Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Marie*

Marie* est heureuse – dans la vie, de son couple, et au lit. Sauf que malgré ce bonheur, il lui manque quelque chose. Elle vient de mettre le doigt dessus : elle rêve de flirts d’un soir et d’aventures sans lendemain. Possible de « marier » les deux ? Elle vient en tout cas d’amorcer la discussion, après 20 ans de relation et quelques années en dents de scie. Récit.

Parlant de mariage, Marie doit aussi se marier l’an prochain. « La COVID-19 et tous ces couples qui se séparent m’ont fait réaliser que nous, ça va vraiment bien, confie la blonde trentenaire à lunettes, rencontrée cet été dans un café de la Rive-Sud. Je veux vraiment rester avec lui pour toujours », sourit-elle, entre deux bouchées, et autant de contradictions.

Mais commençons par le commencement. Parce qu’avant d’en arriver à cette fameuse « discussion » (« et c’est difficile d’amener ce sujet, c’est quand même assez gros ! »), disons que Marie a vécu de sacrées remises en question.

Il faut dire que le couple est ensemble depuis presque toujours. Après quelques aventures (« je n’ai pas fait cinquante mille affaires, mais j’étais ouverte d’esprit »), Marie a en effet rencontré son chum actuel, et père de ses enfants, au cégep. « On s’est tout de suite très bien entendus : comme amoureux et au lit. » Leur première fois était « super ». « Et je pense que c’est parce qu’il y avait de l’amour, précise-t-elle. Rien d’extravagant, mais très bon. Plusieurs fois par jour. Il avait le même appétit que moi. »

La relation va si bien qu’un an plus tard, ils emménagent ensemble. Puis, quelques années après, ils achètent une maison. « Après quatre ou cinq ans ensemble, la fréquence a commencé à diminuer, à deux ou trois fois par semaine. Mais c’était toujours bon, par contre. »

Bon, quoique routinier.

On était un peu sur l’autopilote : travail, routine, dodo. Et puis on avait moins de sorties.

Marie, mi-trentaine

Vous devinez la suite ? « À ce moment, je l’ai trompé », dit la jeune femme. Elle s’en veut, se sent coupable et a fini par se confier. Une discussion s’est alors amorcée. « Cela a fait ressortir nos problèmes : il fallait qu’on se parle. »

Surprise : monsieur, aussi, ressent cette fameuse « routine ». Lui aussi veut en sortir. Et tous deux choisissent alors de « travailler ensemble ». Non, pas en thérapie, mais vraiment « ensemble ». « On a beaucoup communiqué, relate Marie, on s’est mis à faire des sorties en amoureux. C’est sûr, ç’a été difficile, la confiance n’était plus là, mais on a fini par réussir. »

Réussir ? Plusieurs mois plus tard, « on est passés par-dessus et la relation est redevenue correcte ».

Et puis ? Et puis, ça ne s’invente pas : ils ont décidé de faire des bébés ! Et disons que les priorités ont changé, pendant un temps du moins.

Quelques années plus tard, une fois les enfants plus grands, la réalité a rattrapé Marie. « Je me suis mise à regarder d’autres hommes… » Attention : pas délibérément, mais plutôt instinctivement. « Pas sur les réseaux ou rien, nuance-t-elle. Juste dans la rue, au resto : “Il est cute, lui. Ce serait le fun.” Mais je ne voulais plus tromper mon chum ! »

De là sont nées ses interrogations. Parce que de l’avis de ses copines (et confidentes), c’était sans équivoque : si elle était bel et bien heureuse, elle ne regarderait pas ailleurs. Point barre.

Alors je suis me mise à me poser un paquet de questions : est-ce que je suis heureuse ?

Marie

Est-ce qu’elle l’aimait vraiment ? Et si une occasion se présentait, est-ce qu’elle saurait résister ? Nouveau coup de théâtre : plutôt que de risquer de blesser à nouveau son amoureux, Marie a voulu se séparer. « Alors je l’ai laissé. » Correction : « J’ai essayé de le laisser. » C’était il y a cinq ans.

Essayé ? Parce que monsieur, de son côté, ne l’a pas laissée faire. Et à nouveau, ils se sont parlé. « “C’est la routine, lui a-t-elle dit, je ne suis pas heureuse, en partie.” Je voulais que quelque chose change, mais je n’avais pas encore mis le doigt dessus », comprend-elle, avec le recul. De son côté, monsieur veut savoir : « As-tu quelqu’un en tête [non], et sinon, qu’est-ce que tu perds à me laisser une autre chance ? »

Alors pour une énième fois, et après « énormément de peine », le couple s’est rabiboché. « On s’est mis à réserver des gardiennes plus souvent et on a réussi à renouer ensemble. » Et au lit ? « Bien, sourit Marie. Comme des parents. C’est sûr qu’on ne peut pas être spontanés avec les enfants… » Mais « bien », insiste-t-elle.

L’histoire ne s’arrête évidemment pas là. « On s’est retrouvés, mais j’ai continué d’avoir envie de voir ailleurs… ». Sauf que cette fois, Marie a fait ses recherches, comme on dit : « Pourquoi je veux voir ailleurs, si je suis bien dans ma vie et comblée sexuellement ? J’ai essayé de savoir ce qui me fait sentir comme ça. Et j’ai lu énormément. »

Quoi ? Des articles ici (comme celui que vous lisez en ce moment) ou là (sur des sites spécialisés), et à la suite de conversations avec des amis « libertins » (ou en couple avec des « arrangements », « je ne connais pas tous les termes ! »), elle a fini par comprendre.

Ce qui me manque, c’est le flirt ! Ce gars cute, est-ce que je suis encore capable ? Est-ce qu’il va me trouver belle ? L’attirance, c’est ce qui me manque !

Marie

« Ça me manque énormément ! », insiste-t-elle. Certes, mais pas au point de mettre son couple en péril, a-t-elle aussi réalisé. D’où la fameuse « discussion », toute fraîche, lors de notre entretien. « En partageant avec lui des liens sur le libertinage, les couples ouverts, j’ai fini par amener le sujet… »

Parce que pour Marie, c’est évident : sexe et amour ne vont pas forcément de pair. Et elle aimerait pouvoir vivre des aventures sans lendemain. Pour son amoureux, c’est moins clair. Il voit là plutôt le début de la fin. « Ça ne fitte pas tout à fait avec sa façon d’être, plus traditionnelle… »

N’empêche que la conversation est entamée. « Moi, j’aimerais marier les deux : on est heureux ensemble, on s’aime, on a du sexe, mais ça ne me dérange pas si tu vas voir ailleurs, je sais que c’est juste une game et que c’est moi que tu aimes. » Et vice-versa. Avec des règles établies, et dans le respect des limites de chacun.

« Je ne me suis jamais sentie aussi proche de lui qu’après cette conversation, glisse-t-elle. Il n’a pas tout catché, il n’a pas dit oui, mais on a discuté… »

Et puis ? Et puis la question demeure donc en suspens. Mais Marie a fait son bout de chemin, comme on sait. « Peu importe sa décision, je vais la respecter, conclut-elle en souriant. Pour vrai : notre amour est tellement fort, je ne veux pas le perdre. […] Ça ne vaut pas la peine de se laisser pour ça. […] Mon couple vaut plus que ça, sans ça, je ne me marierais pas ! » Avant de nous quitter, elle lui commande d’ailleurs un café, pour le lui apporter…

* Nom fictif, pour préserver son anonymat