Parce que savoir où se situent les trompes de Fallope, combien le gland compte de terminaisons nerveuses et d’où vient le g de point G ne vous aidera pas à réussir votre « première fois », deux expertes françaises (la mère et sa fille) publient ces jours-ci Sexpérience, sorte d’encyclopédie de la sexualité, à la fois explicite, pratico-pratique et archigraphique, afin de répondre à toutes les questions que peuvent se poser les ados, et plus encore. Résumé en cinq temps.

Un « contrepoids » à la porno

Sexpérience, publié récemment chez Robert Laffont, n’est pas le genre de livre qu’on feuillette dans le métro. C’est officiel. Sur plus de 200 pages, Isabelle Filliozat, psychothérapeute de renom (Il n’y a pas de parent parfait), et Margot Fried-Filliozat (sa fille, sexothérapeute) décortiquent la sexualité — de l’histoire de nos organes génitaux à la première relation sexuelle, en passant par le consentement, le viol et l’envers du porno —, le tout en textes, images et exercices pratiques.

Exit le mystère : le texte et le propos sont ici volontairement explicites. « Parce que le détail est intéressant et notre objectif est d’être aussi intéressant qu’internet pour un jeune, dit Isabelle Filliozat en entrevue. Nous avons besoin d’un contrepoids à la pornographie. Et j’ai cette croyance que l’information libère. Plus on a d’information, plus on est libre : parce que quand on comprend son corps, on peut se l’approprier. »

Désir ne rime pas avec envie

En fin de compte, l’ouvrage souhaite accompagner le jeune lecteur (dès 13 ans) vers une « vie amoureuse riche et pleine de sens », ce que les images truquées que bombarde la porno ne font pas, faut-il rappeler. Pour ce faire, les autrices insistent sur plusieurs notions importantes, à garder ici en tête.

La première, et non la moindre : qui dit désir ne dit pas envie. Qu’on se le dise. « Le désir physique est automatique. Il suffit qu’il y ait stimulation appropriée pour qu’un garçon [ou une fille] ait une érection. Mais ça ne veut pas dire qu’on ait envie. L’envie, c’est le cœur », explique la psychothérapeute, qui déplore au passage le grand nombre d’abus provoqués par cette confusion. Dit crûment : une fille qui « mouille », cela « ne signifie absolument pas qu’elle désire faire l’amour », illustre-t-elle. Pour savoir si on a envie, encore faut-il se poser la question : ai-je envie, est-ce une bonne idée, est-ce approprié, est-ce sécuritaire, etc.

La sexualité, c’est beau

IMAGE FOURNIE PAR ROBERT LAFFONT

Sexpérience – Les réponses aux questions des ados, d’Isabelle Filliozat et Margot Fried-Filliozat

Inutile d’essayer de reproduire des mises en scène vues ailleurs, ou surtout de tenter de ressembler à « quoi que ce soit », insiste Isabelle Filliozat. Tout particulièrement la première fois : « C’est normal de ne pas savoir quoi faire, il faut se laisser aller à ressentir ce qu’on ressent à l’intérieur. » Détail intéressant : si on a tendance à croire que les organes génitaux des hommes sont actifs, et ceux des femmes, passifs, on a ici tout faux. 

Sachez-le, mesdames : « Les organes féminins ne sont pas si passifs que cela… » Et ce, à plusieurs égards. Un exemple : « C’est elle qui trie les spermatozoïdes, qui les amène jusqu’à l’ovule, dit-elle. C’est fascinant, la puissance des organes génitaux féminins », insiste celle qui planche désormais sur un second ouvrage sur la sexualité des femmes, plus mûres, cette fois.

La sexualité, ça s’apprend

Cela semble une évidence. Et pourtant. La barre est souvent haute, pour les raisons que l’on sait. « La sexualité, ça s’apprend », insiste à nouveau Isabelle Filliozat. Il est donc normal que les premières fois, on soit plus maladroit, dit-elle. « Mais ce n’est pas la première fois qui détermine la vie ! » Le secret ? Être soi-même, écouter ses sensations, sans oublier les sensations de l’autre. Pour ce faire, encore faut-il s’appuyer sur de « belles bases », enchaîne Margot Fried-Filliozat, sexothérapeute, qui insiste à son tour sur l’importance de se nourrir d’informations « justes et scientifiques, qui font du bien au cœur ».

Objectif : s’écouter, oser parler et oser aimer

Vous l’aurez compris, c’est l’objectif ici : aider le jeune lecteur à apprendre à s’écouter (et « faire la différence entre ce que je veux et l’impression que j’ai de ce que le monde veut de moi », poursuit Margot Fried-Filliozat), oser parler (et dire oui, dire non, j’aime ceci, aimes-tu cela ?), et finalement, « oser aimer » (« et prendre le risque de la vulnérabilité »). C’est parfois le travail d’une vie. Mieux vaut commencer tôt. « Et c’est pour ça que le livre est très concret : pour permettre d’arriver à ces trois choses pour, finalement, être plus heureux. » Qui dit mieux ?

Sexpérience – Les réponses aux questions des ados. D’Isabelle Filliozat et Margot Fried-Filliozat. Robert Laffont. 216 pages.