle non plus n’est pas dans une relation très « épanouissante ». Et elle a déjà eu un « kick » sur une fille, découvre Amélie très vite. Bref, les options sont ouvertes. « Et je trippe sur son cas, enchaîne-t-elle. Elle m’obsède. Je me lève, je pense à elle, je me couche, je pense à elle. J’ai juste le goût de tout le temps lui parler. » Tout lui plaît : « Tout ce qu’elle dégage : son énergie, elle est drôle. On a le même sens de l’humour, la même façon de voir la vie, quasiment le même caractère... »

Et puis concrètement, glisse-t-elle : « Ça me fait de quoi dans le ventre, intense. Ça ne m’a pas fait ça depuis des années... »

Mais notre Amélie est encore dans son fameux « déni » et s’imagine d’abord que cette nouvelle femme est sa « meilleure amie », celle qu’elle a « toujours voulue ».

Le déni fait son temps et Amélie finit, une fois de plus, par se rendre à l’évidence. En résumé, quelques mois plus tard, elle quitte sa copine et plonge dans le vide. Sa nouvelle flamme fait de même avec son copain. Avant de s’être embrassées, faut-il le préciser. « Oui, on était dans le vide, concède Amélie en souriant toujours. Ensemble dans le vide. »

Elle se revoit arriver chez elle, « full stressée », avant que tout déboule. Et que sa vie se chamboule. À preuve : aujourd’hui, les deux femmes vivent le parfait bonheur. Et à voir Amélie rayonner, on devine qu’elle dit vrai : « Niveau sexe, je n’ai jamais eu de fun de même ! Elle non plus. Je me découvre une libido et elle aussi. Avec elle, je suis super à l’aise, capable d’être toute nue, je n’ai pas honte, je ne suis pas gênée, on est en symbiose ! On fusionne ! C’est vraiment spécial. Tout le monde devrait vivre ça ! » C’est l’« extase », insiste-t-elle. « Je me sens désirée et aimée comme personne avant. [...] C’est ce que je souhaite à tout le monde ! Avant, j’étais éteinte. Elle m’a carrément ressuscitée. »

Morale ? « Faut oser dans la vie, croit la jeune femme, qui sait de quoi elle parle. On peut passer à côté de tellement d’affaires... »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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