Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Geneviève*, 65 ans

Geneviève a 65 ans et le sexe, elle aime ça. Alors ne lui parlez pas de ménopause et de soi-disant perte de libido. Foutaises. Elle n’y croit tout simplement pas. Il faut dire que, dans son cas, c’est plutôt allé en croissant avec le temps.

« Moi, je crois que quand les femmes arrivent à 60 ans et qu’elles se défendent derrière la ménopause, elles n’en voulaient pas plus à 30 ou 40 », lance-t-elle, assise masquée sur un banc de centre commercial (une première, pandémie oblige !), un matin d’octobre, quelque part dans la couronne nord. « Aujourd’hui, ça leur fait mal, elles ont des chaleurs, c’est la ménopause ? À 40, ce devait être le mal de tête… »

Elle nous a écrit cet automne, en réaction au récit d’un certain Luc (lequel en a fait bondir plusieurs), un homme « résigné » en couple avec une femme ménopausée, à la libido morte et à la sexualité enterrée. Le problème est ailleurs, croit-elle. « Assumez-vous : ça ne [vous] tente plus ! », dit celle qui n’en peut plus d’entendre cette équation inversée entre âge et libido. Comme si l’un allait forcément détruire l’autre.

Pas fatalement, insiste-t-elle. Et elle peut en témoigner. Malgré son masque, Geneviève, les cheveux gris coupés court, avec son jean et ses petites bottines, est un véritable livre ouvert. Sa première fois ? « Totalement ratée ! », répond-elle spontanément. « Je me suis mariée à 20 ans, on était jeunes et innocents. Et je ne connaissais absolument rien à la sexualité. » Sa nuit de noces, elle s’en souvient encore. Pas que ça ait été mémorable. « Je ne sais même pas si ça a duré 15 minutes. Il m’a laissée en plan, sans jouissance, sans rien. » Un faux départ qui l’a salement marquée. « À partir de ce moment-là, se souvient-elle, n’importe quelle excuse était bonne pour ne pas le faire… » Comme quoi la ménopause n’a pas l’exclusivité de la « fuite », souligne-t-elle à demi-mot.

Elle ne blâme pas pour autant son partenaire.

On était jeunes. Je n’y connaissais rien. Ce n’était pas comme aujourd’hui. Tu ne pouvais pas fouiller sur l’internet. » La preuve, même côté plaisirs solitaires, c’était le néant. « Je ne savais même pas que ça pouvait se faire !

En prime, son conjoint étudiait le jour, travaillait le soir. « Ça n’aide pas aux rapprochements. » Mais, a-t-elle fini par découvrir avec les années, et trois enfants plus tard, il ne faisait pas qu’étudier. « Ou il étudiait l’anatomie ailleurs… »

Il l’a effectivement trompée « allègrement ». Le plus dur ? Pas tant l’acte (« je peux comprendre, on n’avait pas de sexualité ») que le mensonge. Pendant toutes ces années, alors qu’elle le croyait si studieux, elle se morfondait « et monsieur, lui… ».

Le « jeunot »

À 35 ans, jeune divorcée, coup de théâtre : Geneviève fait la rencontre d’un « petit jeunot », comme elle l’appelle encore (ils sont toujours en contact), un garçon de 18 ans, fils d’une bonne amie. Ils se côtoient, se voient dans des fêtes, et un jour, ils s’embrassent. « Ç’a a été le début d’une aventure qui a duré 12 ans », dit-elle les yeux brillants, une histoire qui n’a évidemment pas fait sourire sa famille, encore moins l’(ex) amie en question. « Je ne sais pas comment j’ai pu ne pas te donner un coup de poing sur la gueule », lui a-t-elle d’ailleurs déjà dit.

Si elle regrette ? Geneviève hausse les sourcils. « Pas du tout. Jamais ! » Il faut dire que l’aventure l’a littéralement transformée. Sexuellement, dès la première fois, ç’a a été « super ! ». « Avec lui, je me suis dit : OK, c’est comme ça que ça fonctionne ! Et ç’a été super ! » répète-t-elle. Pour cause : ça ne se résumait pas à « j’embarque sur toi et au bout de 15 minutes, c’est fini. Il y avait échange, découvertes, en fait, on a découvert ensemble les deux ! ».

Si ses enfants ont sourcillé ? « Jamais, jamais, jamais », assure-t-elle. Il faut dire que leur histoire a duré, ils ont même cohabité des années durant. Puis, au bout de 12 ans, donc, le « jeunot » a perdu son emploi. « Il a vraiment changé et j’ai eu l’impression d’être devenue plus une mère qu’une femme. » Et là s’est terminée leur relation.

Le veuf

À 50 ans, Geneviève se retrouve de nouveau célibataire. Elle travaille dans un service de garde, et fait la rencontre d’un père (veuf), par l’entremise d’une élève (sa fille !) dont elle s’occupe particulièrement. Elle a perdu sa mère, et elle développe avec elle un lien particulier. « Et puis, un soir, il m’invite à souper, et est arrivé ce qui devait arriver. » Et ? Rebelote : « Super ! », répond-elle les yeux brillants. Mais en mieux. « Moi, j’ai toujours upgradé, illustre-t-elle. Attends, attends, attends : OK, c’était le fun, un petit jeunot toujours au rendez-vous, mais là, je me retrouve avec un homme qui aime les femmes ! »

C’est-à-dire ? « Chaque fois qu’on a fait l’amour, c’était comme si j’étais la seule femme qui existait. […] Ça durait des heures ! » Elle renchérit : « Tout allait de soi. On se touchait au bon moment, au bon endroit. » Un rapport électrique « difficile à expliquer », donc, qui ne s’est toutefois jamais développé en relation. « Peut-être qu’il avait une forme de jalousie, à cause du lien que j’avais avec sa fille », avance-t-elle. Toujours est-il qu’ils se sont vus sporadiquement pendant 14 années de temps, entre les relations épisodiques de l’un ou de l’autre. Elle revenait à lui ? « Tout le temps », dit-elle. Et c’était bon ? « Tout le temps ! répète-t-elle. Et c’était tout le temps des heures !

C’était le genre de gars qui me disait : ‟Tu sais que tu es capable d’avoir deux ou trois orgasmes. Laisse-toi aller.” Et j’ai découvert avec lui que je pouvais être une femme fontaine. Ça le faisait capoter… » Elle devait avoir 60 ans. Alors à nouveau, pour la mort de la libido, on repassera.

« Je n’ai jamais, jamais, jamais eu de problème. Je ne peux rien dire sur la ménopause : j’ai toujours eu du désir. Et j’en ai encore ! », ajoute-t-elle.

Elle a fini par cesser de voir cet amant cet été (« ça tournait en rond », glisse-t-elle). Le sexe lui manque, certes (« c’est même pas disable ! », dit celle qui se rabat depuis sur son « ami en silicone »), mais elle ne s’apitoie pas trop sur son sort. « Moi, je suis une femme chanceuse, il y a des femmes qui ne connaîtront jamais ça de leur vie. Ma sœur n’a jamais eu de plaisir [au lit]. Moi, j’ai eu le jeunot, puis un homme qui m’a mise à l’avant-plan ! Je ne peux pas me plaindre ! » Morale ? « Parce que ça ne fonctionne pas avec un, ça ne veut pas dire que ça ne fonctionnera pas avec d’autres, conclut-elle. Moi, je n’aurais jamais pensé qu’à 65 ans, je passerais trois ou quatre heures à faire l’amour, que ça n’en finisse plus de finir ! » Sur ces sages paroles, elle nous quitte en allant se gâter à côté, dans une jolie boutique de lingerie…

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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