La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Catherine*, 43 ans

Depuis trois ans, Catherine, 43 ans, sonde, observe et analyse les hommes, rencontrés en ligne, puis en personne. Incapables de se fixer, de se remettre en question, ou simplement d’exprimer leurs émotions : ses constats sont peu « reluisants », disons. Bilan ? Les gars de son âge sont fuyants, peu engagés et manquent d’éducation relationnelle, tranche-t-elle.

Mise en garde : confidence coup de gueule, vous l’aurez compris. Elle ne s’en cache pas : « J’ai souvent voulu réagir à la rubrique », nous dit d’emblée la blonde quadragénaire aux yeux clairs, qui fait assurément tourner bien des têtes, à peine assise dans un petit café de Rosemont. « Là je me suis dit : ça suffit ! Non, mais voyons ! Tous ces hommes qui ont des problèmes et qui ne consultent pas ! »

Il faut dire que c’est « [son] domaine ». Catherine est une professionnelle en relation d’aide. Alors le relationnel, elle connaît. Elle en mange, depuis 20 ans, en fait. « C’est assez flagrant à quel point les hommes n’osent pas consulter ! Ils ne sont pas dans l’évolution et l’apprentissage, comme nous, les femmes ! » Ses copines et elle, « toutes séparées pour les mêmes raisons », ont d’ailleurs monté un « pool » de recherche informel, et arrivent aussi toutes aux mêmes et peu glorieuses conclusions :

Les gars veulent qu’on prenne soin d’eux, et les femmes veulent qu’on prenne soin de la relation…

Catherine, 43 ans

Avant d’y venir, et tout en sachant que ses propos (mi-personnels, mi-professionnels) risquent de faire réagir, Catherine se prête au jeu des confidences sans filtre, et avec plaisir. Sa découverte de la sexualité ? À 16 ans, avec son « premier chum » et « premier amour », une histoire qui a duré trois ans. « On a exploré dans l’amour et le respect, c’était parfait (pour cet âge) ! »

Ensuite ont suivi quelques amourettes (« j’en ai eu trop, on ne peut pas tout noter ! », pouffe-t-elle), certaines plus mémorables que d’autres. Notamment cet amoureux, début vingtaine, qui lui a « montré beaucoup de choses », cite-t-elle. Exemple ? « À avoir des orgasmes très facilement, de tous les moyens possibles… »

Mi-vingtaine, Catherine rencontre le futur père de ses enfants. Leur histoire, à l’époque, ne dure que deux ans. Sexuellement ? « Passionné, répond-elle. Ç’a été notre point d’ancrage, assez rapidement. » Relationnellement ? Un peu moins : « Il était très immature. » Le genre à annuler une soirée à la dernière minute pour voir ses chums

Fin vingtaine, sa carrière bien lancée, Catherine le relance, dans l’espoir de se caser. « Avoir des enfants, c’était important pour moi. » Et ? « On s’est retrouvés ! La passion était encore là. Ça n’était pas mort quand on s’est séparés. » Deux enfants et plusieurs traitements en fertilité plus tard (avec une sexualité tout à coup « sur commande »), épuisée avec des douleurs pelviennes en prime (« c’est important d’en parler, parce que c’est tabou ! »), heureusement guéries grâce à un joyeux cocktail de thérapies (physio, ostéo, acuponcture, alouette), son couple bat de l’aile. « Lui, sa libido n’avait pas changé, alors il ne comprenait pas », se souvient-elle. De son côté, Catherine s’est un peu perdue comme femme, à travers toutes ces années de maternité. « La sexualité n’était plus associée au plaisir, mais à la reproduction… » Bref, sa libido était à plat, vous vous en doutez, le couple, malgré ses dix années de vie, n’a pas survécu.

« Ç’a été vraiment dur, confirme-t-elle, mais je comprenais : on s’était perdus… » À l’époque, elle pense mettre une croix sur sa sexualité (« je n’avais plus de libido ! »), jusqu’au jour où, en sortant de chez le notaire pour signer ses derniers papiers de fin de vie commune, elle décide d’acheter des livres sur le sexe. « Je me suis ouvert une bouteille de vin, rit-elle, et je me suis dit : à défaut de pratiquer, je vais m’éduquer ! »

Le « pool »

Et la « pratique » n’a pas tardé, vous vous en doutez. C’était il y a trois ans. Parce que, après un premier baiser dans un bar avec un étranger (qui a « ravivé la flamme ! », s’émerveille-t-elle) et un flirt de deux ans avec un amant rencontré sur un premier site de rencontre (un amant « excellent », très « à l’écoute » au lit, mais paradoxalement incapable d’exprimer ses sentiments dans la vie), Catherine est « prête ». Elle s’inscrit sur une application de rencontre (à « swipes »), même si ça ne lui ressemble pas vraiment : « C’est vraiment spécial comme style, surtout pour moi qui travaille en relation humaine… » Mais comme elle est « aventurière », elle ose. Pas à moitié.

En tout, et dans la dernière année, elle a dû communiquer avec une bonne centaine d’hommes. Pour le plaisir, et un peu pour la « science », dit-elle, mi-rieuse, mi-sérieuse. Parce que :

Honnêtement, ces hommes sur ces applications ont tous des enjeux relationnels. Ma job, dans la vie, c’est d’évaluer ça. Et là ? OMG, je vois de l’évitement avec un grand E !

Catherine, 43 ans

« Moi, je vois rapidement les enjeux, enchaîne-t-elle. Eux, ils ont eu quatre fois la même relation, toutes des filles borderline, toutes des jalouses, illustre-t-elle, mais ils ne se questionnent pas ? »

Elle relate ensuite ses rendez-vous avortés, malgré une chimie évidente (« quel homme sur terre ne veut pas un troisième rendez-vous » ?). Les messages laissés en suspens. Sans parler des rencontres impossibles à fixer. « Les hommes, la semaine où ils ont leurs enfants, oublie ça ! C’est comme s’ils administraient la Maison-Blanche ! N’importe quoi ! s’enflamme-t-elle. Moi aussi, je gère beaucoup en même temps. Je travaille, j’ai des enfants, et je suis capable de gérer ! »

Du lot, elle a fini par en rencontrer une trentaine. Et coucher avec quatre. Toutes des expériences « moches », « très moyennes ». « Et le condom, enchaîne-t-elle. OMG, ils ne veulent rien savoir. Ce n’est pas très reluisant… »

Verdict ? Elle l’a dit. Et le répète : « De mon expérience, les femmes dans la quarantaine se développent beaucoup. Elles vont en thérapie. S’intéressent à plein de choses, dans plein de domaines. Alors que les hommes ne font pas ça. On dirait que l’écart se creuse entre l’évolution des hommes et des femmes… »

Certes, ses mots sont durs. Tranchés. Mais peut-être volontairement provocants. Et c’est tant mieux si elle fait réagir, conclut-elle. « Parce que c’est ça qui fait avancer les choses : discuter ! Moi aussi, je veux entendre ce qu’ils ont à dire… »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat