La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Sébastien*, 45 ans

C’est vrai : les hommes gagneraient tous à consulter. Sébastien le sait, il l’a fait. Avis aux intéressés : ça l’a aussi aidé à rencontrer la femme qu’il cherchait.

« Je dois dire avec tristesse et consternation que, comme homme dans la quarantaine, je partage globalement [ce] constat : les hommes se cherchent souvent une maman, sans même être capables de se l’avouer. [...] Triste comme ça », nous a-t-il écrit au début de l’année, en réaction au texte « coup de gueule » d’une dénommée Catherine*, découragée par les hommes célibataires « peu reluisants » rencontrés. En gros : « Allez consulter ! », balançait-elle sans hésiter.

En entrevue virtuelle dernièrement, le quadragénaire à la tête rasée en remet. « Mais complètement ! », dit-il en riant. Et c’est aussi ce que lui confirment toutes ses amies : les types en ligne ? « Tous des morons ! »

« Moi, j’essaye de faire œuvre utile. Il n’y a pas de honte à vouloir régler ses problèmes. Les hommes s’en rendent compte trop tard, et se lancent d’une relation à l’autre sans trop se poser de questions. Moi, je l’ai faite, la démarche, confie Sébastien. Est-ce que je suis l’exception qui confirme la règle ? »

À noter, sa « démarche » ressemble aussi singulièrement à celle de la Catherine en question : comme elle, il s’est séparé, a profité de son célibat pour lire et s’instruire, puis en ligne, il s’est aussi prêté à une petite « expérience anthropologique » pour comprendre la « clientèle » à cibler. Si Catherine y a posé son regard d’experte en « relation d’aide », Sébastien, quant à lui, y est plutôt allé d’une approche marketing. Vous comprendrez vite pourquoi.

Mais d’abord, un peu d’histoire : Sébastien a découvert la sexualité vers 16 ans, avec une « blonde » un peu plus vieille que lui, et surtout plus « expérimentée ». « Elle a mis ça au clair : elle était 100 % clitoridienne, se souvient-il. Alors ça m’a beaucoup ouvert l’esprit. [...] Elle m’a accompagné dans la découverte du corps de la femme. »

Après cette première amourette, il passe quelques années seul, plus ou moins malgré lui.

J’ai toujours eu de la difficulté avec les femmes, à faire la cour, trouver le bon ton…

Sébastien

Puis, au début de la vingtaine, il fait la rencontre de la mère de ses enfants, avec qui il passe 20 ans. Au lit ? « Très bien », dit-il, tout en nuançant rapidement. « On n’était pas de très, très chauds lapins. » Surtout : ils n’avaient pas les mêmes habitudes de sommeil. « Ça limitait les choses : moi, je suis un insomniaque, elle est une dormeuse accomplie. » N’empêche que ça n’a pas vraiment été un « enjeu », assure-t-il. Et leurs ébats hebdomadaires l’ont satisfait.

Ce qui a tout changé, ce ne sont pas les enfants, mais plutôt quand tous deux ont été promus, pour devenir gestionnaires. « Immédiatement, affirme-t-il, la fréquence et la qualité se sont beaucoup détériorées. » Il faut dire que de son côté, madame « s’accomplissait », du sien, ç’a été un « échec professionnel ». « Ça ne marchait plus vraiment. C’était de plus en plus distancé. On était rendus à quelques fois par année à la fin. »

À l’époque, Sébastien a voulu aller en thérapie. Madame a refusé. Et ainsi s’est terminée la relation. C’était il y a quelques années.

« Ç’a été un gros moment de déprime. J’ai trouvé ça très difficile », laisse-t-il tomber. Et c’est à ce moment précis que Sébastien décide de consulter. Où ? Comment ? Par l’entremise d’un programme d’aide aux employés, offert par sa boîte.

Ce n’est pas assez connu : tous les employeurs d’une certaine taille doivent fournir ce programme d’aide. Moi, j’ai eu six séances de psychothérapie, payées par mon employeur !

Sébastien

À travers cette introspection, Sébastien en profite aussi pour s’instruire : sur la psychologie, le couple, la sexualité, les livres sur le sujet ne manquent pas (« il y en a tellement ! »). Ce qu’il retient ? Pas compliqué : « Il faut régler ses bibittes ! »

Puis tranquillement, il ose, et s’inscrit sur une application de rencontres. « C’est important d’avoir quelqu’un dans ma vie, j’ai de l’amour à donner, faut que quelqu’un en profite ! » Sauf que comme plusieurs avant lui, ça ne marche pas, mais pas du tout. Pensez : zéro réaction. « Sur le plan personnel, c’est très dur. »

Mais comme il est issu du monde de la finance, Sébastien cherche ici à comprendre pourquoi : « Il doit y avoir quelque chose que je fais de mal. En termes marketing, il doit y avoir une question de placement de produit ici ? »

Et c’est là qu’il découvre qu’il existe une industrie de coachs en ligne, qu’il défriche le fonctionnement des algorithmes, bref, qu’il comprend que la stratégie de « swiper à la tonne » n’est pas la bonne. Mais vraiment pas. « Ça dévalue le médium, résume-t-il. Donc ce n’est pas une stratégie gagnante. Il faut y aller de manière plus parcimonieuse ! »

Sébastien décide donc de changer de « médium », pour cibler quelque chose qui lui ressemble : un site de rencontres pour professionnels, à la recherche d’autres professionnels. « Et j’ai gardé mes yeux fixés sur mon objectif », insiste-t-il, en poursuivant, on l’aura compris, avec sa métaphore financière. Objectif ? « Me trouver une blonde. » Stratégie ? « Une ligne d’attaque ! » Une phrase, une amorce, pour provoquer la conversation ! Madame dit aimer la musique indépendante ? « Je suis un grand fan des Smashing Pumpkins », réagit-il. « Ça marche ou pas... »

C’est une façon d’entrer en communication. Avec un peu de chance, ça crée un sourire. Ça donne une tournure positive à l’exercice, qui est en soi rébarbatif.

Sébastien

Et visiblement, ça marche. Avec sa « stratégie » d’affaires, Sébastien a fait plusieurs rencontres. Une première de quelques semaines, avec une femme qui ne se cherchait ici qu’un amant. Et l’aventure, pour Sébastien, a été thérapeutique. « Ça a mis en lumière que je pouvais être désirable, dit-il. Ça m’a donné énormément confiance. »

Mieux : « Soudainement ça règle des affaires, et j’ai pu chercher quelque chose de plus profond que juste sexuel. »

Il a cherché, et il a trouvé ! Cela fait un peu plus de six mois, et à le voir tout sourire à la caméra, on comprend qu’il ne ment pas : « Ça va très bien ! »

Son conseil (d’affaires) ? « Tant les femmes que les hommes, il faut aborder le médium pour ce qu’il est : un moyen d’atteindre un objectif. Mais il est important de déterminer l’objectif ! »

Dans son cas : « C’est parfait. J’ai trouvé quelqu’un avec une libido très développée, mais ça ne se limite pas à ça ! Il faut qu’il y ait autre chose : une réelle connexion. Et c’est ce que j’ai ! »

* Prénoms fictifs, pour protéger l’anonymat

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