Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine :  Stéphanie*, jeune quarantaine

« Le métro-boulot-dodo, dans la quarantaine, ça tue le couple. » Stéphanie* le sait. Parce qu’elle le vit. Récit.

Elle nous a écrit à la fin de mai pour nous dresser son portrait : jeune quarantaine, professionnelle, mariée depuis 10 ans, avec jeunes enfants. Son mari ? Un homme de carrière comme elle. En apparences, donc : la belle vie. « Grosse maison, gros chalet, on voyage, résume-t-elle. Je sais que les gens autour de moi m’envient. »

Va pour les apparences. Mais la vérité ? « Depuis déjà cinq ans, voire plus, nous ne faisons presque plus l’amour. Deux ou trois relations sexuelles par année. J’étouffe. »

Assise dans un restaurant anonyme, en banlieue de Montréal, la jolie blonde a effectivement tout l’air d’une fille qui réussit. Beau veston, sac griffé, cheveux lissés, elle plonge dans le sujet sans hésiter.

Son histoire ? À 30 ans, elle a rencontré un bon gars, le bon gars, et tout naturellement, elle a foncé. « Je suis une fille assez conventionnelle, et je savais avec quel genre de gars je voulais des enfants », résume-t-elle. C’était son genre, justement : un type équilibré, intelligent, rassurant. Sexuellement ? « Eh bien, c’est ça, répond-elle en nous regardant droit dans les yeux. C’était correct. Sexuellement correct. Mais ça n’a jamais été canon en partant. » Avec le recul, elle croit aussi que c’est là qu’elle a gaffé. « Parce que si c’est comme ça dans la trentaine, ça ne peut qu’empirer avec les enfants… »

Au lit comme dans la vie, la routine l’a effectivement rapidement emporté. « Je viens, tu viens, tout le monde est heureux… »

C’est un peu comme un devoir : check, comme l’épicerie. Et puis, ça s’est aussi espacé dans le temps…

Stéphanie, début quarantaine

Au moment de notre rencontre, au début de juin, le couple ne s’était pas touché depuis deux, voire trois mois. Stéphanie ne s’en souvenait même pas.

Bien sûr, elle a essayé d’en parler, assure-t-elle. « Ça n’a pas de bon sens, un fossé se crée. » Mais monsieur, de son côté, a toujours fait de l’« évitement ». Bref, non, ils ne se sont jamais attaqués à la question de front.

Toujours est-il qu’un soir, en mal de toucher, de contact humain, en manque, quoi, elle en « a eu marre », enchaîne Stéphanie. C’est là qu’elle a plongé et s’est inscrite sur un site : un site de rencontres « extraconjugales ». En cinq minutes chrono, son profil était actif. Et les messages affluaient. « Je te jure, c’est fou ! »

C’est fou et ça fait surtout un bien fou, ajoute-t-elle. « Parce que début quarantaine, tu te poses des questions : est-ce que je suis encore belle ? Est-ce que je pogne encore ? Quand ça fait des années que t’as une couette sur la tête, tu ne te rends pas compte si t’as encore du sex-appeal… »

Elle échange quelques messages avec un homme au profil particulièrement attrayant, et ils prennent sans tarder rendez-vous pour un verre. « J’ai menti à mon conjoint et paf, je suis partie. Et ç’a été quasiment un coup de foudre… » Une deuxième rencontre plus tard, ils étaient à l’hôtel. « Ç’a été une baise torride. Comme un scénario de film, dans le mur, on est venus en même temps, le premier soir. Wow. Le genre d’affaire pour laquelle tu rushes tellement en couple… »

Ils se sont fréquentés comme ça un an, à coup de rencontres furtives toutes les deux semaines. Les premiers mois, Stéphanie s’est sentie revivre. Littéralement : « tu voles ». Puis, au bout de quelque temps, « la culpabilité embarque »…

Si elle a pensé à quitter son mari ? Oui, répond-elle, sans hésiter. « Mais rapidement, on a vu que c’était trop compliqué. Les enfants, la famille, tout briser ? Pour, dans trois ans, risquer de se retrouver au même point ? »

Parce qu’on le savait,  on se voyait dans un cadre idyllique : sans enfant, sans quotidien, sans machine à laver ou porte de garage brisée…

Stéphanie

Quand ils se sont laissés, Stéphanie a plongé dans une profonde tristesse. « J’étais comme un zombie chez nous. » À tel point qu’elle a fini par se confier. À qui ? À son mari. « J’ai eu besoin de me libérer, avoue- t-elle. Alors je lui ai dit que j’avais rencontré quelqu’un, que ça m’avait bouleversée, mais que ça n’avait pas duré… » Résultat ? « Un brouhaha. » Vous l’aurez deviné, depuis, monsieur a fait des efforts pour se rapprocher. Il fait les lunchs. Il l’a emmenée en week-end. Mais en vain. « Tu sais, quand tu le sens plus… », confie Stéphanie, d’un air tristement entendu.

Sans tarder, elle est d’ailleurs retournée sur son fameux site. Et même si elle se sent moche (« cheap »), elle a multiplié les rencontres d’un soir. « C’est un besoin de base : aimer, être aimé », répète-t-elle. Étrangement, chaque fois, elle est tombée sur des professionnels, comme elle, des hommes mariés, comme elle, avec enfants, mais sans sexualité, comme elle, encore. « Ils vont voir ailleurs pour combler un besoin, mais ne veulent pas se séparer nécessairement. » Parce que c’est compliqué. Parce qu’ils ont peur. « Comme moi », laisse-t-elle tomber.

Stéphanie ne nie rien. « J’ai saboté mon couple », confirme- t-elle. Mais avait-elle le choix ? « On n’a pas tant de choix : on se sépare et on va dans l’inconnu ? On reste dans le statu quo ? Un jour, les enfants vont partir, et on va se retrouver devant quoi ? » Elle n’a pas de réponse. 

« Ton histoire n’est pas obligée d’avoir un happy ending, conclut-elle. C’est juste un fait :  il n’y a pas de solution. Pas de réponse… » Une certitude, peut-être : « C’est hyper classique. Et ça touche, j’en suis sûre, plein de gens. »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat