Lydia* a eu beaucoup de relations dans sa vie. À répétition. Et du sexe à foison. De l’amour ? Pas tant. Et elle est « tannée ». Entretien avec une monogame en série en grande réflexion.

Cela fait plus de six mois qu’on échange des courriels. À coups de rendez-vous ratés, on a enfin fini par se rencontrer plus tôt cet été, sur son balcon ensoleillé de la Rive-Nord. Son témoignage-fleuve ressemble à une liste d’épicerie, certes, mais aussi à un bilan. Et à un virage, essentiellement.

« J’en ai eu en maudit, des relations ! s’exclame la dynamique blonde de 53 ans, à la fois spontanée et rieuse, lucide et rêveuse, dans un fou rire parmi tant d’autres. Je suis tannée ! Je n’en veux plus ! J’en veux un seul ! »

Elle se raconte sans se faire prier, quoique ses souvenirs soient un brin confus. On ne lui cache pas qu’on perd le fil par moments. Mais qu’importe. L’essentiel est ailleurs : dans ses réflexions sur son plaisir (et ses feintes, parce que oui, Lydia « fake » !) et ses nouvelles priorités aujourd’hui, à 50 ans sonnés.

Juste ça

Sa première fois ? Vers 18 ans, avec un simple ami, et oui, c’est une déception. « Ah ouain, c’est juste ça ! pouffe-t-elle. Je n’étais pas emballée. » Elle passe les deux années qui suivent avec un amoureux (son premier amour, un type rencontré plus tôt à l’adolescence), mais à nouveau, le sexe, ça n’est pas vraiment ça. « Ça me laissait indifférente. Je ne prenais pas vraiment de plaisir. »

C’est à 20 ans que ça « déboule ». « La débandade », dit-elle. En résumé, et pour faire court, à la suite d’une peine d’amour (de qui, on ne se souvient plus trop), elle jongle avec quatre relations en même temps. « Là, c’est le party. » Mais non, elle ne prend pas davantage son pied. « C’est peut-être plus pour le plaisir de la séduction. » Lydia, plutôt réservée, timide, carrément mal dans sa peau à l’adolescence, prend ici pleinement conscience de son charme. « Câline, je pogne ! », réalise-t-elle. Et ça lui fait le plus grand bien.

Elle a un amoureux à l’époque, une histoire qui dure quatre ans. Au lit ? Pas mieux : « Correct, sans plus. »

Puis vers 30 ans, Lydia rencontre son « fiancé », l’homme de sa vie, comme on dit, croit-elle.

J’aimais ça, le sexe avec lui. Je pense que c’est parce que je l’aimais. C’est ça, l’histoire. Je le trouvais donc ben beau.

Lydia, 53 ans

Mais non, elle n’a pas d’orgasme avec lui non plus. En tout cas, elle ne s’en souvient pas. « Ça n’a pas dû arriver souvent », rit-elle.

Notez qu’il ne le sait probablement pas. Elle ne nous le dira que plus tard, mais oui, Lydia feint l’orgasme. « Oh oui, rit-elle ! Je suis capable ! Je suis une bonne comédienne. Quand je voulais que ça finisse, ou quand c’était ordinaire, je fakais. Je te le dis : je suis une bonne comédienne ! » Mais pourquoi donc ? « Je dois être dure à satisfaire. Ou ben le gars est ordinaire. »

Précision : pas qu’avec ce gars-là en particulier, mais toutes ses fréquentations en général. Sauf les derniers. Vous verrez.

Toujours est-il que le fiancé en question finit par la quitter, au bout de trois ans, environ. « Pire peine d’amour de toute ma vie. » Pour oublier, Lydia sort, pense vivre une aventure d’un soir, laquelle s’étire finalement plus de deux ans. Et puis ? « Correct. Non, attends, bon. Oui, oui, bon. Peut-être que je me laissais aller un peu plus. »

Fin trentaine, elle passe ensuite six ans (« ma plus longue relation ») avec un énième homme, avec qui de nouveau ça n’est pas le « summum ». Elle le trompe, pour aller voir si sa libido est ailleurs. Et elle l’est.

En fait, et de plus en plus avec les années, Lydia a enfin commencé à trouver son plaisir. « J’ai beaucoup plus de plaisir et de jouissance. Là, je sais que je suis multiorgasmique, j’ai vu la différence ! » Comment ? Pourquoi ? Un « laisser-aller » avance-t-elle, et puis des partenaires qui savent mieux, avec l’âge « quoi faire », croit-elle.

Est-ce que j’aurais dû attendre ?

Ça ne s’invente pas : Lydia quitte ensuite cet homme (et cet amant) pour devenir la maîtresse de son premier amoureux, puis de son ex-fiancé. Vous suivez ? Peu importe, le meilleur est à venir. « Jusqu’à tant que je me dise : je ne veux plus, dit-elle. Je trouvais ça difficile être juste la maîtresse, à un moment donné… »

Elle enchaîne à nouveau les relations (on a arrêté de compter), et on commence sérieusement à se demander où tout cela va nous mener, quand tout à coup, Lydia s’arrête. Et réfléchit tout haut. « Non, je n’ai vraiment pas été célibataire longtemps, confirme-t-elle, en hochant de la tête. Mais est-ce que ça aurait été différent si je n’avais pas privilégié le sexe ? » On lui demande de s’expliquer : « Pour moi, c’est important, dans la vie, avoir du bon sexe, répond-elle. Mais oui, si tu couches rapidement, tu as une connexion sexuelle, mais ça ne veut pas dire que tu vas être bien avec cette personne dans la vie de tous les jours. » D’où son interrogation, comprend-on : « Est-ce que j’aurais dû attendre ? »

Parce qu’elle le sait : « Je peux compter sur la main le nombre de fois où j’ai été en amour. […] Mais est-ce que j’ai appris à FAIRE l’amour ? […] C’est triste : je n’ai pas FAIT l’amour souvent dans ma vie. »

Pourtant, aujourd’hui, du haut de ses 53 ans, c’est ce qu’elle veut. Ce qu’elle cherche.

Et surprise : depuis quelques mois, en fait, Lydia fréquente un homme, rencontré en ligne, et cette fois, croyez-le ou non, c’est le pied. « J’ai découvert mon corps, ce que j’aime, je me laisse aller. Et il a de l’expérience. ». Ce n’est pas tout. Elle est en amour. Mieux, vous l’aurez deviné : « Je FAIS l’amour ! », conclut-elle en souriant.

* Nom fictif, pour protéger son anonymat