Vous n’avez plus vraiment envie, la flamme s’est éteinte, et vous souhaitez comprendre pourquoi ? Surtout : comment la ranimer ? Normal, docteur ? Un nouveau livre fait le point.

C’est le travail, les enfants, l’usure du temps, sûrement ? Ces questionnements vous parlent ? Vous êtes loin d’être seuls. Sylvie Lavallée le confirme : le désir, « c’est le nerf de la guerre dans le quotidien clinique ». La sexologue clinicienne et psychothérapeute publie ainsi ces jours-ci un riche essai sur le sujet : Désirez-vous désirer ? L’indiscipline du désir, chez Robert Laffont. Notez le sous-titre, parce qu’il n’est pas innocent.

De fait, le désir, c’est ça : un concept certes abstrait, mais assurément « indiscipliné ». « Il aspire à l’extraordinaire, carbure à l’intensité et à la délinquance. Il est égoïste et relationnel », écrit-elle dans son ouvrage de plus de 300 pages, truffé d’exemples (concrets), de questions (confrontantes) et même de quelques exercices (pratiques).

Sylvie Lavallée, qui s’est spécialisée dans les infidélités et autres trahisons amoureuses (l’éléphant dans la pièce, bien souvent, quand on vient à parler de désir), entend jour après jour ses patients se questionner : qu’est-il arrivé de mon désir, pourquoi a-t-il disparu, s’est-il évaporé ou est-il devenu si paresseux ? « Les gens ont envie d’être emballés, enthousiasmés et de retrouver leur vitalité d’antan ! », constate-t-elle. Comme si cela pouvait arriver tout seul…

Pour s’attaquer à cette délicate question (« la plus difficile en thérapie »), une véritable « introspection » est nécessaire, avance-t-elle, prêchant évidemment pour sa paroisse. « Bien sûr, il peut y avoir des raisons biologiques, la ménopause, un cancer, mais je ne vais pas là. Je parle ici plutôt du relationnel. » La première partie de son livre s’attaque donc à tout ce qui peut, de près ou de loin, expliquer ce désir « en berne » : l’ennui, la paresse ou le couple tenu pour acquis, un « désenchantement de la relation », comme elle dit.

On se trouve tout le temps une raison : c’est le travail, les enfants, la pandémie… Mais le temps aggrave les choses, dans la sexualité.

Sylvie Lavallée, sexologue et psychothérapeute

Dans un deuxième temps, Sylvie Lavallée passe ensuite en mode solution, pour proposer un « buffet » de réflexions. « Je veux quoi ? Aimer mieux ? Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est quoi, une meilleure intimité ? », exemples de relations fatiguées, toxiques ou abandonnées à l’appui. Ce faisant, elle compare ici le désir à un état de « joie ». Parce que les deux se travaillent quelque part de la même façon, dit-elle. Et le parallèle est éclairant. « Souvent, les gens qui ont moins de désir sont un peu éteints par le métro, boulot, dodo. L’idée n’est pas de parler de passion, mais de comment aller chercher plus d’éclat, de couleur vive. »

Le désir décomplexé

Puis, dans une troisième et ultime partie, la plus audacieuse et certainement la moins convenue à notre humble avis, la sexologue aborde enfin la fameuse question de l’« indiscipline » du désir (cet état brut, instinctif, aux pulsions parfois carrément incontrôlables), de manière à la fois bienveillante et surtout sans jugement. « On s’entend que je n’encourage pas l’infidélité, je ne souhaite cela à personne, mais les gens qui ont des maladies graves font des changements dans leur vie », avance-t-elle. De là à comparer l’infidélité à une maladie grave, il y a un pas ou une métaphore qu’elle ose allègrement. Parce qu’à nouveau, elle est éclairante. Elle s’explique : « Dans le désir, il y a un aspect pas sage, comme de l’eau qui s’infiltre et qui veut vivre, il y a une force féline, une agressivité. Or, les gens qui sont éteints enfouissent cette charge de vie. » Est-il possible de la réveiller ?

Si l’infidélité éveille parfois effectivement cette « bête » en nous (d’un côté comme de l’autre, d’ailleurs), elle n’est (heureusement) pas seule. La pornographie peut également agir à titre de déclencheur (indiscipliné), enchaîne la sexologue. « Souvent, ça aide à la masturbation, entend régulièrement en consultation Sylvie Lavallée. Oui, c’est du faux, mais c’est efficace. […] Et pour certains, ça peut aider à décoincer, à aller chercher une pulsion plus génitale, retrouver l’instinct. »

Disons que ses propos détonnent, c’est le moins qu’on puisse dire, sachant toute la mauvaise presse entourant généralement l’industrie. « Je ne suis pas sociologue, je suis psychothérapeute, rétorque-t-elle. Au-delà du ‟ce n’est pas correct”, à quoi ça sert ? Ça contribue à quoi ? »

[La pornographie], c’est un élément parmi d’autres, un outil pour appuyer la thématique de l’indiscipline. Est-ce que je me l’autorise ? Ça me procure quoi ? Est-ce que ça m’excite ? Est-ce que je peux transférer cette pulsion dans ma vie et la cultiver un peu plus ?

Sylvie Lavallée, sexologue et psychothérapeute

Elle le sait : « Je m’inscris en marge d’un discours d’objectification de la femme, concède-t-elle. Moi, je ne suis pas là. Ça ne fait pas partie de ma réalité clinique. Je ne suis pas là pour juger [sauf s’il y a dépendance, là, oui]. Mais pour entendre autre chose : et si ça pouvait servir d’appui temporaire pour ramener quelque chose ? Pour bonifier ou inspirer l’érotique ? »

Parce que le fond du problème, finalement, il est là : comment inspirer, stimuler, raviver ce « moteur », cet « élan », ce « volcan », cette « force fondamentale de la vie » ? Croyez-le ou non, il n’y a pas de secret. Assurément pas de truc. À chacun ses moyens. Un seul mot d’ordre, néanmoins : « Vous êtes responsables de votre désir, conclut Sylvie Lavallée. Il a besoin d’être cultivé, dorloté, et c’est fou l’intensité foudroyante qu’il peut ensuite apporter. C’est un Viagra naturel, un vaccin préventif contre l’infidélité… »

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Désirez-vous désirer ? L’indiscipline du désir, de Sylvie Lavallée

Désirez-vous désirer ? L’indiscipline du désir, de Sylvie Lavallée. Robert Laffont. 320 pages.