Louis* aime les femmes, mais les trouve compliquées. Il multiplie les aventures avec les hommes, mais ne les aime pas. Vous suivez ? Récit d’une vie en dents de scie. Au dénouement malheureusement décevant.

Parce que c’est ça, la vie, aussi. Ça ne finit pas toujours bien, nous dit notre homme « déçu », âgé de 68 ans, rencontré au début de l’été dans un café de Chambly, à mi-chemin entre chez nous et chez lui. « J’ai décidé de prendre ma retraite des femmes. Pourquoi ? Parce que c’est compliqué ! » Mais il n’est pas plus heureux pour autant, vous verrez.

Coïncidence ? Louis nous a écrit en réaction au récit d’une femme bisexuelle, rencontrée plus tôt cette année, qui arrivait plus ou moins aux mêmes conclusions.

Relisez « Confidences d’une bisexuelle »

Il faut savoir que notre Louis s’est tourné vers les hommes sur le tard. Il se raconte même pendant près de deux bonnes heures sans jamais aborder la chose, nous tenant en haleine à coups de « vous allez comprendre » et autres « ça va venir plus tard dans mon histoire ».

Pour tout le monde qui me connaît, je suis un homme à femmes. Personne ne penserait jamais que j’ai une tendance…

Louis, 68 ans

Une « tendance », finira-t-on par saisir, née d’un raisonnement un peu « croche », pour combler un « besoin », comme il dit, mais ça aussi, ça viendra plus tard dans le récit.

Alors voilà : Louis découvre la sexualité relativement tardivement et surtout sur le tas. Avec sa première vraie copine, vers 20 ans, ça ne « marche pas » pendant six bons mois. Ils se quittent et Louis se retrouve dans le lit d’une « femme d’expérience » avec qui il comprend enfin que la pénétration prend « un peu de préparatifs ». Il reprend avec la précédente (habituez-vous, ces va-et-vient seront fréquents dans sa vie) et leur histoire dure cinq ans. La fin ? Tragique : dans un accident d’auto. « Ç’a été un deuil difficile, confie ici Louis, la voix tout à coup étranglée. Surtout quand on est jeune. »

Mi-vingtaine, donc, Louis se retrouve veuf une première fois (parce qu’il y en aura une deuxième). « Et là je me dis : quand tu aimes, il faut le dire. Il faut que l’autre le sente. C’est là que je deviens un loverboy […]. La femme que tu aimes doit passer en premier. »

Le deuil dure un an. Puis Louis « redécouvre l’amour » avec un coup de foudre éphémère, avec qui il vit un intense et bref « amour fou ». « On faisait l’amour six, sept fois en 24 heures ! On était tout le temps en train de baiser ! » Madame le « flushe » néanmoins au bout de trois mois, à la suite de quoi Louis rencontre, sur les lieux de son travail, sa future femme, la mère de ses enfants, avec qui il passe plus de 20 ans.

Au lit ? Tout le contraire. En 25 ans, il n’arrivera pas à la faire jouir une seule fois. « Elle ne s’était jamais masturbée… » Et elle ne lui a jamais fait de fellation non plus. Il faut dire que Louis ne le lui a pas demandé. « Je ne connaissais pas ça ! » D’ailleurs, précise-t-il : « Moi, je ne suis pas un gars cochon. Je suis un sensuel. C’est différent. J’ai les sens à fleur de peau. »

Et avec les hommes, ose-t-on ici, pour nous rapprocher du sujet d’intérêt.

Avec les hommes ? C’est le sexe. Mais on n’est pas rendus là !

Louis, 68 ans

On vous épargne les hauts et les bas de la relation, qui finit elle aussi tragiquement : mi-cinquantaine, Louis se retrouve à nouveau veuf, sa femme étant morte ici d’un cancer.

Cette fois, le deuil est différent. Louis a eu le temps de se préparer. Et ne perd pas trop de temps avant de rencontrer à nouveau. Le revoilà, après quelques rendez-vous, en couple, pour sept autres années. Avec qui ? La « frigide », comme il dit. Au bout de quelques mois, ils ne s’embrassent plus ; dès que Louis tente de la toucher, elle le repousse ; et il ne l’a pour ainsi dire jamais vue nue. « Mais dès que je la vois, je tombe sous le charme ! », s’émerveille notre « loverboy ». « Tout le reste marche ! » Il soupçonne un abus dans son passé, ils tentent ensemble une thérapie, une fois, deux fois, on ne sait plus combien de fois. Ils se quittent, reprennent, parce qu’il l’aime, insiste-t-il.

Vous le voyez venir ? C’est à ce moment précis de sa vie, et avec ce fameux « raisonnement croche » évoqué plus haut, que notre Louis se tourne alors vers les hommes. « Je ne voulais pas la tromper ! » Mais il a « besoin de sexe ». Et en comblant ce besoin avec un homme, « il n’y en a pas, de problème ! ». Mieux : « C’est joindre l’utile à l’agréable ! »

Mais sa « frigide » ne le voit pas du même œil et leur histoire finit là.

Louis débute donc avec un premier massage « avec fin heureuse », puis trouve dans les petites annonces un homme offrant des fellations. « Je n’en avais jamais eu ! », rappelle-t-il. Le type en question finira par devenir un partenaire récurrent. « Et c’est de même que ça commence… »

Cela fait maintenant 10 ans. Depuis, Louis fréquente quelques femmes (tout en poursuivant ses aventures ici et là avec des hommes), mais chaque fois, ça coince. Une première a des soucis de consommation, une deuxième compare la sexualité à un « temple sacré », et une troisième est carrément trop « germaine » (quoique la connexion sexuelle est ici inégalée). « C’est trop compliqué, les femmes ! »

Tout cela pour dire qu’à 68 ans sonnés, après toutes ces tentatives avortées, c’est décidé : « Je prends ma retraite des femmes », répète Louis. Et les hommes, c’est mieux ? « Les hommes ? C’est juste pour le sexe. Je ne passe pas mes journées avec. » Si ça le comble ? « Non. Parce que ce n’est pas de l’amour. Là, j’ai une vie sans amour. Et c’est décevant… »

On vous avait prévenu.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.