Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Nathalie*, 48 ans

Nathalie a 48 ans. Une vie occupée. Des responsabilités. Et, à l’occasion, des amants. Parfois célibataires, parfois mariés. Mais attention : toutes les maîtresses ne sont pas des voleuses de maris, nuance-t-elle. Explications.

Elle nous a écrit il y a quelques semaines, en réaction à un témoignage touchant (troublant) d’une femme « trompée », à répétition du surcroît. Une femme trahie. Meurtrie. Le texte l’a touchée à plusieurs égards, notamment parce qu’elle est de l’autre côté du miroir, comme on dit. « J’ai été de l’autre côté, celui de la maîtresse… Disons que j’ai une vision complémentaire de l’histoire. »

La blonde quadragénaire aux lunettes noires nous attend donc dans un petit coin à l’écart d’un grand restaurant vide, aux Galeries d’Anjou. On devine, à sa discrétion, qu’elle ne crie pas son histoire sur tous les toits. Cela dit, une fois les salutations d’usage terminées, elle ne se fait pas prier pour se confier. Cela fait des semaines qu’elle attend ce moment, après tout.

Finis les chums

Elle nous raconte ici son mariage (20 ans avec le père de ses enfants), sa relation (un « partenariat », qualifie-t-elle), sa sexualité : « Avec les enfants, l’école, la job, tout le kit, mettons que le sexe n’était pas la priorité numéro un… »

Pour toutes sortes de raisons (disons qu’elle avait « besoin d’air »), elle a fini par se séparer. « Je n’avais plus le goût d’être avec lui. Donc plus le goût de faire l’amour… »

Célibataire, elle a pris un an pour se retrouver. « Pour m’occuper de moi : j’ai peint, j’ai fait du yoga, je me suis refait une santé. » Et c’est après cette pause qu’elle a décidé qu’elle était prête à fréquenter des hommes, mais pas à s’embarquer dans une relation. « Je ne me cherchais pas un chum », résume-t-elle. Pas question de faire des soupers tous les soirs ou d’avoir des projets assurés les week-ends. Finis les « partenariats », quoi. « Alors je me suis tournée vers les sites de rencontre pour les hommes mariés… »

A-t-elle des remords ? Aucun. « Ce sont eux qui m’ont approchée. Alors non, je n’ai pas eu de cas de conscience. Ce sont des grands garçons. Capables de gérer leurs affaires », tranche-t-elle. En 10 ans, elle ne compte plus le nombre de rencontres (d’un soir ou plus), à raison d’une ou deux fois par semaine. « Beaucoup », résume-t-elle pudiquement. Dix, vingt, trente ? « Probablement beaucoup plus », dit-elle en rougissant. Du lot, elle a entretenu des « relations plus durables » sur des semaines, des mois, voire des années, avec une dizaine d’entre eux. Certains sont carrément devenus des amis.

Au début, j’étais très, très craintive. Je n’avais jamais fait ça. Je n’avais jamais été sur un site de rencontre. Jamais couché, à part une fois, avec quelqu’un d’autre que mon mari…

Nathalie, 48 ans

Elle s’est toutefois vite « dégênée ». Après un café, si ça cliquait, ils poursuivaient à l’hôtel. Là, elle a vécu quantité d’aventures. Intenses, variées, et surtout décomplexées. « Il n’y a pas grand-chose que je n’ai pas exploré… » Il faut dire qu’après s’être ennuyée des années à travers une sexualité plutôt « vanille » avec son mari, ici, elle a osé les trios, l’échangisme, même les soirées BDSM (« ce n’est tellement pas moi », pouffe-t-elle). « Mais je ne regrette absolument rien. »

Mais on s’éloigne du sujet. Parce que si Nathalie en aurait certes long à raconter sur l’échangisme, par exemple (« un milieu tellement respectueux »), ce n’est pas pour cela qu’elle nous a conviée. Non. Ici, aujourd’hui, elle a voulu nous parler des hommes mariés : de ce qu’ils recherchent. Et puis surtout de ce qu’ils trouvent.

Le manque

« Je me suis rendu compte que les hommes mariés, reprend-elle, il leur manque quelque chose dans leur vie de couple… » Plusieurs n’ont plus de sexualité (« je vois qu’ils vivent sensiblement la même chose que mon ex… »), aimeraient explorer, n’osent pas forcément l’exprimer, et ne comprennent pas pourquoi leur femme, elle, ne veut pas. Ou plus.

Parenthèse : Nathalie, à l’inverse, se dit, et se montre, plutôt ouverte. « Moi, je ne juge pas : j’ai eu des amants bi, j’ai fait des trios, des gang bang, etc. » Fermeture de la parenthèse.

« Certains, je sens qu’ils ont un partenariat, comme moi j’avais. Mais du point de vue du couple, je ne suis pas sûre qu’il reste grand-chose… »

Si elle a tenu ici à témoigner, donc, c’est pour remettre les pendules à l’heure. Cette pendule, précisément : les femmes trompées ne sont pas que des « victimes », insiste-t-elle. « Il y a un manque de communication qui peut venir de l’un ou l’autre. Mais je crois sincèrement que si tu es bien dans ton couple, qu’il y a des échanges, tu ne seras pas porté à aller voir ailleurs. Parce que tu vas être capable de discuter ! »

Elle insiste, en connaissance de cause : « Un partenariat, ça n’est pas une relation. Il manque le côté sexuel. »

Le pattern familial, la façon dont une relation devrait se passer, le moule bourgeois, j’ai l’impression que les gens sont encore pris là-dedans…

Nathalie

Et elle, trouve-t-elle son compte à travers tout cela ? Oui, répond-elle. Pour trois raisons : elle n’a pas d’attache, elle a exploré à souhait, et…. « la nature humaine [la] fascine ! ».

N’empêche. Un bémol. « À travers toutes ces expériences, dit-elle, changeant tout à coup de ton, j’ai l’impression d’être la fille avec qui tu couches, mais que tu ne présenteras pas à tes enfants… » Et, oui, c’est blessant. Pas parce qu’elle aimerait rencontrer les enfants (du tout, se défend-elle), mais parce qu’elle en a assez d’être toujours ce « deuxième violon… »

« Oui, ça me fatigue… »

Elle vient d’ailleurs de rencontrer un homme, célibataire cette fois. Mais elle ne s’épanche pas sur son sujet. « Non, les maîtresses ne sont pas juste des méchantes qui vont voler les maris, reprend-elle. Dans mon cas, je n’en veux pas ! » Cela dit, à sa manière, elle les a tous aimés, tient-elle à préciser. « Oui, j’ai été amoureuse de tous ces hommes-là, dit-elle en souriant. Mais aimer, pour moi, ce n’est pas s’accrocher… »

*Prénom fictif, pour protéger son anonymat