La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Julie*, 42 ans.

Julie* revit. Après avoir été mariée 20 ans avec un homme contrôlant et peu excitant au lit, elle découvre aujourd’hui les plaisirs coquins et insoupçonnés d’une vie pleine de « fantaisie ». Pensez jouets, fouets, échangisme. Récit.

« J’ai pas l’air de ça, hein ? » Les cheveux blonds coupés court, une petite veste en jean cintrée, les yeux clairs et pétillants, la jeune femme assise devant nous a l’air de la classique fille d’à côté. Elle n’a l’air de rien. Elle a l’air de tout. Chose certaine, elle ne fait pas, mais pas du tout, ses 42 ans, mais ressemble plutôt à une gamine qui vient de faire un mauvais coup. Et qui est tout énervée à l’idée de se raconter.

C’est qu’elle vit tout un revirement. Pendant près de 20 ans, et tout particulièrement les 5 dernières années, elle a eu une relation sans « frissons », dit-elle. Au lit ? « Il n’y avait pas d’effet wow, c’était tout le temps la même affaire, dans la même séquence, rien de pétillant. » Satisfaisant ? « Moyen. » C’est qu’en prime, monsieur était archi-contrôlant. Exemple ? Pas question qu’elle ait une auto. « Mais j’habite sur la Rive-Sud ! » Bref, toujours est-il qu’un beau jour, elle a cliqué (« OK, c’est assez… »), puis l’a quitté.

Pendant 18 mois, Julie s’est ensuite posée. Aucun intérêt à rencontrer qui que ce soit. Elle avait plutôt besoin de se retrouver. Puis un soir, à une fête d’enfants, elle croise un homme, le père d’un ami de son garçon. Leur rencontre est électrique. Ils passent l’été ensemble et cette aventure est pour Julie une véritable révélation. « Il cherchait beaucoup l’intensité, résume-t-elle. Et ç’a tout de suite été très intense. Il m’a amenée ailleurs. » Elle qui n’avait connu, en matière d’« intensité », que quelques fugaces claques sur les fesses, a découvert ici les joies de se faire bander les yeux et attacher. Il débarquait parfois au beau milieu de la nuit pour « baiser » : « Cet homme m’a réveillée… »

« Il m’a fait découvrir la femme, le fait d’être désirée, de désirer quelqu’un et, comment dire… J’aime ça ! Tsé, j’aime vraiment ça ! »

Un jour, il l’a emmenée dans une boutique érotique à Montréal (« un Toys R’ Us pour adultes avertis ») où Julie, les yeux pétillants, confie avoir découvert tout un univers : les menottes, les cravaches, bref, un monde de belles « bébelles ». Elle y est ensuite retournée seule pour le surprendre en s’achetant des sous-vêtements coquins. Et c’est là qu’elle a fait la rencontre du propriétaire (« un homme hypersexuel, il sent le sexe, c’est écœurant… »). Ce dernier a flairé en elle une curiosité inassouvie. Dans son arrière-boutique, en plein jour et avec son consentement au cube, il lui a proposé de « découvrir des choses ». Quoi ? Elle raconte avec un plaisir manifeste : « Il m’a bandé les yeux, attaché les mains dans le dos, et moi, je frétillais déjà. Ça m’allumait ! » Précision : il n’y a eu ici aucun contact physique entre eux. Zéro. « Pantoute. Il n’a jamais mis les mains sur moi ! » Il lui a plutôt tout simplement fait écouter le son du cuir qui claque, glissé une plume dans le dos, alterné entre le chaud et le froid sur sa peau, etc. « Il a dit : dans ce jeu — parce que c’est un jeu —, il faut jouer avec les sensations, résume-t-elle. Et c’est là que j’ai réalisé à quel point, ayoye, ton corps peut jouer… »

La nouvelle vie de Julie

Sa vie n’est plus tout à fait la même depuis. Si sa relation avec cet amoureux « intense » n’a pas duré, le désir de Julie de revivre ce genre de frissons, si. « Ayoye, est-ce que je vais retrouver ça ? s’est-elle demandé. C’est pas commun : les cravaches, être ligotée, tu demandes pas ça sur Tinder ! »

Et pourtant, si. Trois mois plus tard, Julie a rencontré un homme en qui elle a senti d’emblée cette même « intensité ». « Je l’ai senti dans ses yeux, dit-elle. Il y a eu un déclic. » Un an et demi plus tard, ils ne se lâchent plus.

Tranquillement, Julie l’a initié à son nouvel univers. Elle l’a invité dans sa fameuse boutique, où le même fameux propriétaire leur a encore « montré des affaires ». À une nuance près : cette fois en s’adressant plutôt à son nouveau Roméo. « Tu me permets d’attacher ta blonde ? » « On est partis de là hyper allumés, se souvient-elle. Il capote, il trippe, il découvre tout ça et en même temps, on s’aime beaucoup, encore plus fort ! »

Depuis, ils « gravitent » là-dedans quand ils ont le temps (entre leurs gardes partagées et boulots respectifs). « Il y a un monde infini de possibles, on joue beaucoup à deux, s’émerveille-t-elle. À s’attacher, à se donner des frissons, à jouer entre le chaud et le froid, ça dure des heures. Et on finit tout le temps par faire l’amour, toujours, toujours. Après, on peut rester collés une heure, deux heures ! » Elle rayonne.

« À un moment donné, on dirait que ton esprit se dissocie de ton corps. Comme si c’était si puissant, tu tombes dans un abandon total, c’est assez fort… »

Ce n’est pas tout. Depuis quelques mois, ils essayent aussi l’échangisme. Si la première expérience a été un échec total (« voir mon chum se faire faire une pipe par une autre… »), petit à petit, à force de discussions et de transparence, Julie a fini par y trouver son compte. Ils fréquentent désormais régulièrement un autre couple, trouvé sur un site. Verdict ? « Ça prend beaucoup de complicité, du respect dans le couple. Ça prend vraiment ça pour être capable de l’apprécier et vibrer, dit-elle. Et nous, on se dit tout. » Et à voir ses yeux pers briller, on comprend que, effectivement, elle vibre solide.

Ils sont loin, ses week-ends passés à faire l’épicerie, le ménage et le lavage pour sa petite maisonnée. « Aujourd’hui, je privilégie les sorties au panier de linge, dit-elle, pas peu fière. Bref, je me permets d’aller dans le plaisir : le plaisir dans la vie. Et le plaisir au lit. »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat