La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Suzie*, 44 ans

Suzie a eu une sexualité « standard » toute sa vie. Puis elle a lu un roman, été émoustillée, et vécu quelques aventures émoustillantes, justement. Portrait d’un sacré revirement.

Disons que de « standard », la chic quadragénaire à lunettes a désormais une sexualité « ouverte ». Au sens coquin du terme, on l’aura compris.

Elle nous attend dans un bistro de la Rive-Sud, avec une robe fleurie une journée de pluie. Devant son grand verre de sangria, Suzie se raconte sans se faire prier. Sans trop d’émotions non plus. Il faut dire que ses débuts sont plutôt tranquilles. Et sa vie sexuelle « ben normale », comme elle dit, a duré assez longtemps, merci.

Première relation sexuelle ? « Ben ordinaire. Rien de notable. Des découvertes ben normales, insiste-t-elle. Je n’avais pas plus d’intérêt qu’il faut. »

Détail non négligeable : de 15 à 40 ans, Suzie a toujours été en couple. Elle a enchaîné les relations, sans jamais se retrouver célibataire longtemps. « J’ai toujours eu un chum. »

C’est au tournant de la vingtaine qu’elle rencontre le futur père de ses enfants. Un homme avec qui elle passe 16 ans de sa vie. Au lit ? « Très traditionnel », quoiqu’un brin « meilleur que la plupart des autres ». Leurs premières années sont un tantinet « créatives » (pensez : endroits inusités), un élan malheureusement anéanti avec l’arrivée des enfants. « C’est devenu très routinier. Le désir était moins au rendez-vous... » Surtout de son côté : « La fatigue, la routine, j’avais un désintéressement », reconnaît-elle.

Elle passe assez rapidement sur toutes ces années. On ne saura pas grand-chose de son conjoint. Aucun détail. Aucune histoire. À part qu’elle a fini par le tromper. Comment ? Dans quel contexte ? Suzie se montre avare de détails.

Je me suis mise à lire Fifty Shades of Grey, et j’ai eu comme un éveil. […] Mais mon attention ne s’est pas tournée vers lui.

Suzie

Vers qui ? Un collègue de travail d’abord (avec qui, finit-elle par confier, elle découvre la joie d’une relation de domination « soft ») et un ex ensuite (une histoire ici plus « passionnelle »), des aventures qui se sont étirées sur deux petites années. « Et ç’a été le déclencheur : je ne suis plus heureuse dans mon couple, constate-t-elle. Je vais le quitter pour vivre quelque chose d’autre. »

C’était il y a cinq ans. La rupture est une « onde de choc ». Un vrai « bouleversement ». « Je me suis retrouvée seule face à moi-même et sur le coup, c’est un peu paniquant. En même temps, c’est ce que je voulais. » Et elle fait aussi exactement ce qu’elle souhaitait. Rapidement, Suzie s’inscrit donc sur des sites de rencontres. Mais pas pour rencontrer. Plutôt pour expérimenter. « Je voulais essayer des affaires, rencontrer des personnes différentes. »

Et non seulement elle fait plusieurs rencontres, mais elle se (re)découvre au passage. Pourquoi ? Parce que quand on cherche à s’amuser, les discussions sont d’emblée plus explicites, comprend-on. « Surtout si tu as un plan plus sexuel, explique-t-elle, il y a beaucoup de discussion : ah ça, je n’ai jamais essayé, ça, je ne sais pas. Un trip à trois ? L’échangisme ? L’exhibitionnisme ? Ça a beaucoup piqué ma curiosité. » Et entraîné des rendez-vous plus ciblés, disons.

C’est dans ce contexte que Suzie a rencontré un « ami/amant » habituel, avec qui elle a exploré pendant deux belles années. « Ça m’a permis de faire plein d’expériences que je n’aurais pas faites toute seule. » Une étape décisive pour elle. Carrément déterminante. « J’ai redécouvert mon propre plaisir. » Exemple ? Dans le cadre d’un trip échangiste, illustre-t-elle :

Je trouve ça excitant de baiser le chum d’une autre, tu n’es pas censée, mais elle regarde, et puis c’est correct !

Suzie

« On dirait que je me sens libre, poursuit Suzie. Je fais ce que je veux. Je ne suis pas obligée de fitter dans un carcan : un monsieur, une madame, deux enfants et demi, un chien, sur la Rive-Sud ! »

Armée de cette nouvelle liberté, Suzie a ainsi exploré avec des femmes (« une découverte ! J’ai vraiment aimé ça ! »), et des couples (« c’est le fun : tu mélanges tout le monde, tu ne sais pas trop qui te touche [...] j’aime cette dynamique et l’excitation qui vient avec ! »), accompagnée, toujours, de ce fameux « ami/amant » : « C’était excitant et drôle ! On avait du fun ! » Un homme avec qui la vie de couple n’a jamais été envisagée, faut-il le préciser.

Au fil de toutes ces aventures, Suzie a fini par rencontrer quelqu’un. Un type pour une relation plus sérieuse, croyait-elle. Erreur. C’est que monsieur était moins aventurier qu’elle. Ouvert à l’idée d’une nuit avec une autre femme, certes (« comme si j’avais le bottin de l’union des bicurieuses du Québec ! »), mais surtout pas un autre homme. Ni même un autre couple. Ils ont tenté une fois l’expérience dans un club échangiste, mais monsieur n’a pas aimé. Mais pas du tout. « Il trouvait ça bestial, se souvient Suzie. Mais moi, j’aime ça ! »

Une mésentente qui a eu raison du couple. « Plus il me disait non, et plus je me rendais compte que j’en avais besoin. [...] Et à un moment donné, on s’est laissés. Il me tapait sur les nerfs. [...] Je m’emmerdais. »

Parce que non, elle n’allait pas « prendre le droit chemin » ou entrer dans un « standard » et, ce faisant, « mettre de côté tout ça de [sa] personnalité » pour lui. Fin de la relation, quelque part au milieu de l’été dernier.

Depuis ? Suzie poursuit son chemin. À elle. Qu’elle s’est choisi. Selon ses besoins à elle. « Moi, j’ai besoin de libertinage, alors j’ai continué de voir un couple que je connaissais. » Un couple de qui elle a beaucoup appris, d’ailleurs : sa vision de son union (« pas de non-dits », « totalement différents du standard »), et surtout de sa relation (« tu peux avoir de l’intérêt ailleurs », « c’est une belle maturité ! »).

C’est d’ailleurs ce qu’elle se souhaite comme vie de couple désormais. « Quelqu’un qui a les mêmes besoins que moi. » Une réalité encore un peu « taboue », déplore-t-elle, mais à l’immense potentiel, selon elle. « C’est quelque chose qui pourrait peut-être devenir une normalité. Une avenue qui pourrait peut-être sauver bien des couples. Et c’est surtout intéressant pour mettre du piquant, enlever de la monotonie... Mais ça ne convient pas à tout le monde, par contre... »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.

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