Parents, enseignants et éducateurs dénoncent souvent le manque d’outils pour encadrer les questions de sexualité et préparer les bons comportements. Paraissant dans la foulée de la déferlante #moiaussi et de l’affaire Logan Mailloux, le nouveau Guide de bonne conduite sexuelle à l’usage des gars espère répondre à bien des interrogations en la matière.

« Des dizaines d’heures de cours sont nécessaires pour apprendre à conduire une moto ou une auto ; un temps infiniment moindre est consacré à apprendre comment se conduire quand on est sexuellement excité ou attiré par quelqu’un », écrit, dès l’introduction de son guide, Michel Dorais, sociologue de la sexualité, qui signe cet ouvrage dont la parution est prévue le 25 août. Car rouler sur les chemins de la séduction sans connaître les règles sociales de circulation, à quoi cela menace-t-il d’aboutir ? À des sorties de route ou, pire, à des accidents et à des blessures parfois profondément traumatisantes pour les victimes.

Pour aider la jeunesse masculine à mieux voir et comprendre les balises en vigueur aujourd’hui, M. Dorais propose de décortiquer plus d’une vingtaine de thèmes entourant la sexualité et les conditions d’une relation, déboulonnant au passage une pléiade de mythes, préjugés et prétextes qui ont tendance à proliférer sur les bancs d’école et des universités.

PHOTO JULIEN FAUGÈRE, FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Michel Dorais, sociologue de la sexualité et enseignant

Sont ainsi passés au crible l’excitation basée sur l’interdiction, la croyance qu’un refus finira bien par se muter en « oui » si l’on persévère, les défis lancés entre gars, le rôle de l’alcool, les pulsions de jalousie ou les poussées de testostérone. Mais aussi : les condoms, la pornographie, l’érection, le cyberharcèlement, etc. Bref, les ados sauront tout, tout, tout non seulement sur le zizi, mais surtout sur la façon responsable de s’en servir dans un cadre relationnel.

Alerté par la vague de dénonciations du mouvement #moiaussi, le sociologue estimait que les livres sur le sujet rédigés par des hommes manquaient à l’appel.

Beaucoup de livres ont été rédigés par des femmes sexologues, mais par des hommes, pas tant que ça. Il faut que les gars suivent !

Michel Dorais, sociologue de la sexualité et enseignant

L’auteur aborde d’ailleurs le sujet avec des outils sociologiques, en contextualisant la sexualité dans un paysage social.

L’un des défis fut de trouver le bon ton pour aborder la chose sans verser dans le discours moralisateur. « C’est un livre dont le fond est sérieux, mais dont le ton est léger », dit Michel Dorais, qui enseigne depuis 42 ans et a soumis ses brouillons à des relecteurs allant d’adolescents à Janette Bertrand, en passant par le corps enseignant.

« Je sais que les gars sont allergiques aux leçons de morale. Mais quand vous enseignez, dès que vous tombez là-dedans, on vous le dit tout de suite ! » Grâce à des illustrations sympathiques, de nombreux encadrés et un langage taillé pour les jeunes, le guide parvient effectivement à cerner et à décortiquer frontalement des thèmes cruciaux, comme le consentement ou l’autorité, sans tomber dans la lourdeur.

Repêcher les bonnes attitudes

Parfaitement symptomatique, l’affaire Logan Mailloux est vite arrivée sur le tapis de l’entrevue. Pour rappel, ce jeune joueur de hockey a été repêché par le Canadien bien qu’il ait été épinglé pour avoir diffusé les photos intimes d’une partenaire.

Michel Dorais ne prend pas position sur le geste du Canadien, préférant considérer les initiatives et leçons qui peuvent être tirées de cette polémique. « Il a créé un problème, c’est à lui de s’interroger, de voir comment il peut le réparer. Et de leur côté, que peuvent faire les équipes sportives, dont les joueurs sont des modèles ? Elles pourraient prendre la rondelle au bond et lancer une campagne, créer des outils. Si vous faites partie du problème, vous faites partie de la solution. Au Québec, on croit en la réhabilitation. »

Comprendre un problème, ce n’est pas l’excuser non plus : il faut le comprendre pour mieux prévenir.

Michel Dorais, sociologue de la sexualité et enseignant

Le sociologue souhaiterait ainsi voir son guide passer entre les mains des clubs sportifs, amateurs ou non, de la province.

Délimiter fantasmes et réalité

Le guide abordant une multitude de facettes et de facteurs influençant les comportements des jeunes hommes, attardons-nous sur l’un d’eux, qui semble préoccuper de nombreux parents : la pornographie. Un sujet souvent tabou, aux définitions floues, mais au contenu plus que jamais accessible avec les outils technologiques actuels. Pour M. Dorais, il est essentiel de faire la lumière sur ce point afin d’éviter que les jeunes ados y voient le reflet de la réalité et cherchent à reproduire ce qu’ils voient au détriment du consentement ou des aspirations de leur partenaire ; d’autant plus que le sociologue note une injection croissante de violence dans ces productions, lui faisant craindre une influence néfaste sur les comportements.

« Cette violence m’inquiète, et c’est pour ça qu’il faut en parler. Beaucoup de jeunes pensent que la pornographie reflète la réalité, alors que ce sont des fictions. Il devrait y avoir un message d’avertissement, comme dans Jackass, comme quoi il y a des risques. Cela rejoint l’un des chapitres consacré aux fantasmes, où est expliquée l’importance de les dissocier de la réalité. Mais si on dit simplement aux gars que la pornographie, c’est laid, ça ne donne pas beaucoup de résultats. »

En librairie le 25 août

Guide de bonne conduite sexuelle à l’usage des gars

Guide de bonne conduite sexuelle à l’usage des gars

Trécarré

192 pages