La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Marie-Pierre*, 30 ans.

À 30 ans, Marie-Pierre s’est dit : « go ». Finie la peur du jugement, elle allait penser à elle. Vivre. Et surtout expérimenter. Avec une femme, et pourquoi pas avec une femme en couple ? C’est chose faite. « Je suis devenue leur licorne… »

La jeune femme nous a écrit plus tôt cet été, alors qu’elle en était toujours au stade du questionnement. Oserait-elle « s’inviter » au sein d’un couple, comme le fait effectivement une « licorne », selon ses « recherches » (« Google est mon ami ! ») ? Et son rôle à elle, dans tout cela, ce serait quoi ? « Un objet ? Un fantasme ? »

Lorsqu’on a fini par la contacter virtuellement (distance oblige, Marie-Pierre est en région), toutes ces interrogations s’étaient évaporées. Et à voir son air coquin à la caméra, on devine facilement pourquoi.

Mais avant d’y venir, commençons par le commencement, un tantinet moins joyeux. C’est que Marie-Pierre a découvert la sexualité à 18 ans, avec son amoureux du moment. « Mais finalement, il était gai, et je ne le savais pas, commence-t-elle. Il s’est mis en couple avec un homme deux mois après... » Et au lit ? « Vraiment pas le fun. J’ai eu mal, et il n’était pas très à l’aise. » Fin de l’histoire.

Marie-Pierre se retrouve ensuite avec un homme « qui buvait trop d’alcool ». La relation dure ici quatre ans. Et sexuellement, ça n’est pas plus épanouissant. Plutôt : « ordinaire... »

Je n’avais jamais eu d’orgasme. Je pensais que c’était juste ça, faire l’amour. Pas si le fun que ça…

Marie-Pierre

À la suite de cette relation, elle rencontre le père de son enfant, une histoire qui s’étire sur six ans. Sexuellement ? Pas mieux. « De la routine, illustre-t-elle, toujours les mêmes mouvements, les mêmes positions. Plate. » Pire : « fade ».

« Je suis tombée enceinte au bout de trois mois. J’ai essayé, essayé, essayé pendant six ans de trouver l’amour en lui, dit-elle, mais finalement, non. »

Il faut dire qu’à travers ces six années, elle l’a aussi trompé. Et c’est ici qu’elle s’est épanouie. Avec un premier homme, elle a découvert son point G. « C’est quelqu’un qui m’a fait découvrir ça. C’est fou ! C’était malade, dit-elle en riant. Alors je me suis mise à me dire que peut-être que je n’avais jamais pogné le bon gars, celui qui sait comment faire, qui écoute la femme ? » En tout cas, lui, il savait. « Au début, je ne savais pas ce qu’il se passait : mais qu’est-ce que tu fais de mieux que les autres ? Ce spot que toutes les femmes aiment, il avait la bonne technique et c’était instantané, il savait direct où aller ! »

Son deuxième amant est tout aussi habile, quoiqu’autrement. « Lui, ce n’est pas les doigts qui sont magiques, c’est la langue ! J’ai découvert les deux bons mondes ! », dit-elle en riant de plus belle.

Et les découvertes ne s’arrêtent pas là. C’est une fois séparée, à 30 ans sonnés, « à une soirée arrosée entre filles », que Marie-Pierre décide ensuite d’oser. D’explorer encore plus. Ailleurs. « Je suis rendue à essayer avec une femme », déclare-t-elle à ses copines. C’est le moment où jamais : « je suis célibataire ! » C’était il y a quelques mois.

Arrête de niaiser, let’s go ! Fais-en, des expériences. […] Arrête de vivre pour les autres. Sois toi-même.

Marie-Pierre

Soit, mais si elle voulait oser avec une femme, pourquoi chercher un couple, alors ? « Mais parce qu’une femme, toute seule, ça m’intimide trop ! », répond tout naturellement Marie-Pierre. « Je sais faire plaisir à un homme, je suis bonne, on me dit que je ne suis pas pire, mais une femme ? Toute seule ? Ça m’intimide vraiment trop ! Où toucher, comment ? »

C’est là qu’une amie (en couple ouvert et échangiste), à cette fameuse soirée arrosée, lui parle du concept de la « licorne ». « C’est une femme qui intègre un couple. Sans émotion. Tu n’as pas le droit de tomber en amour ni de te mêler de leur relation, c’est juste sexuel », découvre-t-elle. « Et c’est ça que je veux ! »

Elle s’inscrit donc sur un site « purement sexuel » en rédigeant précisément ce qu’elle recherche. Résultat ? « Ça n’a pas été long... »

Marie-Pierre trouve un match, un couple avec qui elle communique plusieurs jours, précise ses attentes, son manque d’expérience, etc. L’affaire s’est finalement conclue deux semaines avant notre entretien.

Si elle craint a priori d’être perçue comme un « objet » et « juste servir à ça », ce n’est pas du tout ce qui se produit. « Finalement, on s’entend vraiment bien. Comme des amis... » Ils parlent plus d’une heure avant de passer à l’acte. Et l’acte, justement ? Marie-Pierre rayonne. « Vraiment spécial. [...] On s’est revus quatre jours après. [...] Si je pouvais, je les verrais tous les soirs ! »

Il faut dire que madame a pris les devants (« et elle sait vraiment comment faire ! »), monsieur a guidé Marie-Pierre, bref, tout a été comme sur des roulettes. Mieux. « Pour la première fois de ma vie, j’ai été fontaine ! s’exclame notre interlocutrice, qui n’en revient toujours pas. Ça ne se peut pas ! [...] C’est une jouissance extrême, c’est monté d’un degré, c’est fou, j’y pense tous les jours et j’ai des frissons ! »

Je ne pensais pas que je pouvais avoir tant de plaisir au lit, sérieux !

Marie-Pierre

Certes, elle sait très bien que ce statut de « licorne » (dont elle ignorait l’existence, jusqu’à il n’y a pas si longtemps) n’est pas pour tout le monde. « Ça prend du savoir-vivre et du savoir-être, résume-t-elle. Il ne faut pas trop intégrer le couple. » En gros, il ne faut pas s’attacher. Mais ça ne lui fait pas peur. Elle semble blindée. D’ailleurs, elle ne pourrait pas tomber amoureuse d’une femme, dit-elle. Et monsieur, ici, est « accessoire ».

Marie-Pierre sait aussi que ce genre de trio ne convient certainement pas à tous les couples non plus. « Il y a un danger si le couple n’est pas assez fort. [...] Mais moi, je m’en fous, ce n’est pas moi qui suis en couple ! [...] C’est moi la licorne, ce n’est pas moi qui vais ramasser les pots cassés, moi, je suis juste là pour le plaisir ! », glousse-t-elle. Ironiquement, si elle était en couple, elle n’irait pas là. « J’aurais trop peur... »

N’empêche que pour l’instant, tout cela lui convient tout à fait. « Je suis épanouie et je suis bien là-dedans ! dit-elle en souriant toujours. J’aime la liberté. Je fais ce que je veux. J’ai juste 30 ans. Et la vie est encore longue ! »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

Écrivez-nous pour nous raconter votre histoire