Beaucoup y pensent, aiment ça, vivent ça : non, la sexualité ne s’éteint pas forcément avec l’âge. Au contraire. Un livre éclairant fait le point.

Patrick Doucet, professeur de psychologie de la sexualité au cégep, aime bien surprendre, provoquer, brasser la cage des idées reçues (et tenaces), quoi. Après un ouvrage sur la vie sexuelle des enfants, puis sur la masturbation — et la pornographie, parce que ça va souvent ensemble, et à tous les âges, même les plus vénérables, qu’on se le dise ! —, le voilà qui s’attaque à un énième tabou, et non le moindre : la sexualité des personnes âgées. Et bonne nouvelle, au-delà du titre, faussement pudique, Le crépuscule du désir ?, publié aux éditions du Trécarré, aborde de front, quoique tout en nuance, ce sujet méconnu, ou plutôt mal connu. Quoique visiblement vivant, faut-il le répéter.

« J’ai voulu faire vivre ici la sexualité des personnes âgées », résume d’ailleurs l’auteur, rencontré la semaine dernière, à quelques jours de la publication, laquelle s’appuie sur une impressionnante bibliographie (et quantité de notes, sur plus de 30 pages !), ainsi qu’une foule de témoignages (tirés du rapport Hite, ainsi que d’enquêtes plus récentes), tous plus diversifiés et colorés les uns que les autres. « C’est pour ça qu’il y a autant de témoignages variés : que ce soit des personnes âgées en couple depuis longtemps et heureux, dans des relations plus marginales, sans plus de sexualité du tout, ou avec des amants. J’ai voulu faire vivre cette sexualité dans leurs propres mots ! »

Et effectivement, la variété est au rendez-vous : des couples abstinents et fiers de l’être aux plus olé olé, en passant par les activités en solitaire ou tarifées, ou une fois un conjoint décédé. Parce que ça aussi, c’est une réalité.

Mais n’allez pas croire que Patrick Doucet a pris un ton volontairement optimiste. S’il parle certes du vieillissement comme d’une « bienheureuse émancipation » pour certains, ou présente effectivement plusieurs statistiques aussi surprenantes qu’encourageantes, il en reste à ses yeux aux faits. « Je ne cherche pas à être optimiste, précise-t-il. Je décris aussi les personnes que ça n’intéresse plus… mais il y en a quand même beaucoup que ça intéresse ! », dit-il en souriant. Ça vous donne une idée du ton. Et surtout de l’angle.

Un angle qui ne se dément pas des 200 pages de l’ouvrage.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Patrick Doucet, professeur de psychologie et auteur

Il y en a encore beaucoup pour qui c’est très plaisant. Même si c’est différent, cela reste encore plaisant.

Patrick Doucet, professeur de psychologie et auteur

Beaucoup ? Plus qu’on pourrait croire, assurément. À preuve, cette statistique, la plus surprenante de l’ouvrage : parmi les 60 ans et plus sexuellement actifs, 74 % des hommes et 70 % des femmes se disent autant ou plus satisfaits de leur vie sexuelle que dans la quarantaine. « Ce n’est pas moi qui suis optimiste, ajoute ici l’auteur. Moi-même, ça me surprend ! » Est-ce qu’on aurait tendance à surestimer le plaisir des plus jeunes, aux prises avec le travail, la famille, et tout le stress qui y est associé ? Toujours est-il que l’ouvrage démontre que bon nombre de personnes plus âgées profitent quant à elles joyeusement de leurs temps libres (quand la santé, l’estime de soi et la communication sont au rendez-vous, entre autres).

Les défis de l’âge

Cela dit, « tout ne va pas non plus pour le mieux pour tous », et plusieurs chapitres s’attaquent aussi aux différents enjeux de santé associés à l’âge, qu’il s’agisse de la ménopause (qui freine le désir pour certaines, mais assurément pas toutes) ou des troubles érectiles (pour lesquels il existe plusieurs traitements, ici longuement décrits).

Les enjeux de « mésentente conjugale » peuvent aussi agir à titre de sacré frein, et tout un chapitre s’y attarde également, prenant par moment la forme d’un cours d’éducation sexuelle 101 pour personnes âgées (ou pas !). Entre autres « ignorances sexuelles » ici soulignées : non, l’érection n’est pas nécessaire pour « faire le travail », et les rapports sans coïts ne sont pas « immoraux ». Ah oui, et non, les « préliminaires » n’en sont pas forcément, et le « coït vaginal » n’est pas la seule façon « normale » d’atteindre l’orgasme non plus.

Patrick Doucet cite ici et à propos le sexologue François Parpaix, pour qui il « y a une vie amoureuse et érotique après 60 ans », mais à une condition : « si on reste fixé sur une sexualité de performance, on est perdu ». Ou, comme dirait Janette Bertrand : « C’est plus pareil, c’est bon pareil ! »

Dans sa préface, son collègue Normand Baillargeon le souligne d’emblée : « J’en fais le pari : ce livre va contribuer à briser ces tabous et préjugés ». Parions-le également.

Le crépuscule du désir ? Comprendre la sexualité des adultes vieillissants

Le crépuscule du désir ? Comprendre la sexualité des adultes vieillissants

Trécarré

208 pages