La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Guillaume*, septuagénaire

Guillaume a une peur bleue de vieillir. Sa « hantise de la décrépitude », comme il dit, il la soigne en fréquentant depuis quelque temps une femme plus jeune, beaucoup plus jeune que lui. Classique ? Pas seulement.

Parce qu’évidemment, son récit ne se résume pas qu’à cette soif, urgente, de vivre. Même si c’est ce pour quoi l’homme nous a d’abord contactée. « Vous avez devant vous un cas patent, peut-être pathétique, de hantise du naufrage », affirme d’entrée de jeu le septuagénaire aux airs de poète, avec ses cheveux blancs au vent.

Mais alors qu’on pensait ici jaser d’âgisme, voilà que d’emblée, et à peine installé devant son allongé, dans un coquet café de la rue Fleury, Guillaume nous révèle les évènements traumatisants (qui ne l’ont par ailleurs étrangement pas traumatisé) qui ont marqué son entrée dans la vie sexuelle active. « C’est arrivé malgré moi, par un scout qui me masturbait la nuit, sans que je ne m’en aperçoive, avant la toute fin… », raconte-t-il sobrement, entre deux gorgées de café.

Il devait avoir 13 ans. S’il s’est senti à l’époque agressé ? « Non, mais utilisé. Comme je l’ai été par deux prêtres un peu plus tard. »

On est loin du sujet léger auquel on s’attendait. S’il est soumis à une entente de confidentialité, Guillaume nous confirme qu’il a fini par obtenir une compensation, dans une entente à l’amiable, tout récemment.

« Mais je considère avoir été moins brimé par ces deux fourbes que par la terreur que mon père nous a imposée », précise-t-il, en pesant soigneusement chacun de ses mots, dans une énième déclaration choc. Un père « batteur de femme et d’enfants » qui l’a terrorisé longtemps, comprend-on. Comment il a survécu ? « Grâce à l’amour de ma mère », dit-il en souriant, d’un regard doux qui ne le lâchera pas de l’entretien.

Et puis ? « Et puis, j’ai eu besoin de trouver une femme qui pourrait m’aimer autant que ma mère… »

À la recherche de l’amour

Il rencontre sa future femme, et mère de ses nombreux enfants, quelque part autour de ses 17 ans. « Et le jour de ses 18 ans, elle m’a fait le cadeau d’elle-même, et ç’a été très agréable, sourit-il toujours. On a eu une vie très agréable. Avec des hauts et des bas… »

Une belle histoire qui a duré 40 ans, malgré un intermède de 10 ans pendant lequel Guillaume l’a trompée avec une secrétaire. « C’était à un moment où je me sentais extrêmement seul, explique-t-il. Et cette secrétaire a été très compréhensive… » Sexuellement ? « Très coloré », tandis qu’avec sa femme (parce que oui, il continuait d’être actif de ce côté aussi), c’était plutôt « bon, mais tranquille ». S’il a pensé la quitter ?

Je ne pouvais pas et je ne voulais pas. À cause des enfants. C’est classique, mais c’est comme ça.

Guillaume*

Et puis au bout de 10 ans, il a fini par tout lui dire. Tout lui confier. Pour repartir ensemble, et à neuf. L’art de mettre « cartes sur table », quoi. Et visiblement, ça a marché.

Les mois qui suivent sont beaux. Ils vivent un franc regain. « C’est une belle période. » Sauf que madame tombe rapidement malade et meurt quelque temps plus tard. « Ç’a été très, très dur, confirme Guillaume. Je me suis senti comme une fourmi. La vie est impitoyable… »

À 50 ans à peine, il se retrouve veuf. Sans transition, il poursuit son récit, avec la rencontre d’une nouvelle femme, certes peu entreprenante, mais « formidable » au lit. « Après ma mère, c’est la femme qui m’a le plus aimé », croit-il. L’affaire dure 10 ans, à la suite de quoi Guillaume s’inscrit sur Réseau Contact et y fait la rencontre d’une première femme plus jeune que lui. « Cinq ou six ans plus jeune. » Sur papier, ici, tout va bien : « Elle était sportive, aimait la bonne bouffe, les escapades, ça me convenait. » Le hic ? « Quand je lui ai parlé de sexualité, j’ai vu que ça n’était pas quelque chose qui lui venait spontanément. »

Or, pour lui, oui, c’est important. Très important, même.

Guillaume réfléchit, puis s’explique : « Ce qui me procure le plus grand high, ce sont les plaisirs des sens. J’ai fait beaucoup de planche à voile dans ma vie, et il y a une volupté dans le fait de sentir l’eau qui touche les jambes. C’est une griserie. Pendant ce temps, on ne pense pas à la merde qui nous entoure. La sexualité, c’est la même chose. En plus d’avoir un échange, idéalement agréable… »

Le cadeau de la jeunesse

Or, avec elle, ça ne clique pas. C’est long. Compliqué. « Interminable à la faire jouir. » Quand jouissance il y a. Toujours est-il qu’il finit par la quitter, pour rencontrer, il y a un peu plus de quatre ans, une nouvelle femme, cette fois de 40 ans de moins que lui. Et ? « C’est inimaginable », rayonne-t-il tout à coup, les yeux brillants. Ils ne se voient que quelques fois par mois. Elle ne veut pas rencontrer ses enfants. Ni sortir avec lui. Mais rester dans le « ici et maintenant ». « Elle sait que ça ne peut pas durer. » Et lui aussi. N’empêche. « C’est une relation très affectueuse, et très physique. » Il sort ici son iPad et nous la montre en photo. « C’est comme un ange. Je ne peux pas imaginer plus beau que ce que je vois. » De toute évidence, notre homme est sur un nuage.

Elle a une douceur, et physiquement, on a le plus beau sexe, le meilleur sexe, comme si on était formés l’un pour l’autre. […] C’est une situation difficile à imaginer.

Guillaume*

« Cela fait quatre ans et demi et ça ne s’essouffle pas. »

Et la différence d’âge ne le dérange pas ? Tout le contraire, vous l’aurez compris. « Comme j’ai la hantise du vieillissement, je ne veux pas avoir devant moi le portrait de ce que je ne veux pas voir de moi, répond-il. Il va bien falloir à un moment donné que je me résigne. Mais là, elle me fait le cadeau de sa jeunesse… C’est ridicule, elle est plus jeune que le plus jeune de mes fils. Mais c’est tellement bon. »

Il a aussi une peur bleue que ça se termine. « C’est la hantise que j’ai. Qu’elle se fasse un chum de son âge. Mais c’est inévitable. » Alors en attendant, il savoure. S’il est heureux ? « Je n’ai jamais été heureux complètement, non. Il y a trop de malheurs dans la vie. Mais j’ai beaucoup de plaisir. Mais je ne peux pas dire que je suis heureux parce que je sais que c’est transitoire. Mais je suis très heureux de cette période transitoire… » conclut-il, en souriant doucement.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.