La vulve fait parler d’elle, ces temps-ci, de l’autre côté de l’Atlantique. Pendant qu’en Angleterre, des médias font mention du mouvement d’acceptation de la vulve dans toutes ses déclinaisons, les propos d’une starlette de téléréalité qui a subi des traitements pour « rajeunir » sa vulve ont fait l’objet d’une vive polémique en France.

« C’est super important d’avoir un beau vagin. J’ai de la chance, j’ai vraiment un beau vagin. Je n’ai pas les lèvres qui dépassent, mais il faut l’entretenir. Mon docteur, c’est le meilleur pour ça. […] Du coup, c’est trop bien. C’est comme si j’avais 12 ans, genre. »

Ces paroles sont celles de Maeva Ghennam, une jeune femme de 24 ans qui s’est fait connaître en France dans l’émission de téléréalité Les Marseillais. En septembre, l’influenceuse a publié une vidéo sur l’application Snapchat à partir du bureau de son gynécologue, où elle venait de subir un traitement « sans injection » pour « rajeunir son vagin » (elle parlait en fait de sa vulve).

Il n’en fallait pas moins pour déclencher ce que TF1 a surnommé le vagin gate. Des internautes ont été scandalisés d’entendre une femme suivie par des millions de personnes sur TikTok et Instagram (dont bon nombre de jeunes filles) tenir des propos non seulement douteux, mais aussi propices au développement de complexes.

L’émoi s’est rendu jusqu’à l’Élysée. Dans une missive adressée au Collège national des gynécologues et obstétriciens français, la ministre Marlène Schiappa s’est interrogée sur cette promotion de traitements « non prouvés pas des études scientifiques ». Devant le tollé, Maeva Ghennam a publié une autre vidéo, cette fois pour présenter ses excuses. Elle a soutenu s’être mal exprimée.

La militante et autrice française Julia Pietri la voit avant tout comme une victime de la culture d’hypersexualisation du corps des femmes. « Ce qui me choque davantage, c’est le fait que son chirurgien que l’on voit dans la vidéo, qui pratique la chirurgie esthétique des vulves, ne soit, lui, pas embêté, pas attaqué », nous a écrit Julia Pietri, du compte Instagram La gang du clito.

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PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Valérie Auclair, artiste, militante féministe et cofondatrice de Vulvette Underground

« La personne à blâmer, ce n’est pas tant elle que tout le système et la pression sociale exercée sur les filles et les femmes pour correspondre à un modèle type, renchérit l’artiste et militante féministe Valérie Auclair, cofondatrice du duo artistique Vulvette Underground. Ça vient des messages véhiculés dans la porno, dans la publicité, où on nous montre surtout un type de corps, un type de vulve : des vulves sans poils de petites filles. »

Pendant ce temps, en Angleterre, des médias se sont intéressés dernièrement à un mouvement diamétralement opposé : celui de jeunes femmes qui parlent ouvertement et sans tabou de leur vulve.

Sur TikTok, des filles discutent avec humour de leur outie, surnom donné aux vulves dont les petites lèvres dépassent les grandes. Ce type de morphologie peu représenté est pourtant très répandu : selon une statistique rapportée par The Guardian, les petites lèvres sont visibles chez 56 % des femmes.

La New-Yorkaise Gabriella Scaringe, propriétaire d’une marque de lingerie (et d’une outie), a publié au cours de l’été plusieurs vidéos sur le sujet. C’est important d’en parler, dit-elle, parce qu’on ne le fait nulle part ailleurs, d’abord, et que certains types de lèvres demeurent tabous. Quand une femme essaie un string qui peine à contenir sa vulve, elle peut sentir que c’est elle, le problème, ajoute-t-elle par courriel. « Il y a cette idée que les organes génitaux masculins devraient traîner et les organes génitaux féminins devraient être rentrés », constate Gabriella Scaringe à regret.

Consultez le compte TikTok de Gabrielle Scaringe

Des vulves pour faire réagir

Au Québec, le collectif Vulvette Underground s’est aussi donné la mission de célébrer la vulve dans toute sa diversité. Depuis trois ans, le duo formé de Valérie Auclair et du photographe Gaétan Fontaine moule des vulves, les peint et les colle clandestinement aux quatre coins de la ville de Montréal.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Gaétan Fontaine et Valérie Auclair, cofondateurs de Vulvette Underground, portant ici des « masquavulves »

Valérie Auclair se désole du manque d’éducation entourant la vulve, une partie du corps taboue. « Ça fait que des femmes sont mal à l’aise dans leur corps et des hommes sont portés à les juger, parce que tout ce qu’ils ont vu dans leur vie, ce sont des vulves dans la porno, souligne-t-elle. Les femmes méritent toutes de s’aimer, d’être bien dans leur corps, de se trouver belles comme elles sont. »

Les vulves de Valérie Auclair ont suscité toutes sortes de réactions depuis ses études universitaires. Quand on réagit, dit-elle, c’est parce que ça éveille quelque chose en nous. Des complexes. Des tabous. L’art de rue est à ses yeux une façon douce de rejoindre les gens et, au bout du compte, de faire évoluer les mentalités.

  • Le collectif Vulvette Underground moule des vulves, les peint et les colle clandestinement aux quatre coins de la ville de Montréal.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Le collectif Vulvette Underground moule des vulves, les peint et les colle clandestinement aux quatre coins de la ville de Montréal.

  • Le collectif Vulvette Underground moule des vulves, les peint et les colle clandestinement aux quatre coins de la ville de Montréal.

    PHOTO GAÉTAN FONTAINE, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE VULVETTE UNDERGROUND

    Le collectif Vulvette Underground moule des vulves, les peint et les colle clandestinement aux quatre coins de la ville de Montréal.

  • Le collectif Vulvette Underground moule des vulves, les peint et les colle clandestinement aux quatre coins de la ville de Montréal.

    PHOTO GAÉTAN FONTAINE, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE VULVETTE UNDERGROUND

    Le collectif Vulvette Underground moule des vulves, les peint et les colle clandestinement aux quatre coins de la ville de Montréal.

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Le complexe de la vulve est assez fréquent chez les femmes, constate la sexologue et infirmière Myriam Bouchard. C’est aussi un motif de problème d’épanouissement sexuel : « Lorsqu’on n’aime pas nos organes génitaux, on ne les présente pas, on n’en profite pas, on ne les touche pas, on se referme. »

Myriam Bouchard ne juge pas les femmes qui choisissent d’avoir recours à la labioplastie, dont la demande a augmenté de 217 % aux États-Unis de 2012 à 2017, selon la Société américaine des chirurgiens plasticiens esthétiques. « À chacun sa voie », dit-elle.

N’empêche, si la situation est liée à un problème d’estime et de confiance, le bien-être que pourraient engendrer ces procédures risque d’être éphémère, souligne Myriam Bouchard. « C’est assez rare qu’une femme consulte uniquement parce qu’elle n’aime pas sa vulve. C’est souvent parce qu’elle ne s’aime pas, en général. »