Avoir un chum ou une blonde à 16, 17 ou 18 ans peut sembler anecdotique. De l’adolescence jusqu’à l’émergence de l’âge adulte, le cheminement amoureux peut pourtant être classé en cinq catégories, selon la psychologue et chercheuse postdoctorale Stéphanie Boisvert, qui en a fait l’objet de sa thèse. Surprise : des facteurs observés dès la fin du primaire sont liés à cette vie amoureuse future.

Stéphanie Boisvert s’est basée sur une étude longitudinale (le projet Transition du laboratoire de François Poulin, à l’UQAM) amorcée en 2001, auprès de 390 élèves de 6e année dans des écoles francophones du Québec. Ces jeunes, qui avaient 12 ans au départ, sont toujours suivis – ils fêtent cette année leurs 30 ans. Comme… la chercheuse elle-même. « Une chance que je ne fais pas partie de la cohorte, observe en riant Stéphanie Boisvert, parce que sinon j’aurais été en conflit d’intérêts. »

Cinq chemins

Alors qu’ils avaient de 16 à 24 ans, ces jeunes ont déclaré le nombre de partenaires fréquentés annuellement. À partir de ces données, la chercheuse a établi cinq cheminements amoureux : 

• 1. Les tardifs (11,7 %)

« Ils entrent plus tard dans la sphère amoureuse que les autres et ont moins de partenaires », explique Stéphanie Boisvert.

• 2. Les sporadiques (21 %)

Ils ont un faible nombre de partenaires amoureux et ne sont pas continuellement en couple. « Ils ont des années “off” », vulgarise la chercheuse.

• 3. Les longs termes (48,4 %)

Ils ont une implication amoureuse élevée et un faible nombre de partenaires différents.

• 4. Les fréquents (14,6 %)

Eux aussi sont constamment en relation, mais en changeant plus souvent de partenaires.

• 5. Les intenses (4,3 %)

Comme leur nom l’indique, ils sont souvent en relation, avec un nombre encore plus élevé de partenaires.

Caractéristiques à 12 ans

Qu’est-ce qui mène à ces divers « patrons amoureux » ? Pour trouver des pistes, les relations avec la famille et avec les pairs à 12 ans ont été scrutées. « C’est super intéressant, indique Stéphanie Boisvert. Les tardifs étaient, à 12 ans, des jeunes moins appréciés par leurs pairs, plus retirés socialement, qui se sentaient moins capables d’intimité et qui avaient moins d’amitiés avec des jeunes du sexe opposé. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La psychologue et chercheuse postdoctorale Stéphanie Boisvert a découvert que des facteurs observés chez les jeunes dès la fin du primaire sont liés à la vie amoureuse qu’ils auront à l’âge adulte.

À l’autre extrémité du continuum amoureux, les intenses se distinguaient à 12 ans par un nombre plus élevé de conflits avec leurs parents et par des expériences positives avec leurs pairs. « Quand on a des conflits avec ses parents, on a peut-être des habiletés moins favorables en gestion de conflits », observe la chercheuse. Or, si on manie moins bien les chicanes en couple, on met plus souvent fin aux relations… et on change plus souvent de copain ou de copine.

Incidences à 25 ans

Qu’en est-il à 25 ans ? Est-ce que les jeunes qualifiés d’amoureux à long terme (48,4 % des jeunes, quand même) sont avancés dans la vie adulte ? Oui. « Ils ont peu tendance à être encore aux études (seuls 24 % le sont toujours) et ils ont toujours tendance à être en relation amoureuse (80 %) », analyse Stéphanie Boisvert.

Mais sur le plan de l’engagement et de la qualité de leurs relations amoureuses, il n’y a aucune différence avec les autres groupes.

« C’est intéressant à souligner : ce n’est pas parce qu’on a vécu un cheminement amoureux qui allait moins bien entre 16 et 24 ans qu’on va avoir une relation de moins grande qualité à 25 ans ou qu’on va se sentir moins engagé. »

Eh oui, les choses peuvent finir par se placer…

Les tardifs sont toujours un peu plus lents, à 25 ans. Seuls 42 % d’entre eux vivent avec leur partenaire, contre 80 % chez les « longs termes ». Quant aux intenses, ils se distinguent en étant parents pour 50 % d’entre eux. « Avoir plusieurs partenaires amoureux a peut-être généré plus de risques », suppute Stéphanie Boisvert. Si 83 % des intenses sont en couple à 25 ans, la durée de cette relation est la plus courte (18 mois) de la cohorte.

Le conseil de la chercheuse à la lumière des résultats ? Pour favoriser les relations saines tant en amour qu’ailleurs, elle estime que davantage d’entraînement à la gestion de conflits devrait être offert dans les écoles. « On enseigne des notions de gestion de conflits, mais il faudrait les pratiquer », conseille-t-elle.