Connu des jeunes pour sa série de romans Bine, Daniel Brouillette lance un guide sur l’adolescence, la puberté et la sexualité chez les gars. Après avoir consulté une médecin, une infirmière clinicienne et une enseignante, l’auteur ose informer (sur l’hygiène, les poils, l’érection, la pornographie, l’alcool, le suicide, etc.) tout en étant comique et irrévérencieux. Entrevue à propos de La masturbation ne rend pas sourd !, publié aux Éditions les malins.

L’éducation à la sexualité est de retour dans les écoles québécoises. Ce n’est pas suffisant ?

Je propose un complément. Je ne pense pas que mon livre remplace ces cours ni que ce soit 1000 fois mieux. J’ai un contact privilégié avec les jeunes, depuis nombre d’années. Dans le livre, je parle de mon vécu. Je suis un peu comme un grand frère, qui t’explique ce qui va se passer.

Les cours de sexualité sont bien faits : j’ai vu les contenus pour chaque niveau, et ça va quand même assez loin. Mais dans les écoles, la plupart des profs que je connais remettent ça au plus tard possible dans l’année…

Vous écrivez qu’à 13 ans, l’espèce de cicatrice entre votre scrotum et votre anus vous inquiétait [cette couture est normale, elle s’appelle le raphé périnéal et se forme quand deux tissus se rejoignent, lors du développement du fœtus, apprend-on dans La masturbation ne rend pas sourd !]. Vous aviez peur d’avoir déjà eu une vulve, qui aurait été recousue. On imagine mal un jeune poser une question à ce sujet en classe ?

C’est clair. C’est extrêmement gênant. J’étais vraiment inquiet, quand j’étais jeune. J’avais la certitude que j’avais été recousu à mon insu. On se pose des questions nounounes, à cet âge-là.

Il est difficile de trouver les réponses à ses questions, quand on est ado. Aujourd’hui, on peut chercher sur l’internet, mais sur quoi va-t-on tomber ?

On a l’impression qu’en 2019, les jeunes sont beaucoup plus renseignés que nous au même âge, mais non. Ils ont plus accès à la pornographie, mais ils se posent pas mal les mêmes questions. Une prof m’a dit récemment : « La moitié de mes élèves pensaient que les filles faisaient pipi par le vagin. » [L’urine sort plutôt de l’urètre, un conduit situé en avant du vagin.] On ne savait pas ça, dans les années 80, et ils ne le savent pas plus aujourd’hui.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La masturbation ne rend pas sourd !, de Daniel Brouillette

Vous montrez avec humour qu’une fille qui reçoit une photo de pénis ne se dit pas : « Wow ! », mais plutôt : « Yark, y’est donc ben con ! » C’est utile de le préciser ?

Oui. Nous, on n’a pas connu l’époque des sextos, mais c’est incroyable. C’est extrêmement commun, d’envoyer des photos de soi. Ce n’est pas nécessairement la photo de son pénis : des fois, c’est juste le gars en culotte. C’est typique de cette génération. Les jeunes ne s’aperçoivent pas à quel point ça peut être dangereux. Ils pensent que ça va rester secret. Au contraire, ça vient ensuite les hanter. Dans les écoles secondaires, ils en parlent énormément.

Il y a aussi des côtés le fun aux réseaux sociaux. Moi, en secondaire 3, si je tripais sur une fille, il fallait que je lui écrive une lettre et que je la lui remette en mains propres ou que j’aille lui parler. J’aurais aimé ça, lui envoyer un petit texto ou un courriel. Ç’aurait été tellement moins gênant. Ils sont chanceux.

Dans vos visites des écoles, vous remarquez que les jeunes commencent à sentir mauvais en 6e année du primaire ?

Oui. Quand arrivent mai et juin, il y a une couple de garçons qui commencent leur puberté, et ça sent le « swing » !

Message aux parents : achetez du déodorant. Et message aux jeunes : mettez-en ?

Oui, c’est un message aux parents : le printemps est arrivé, c’est l’heure de sortir l’Old Spice !

La masturbation ne rend pas sourd ! Daniel Brouillette. Éditions les malins. 240 pages.