L’application audio Dipsea veut révolutionner l’érotisme adressé aux femmes. Pour elles, le plus souvent, c’est l’histoire qui compte dans la porno. Et le contenu érotique à saveur réaliste de Dipsea souhaite les satisfaire. 

Dans nos écouteurs, la narratrice, Laura, raconte son expérience dans un nouveau cours de yoga. L’instructeur, Marc, lui plaît. Elle est envoûtée, dit-elle. On entend le déroulement du cours, leurs conversations. Du bruitage traduit les scènes. Un jour de tempête, ils se retrouvent seuls au studio… Et ce qui devait arriver arrive. La narratrice décrit, en détail, leurs ébats. 

L’histoire d’une quinzaine de minutes, intitulée Hot Vinyasa I (trois autres « épisodes » suivent), peut être écoutée sur l’application Dipsea. La plateforme propose du contenu érotique à écouter sur son téléphone. 

Pour 5,25 $ par mois (avec un abonnement annuel), Dipsea permet de naviguer à travers une centaine de « courtes histoires sexy », des fichiers balados pornos classés dans une dizaine de catégories. Queer, hétéro, elle et lui, elle et elle, lui et lui, elle et elle et lui, groupes, couples, ex et amis, BDSM, vacances… Certaines histoires, comme celle de la yogi et de son instructeur, ont plusieurs volets.

Les conventions de la pornographie ne sont pas les mêmes avec Dipsea. Plutôt que des images sans équivoque, les balados veulent jouer avec l’imagination de l’auditeur. Pas de scénario rapide avant que les protagonistes ne se sautent dessus. Ni de mise en scène exagérée. C’est de la fiction, mais on se colle à la réalité.

PHOTO FOURNIE PAR L’ENTREPRISE

Les fondatrices de Dipsea, Gina Gutierrez et Faye Keegan

Par des femmes, pour des femmes

Les créatrices de l’application audio, Gina Gutierrez et Faye Keegan, avaient un public bien précis en tête en fondant leur plateforme : les femmes milléniales.

Tout ce que nous faisons, c’est en pensant aux femmes. La recherche montre que les hommes préfèrent les images graphiques, tandis que les femmes préfèrent les histoires érotiques.

Gina Gutierrez, cofondatrice de Dipsea

Elle cite une phrase de la psychothérapeute belge Esther Perel : « Le sexe, ce n’est pas ce que tu peux me faire, mais où tu peux me mener. »

Dipsea guide les auditeurs dans des histoires. Ils sont voyeurs (à qui on raconte une histoire) ou eux-mêmes placés dans la peau d’un personnage.

« Nous portons attention aux détails qui importent [aux femmes] : du consentement qui ne tue pas le mood au sexe toujours protégé entre des inconnus, jusqu’à la diversité ethnique, sans qu’elle soit forcée », souligne Gina Gutierrez.

Les balados peuvent être écoutés seul ou en couple. Ils peuvent servir à faire monter l’excitation. Ou simplement être écoutés durant la masturbation.

Répondre à ses besoins

Dipsea, c’est d’abord l’histoire de deux femmes qui se sont rendu compte qu’il leur manquait quelque chose en matière de porno. L’idée a germé de discussions entre les amies Gutierrez et Keegan. « [Nous] étions fascinées par l’idée que la sexualité est aussi psychologique que physique », explique Gina Guttierez.

Lorsqu’est arrivée l’application Headspace — une plateforme à la mode qui offre des exercices de méditation sous forme de courts balados —, « la conversation qu’on avait est passée de “Pourquoi n’y a-t-il pas de très bon contenu sexy pour les femmes ?” à “Pourquoi ce contenu ne serait-il pas audio ?” ». Plus encore, elles se sont demandé : « Pourquoi personne ne l’a encore fait ? »

Gina et Faye ont décidé de créer elles-mêmes ce quelque chose qui leur manquait. Sans avoir de connaissances en matière de production audio (Faye était directrice de produits, Gina, stratège en marque et design), elles ont joué le tout pour le tout. Est alors née Dipsea, lancée en décembre dernier.

Pour mieux rejoindre son public cible, le duo s’est entouré de créateurs, d’éditeurs, de narrateurs et de producteurs. Des écrivains pigistes fournissent régulièrement tout un éventail d’histoires, parfois inspirées de vraies expériences.

L’équipe de Dipsea porte une attention particulière à retranscrire le monde réel, les « vrais gens », dans son contenu. Pour « l’empowerment » des femmes en termes de sexualité, avant tout, dit Gina Gutierrez.

Dipsea veut mettre la sexualité au même niveau que la méditation et l’exercice, lorsqu’il est question de vivre une vie heureuse et en santé. En portant la conversation [sur le plaisir sexuel] sur la place publique, nous aidons les auditeurs à cultiver leur amour-propre, leur confiance en eux et une meilleure compréhension de leurs intérêts et désirs.

Gina Gutierrez, cofondatrice de Dipsea

Miser sur le look

Dipsea n’est pas la première à proposer du contenu audio érotique. Mais la plupart de ce qui était offert avant son arrivée était fait maison. Des gens s’enregistrent, souvent dans des situations réelles, et partagent ces enregistrements. « Ça peut être très sexy d’entendre le vrai plaisir d’une vraie personne, note Gina Gutierrez. Mais ça veut aussi dire que la qualité de production est moins bonne et que les histoires, s’il y en a, sont basiques. »

De plus, rien n’est classé. Pas d’étagères numériques, comme Dipsea le propose. Difficile de trouver ce que l’on cherche. « Cela force à écouter du contenu qu’on ne veut pas entendre ou qui peut nous rendre inconfortable, dans la recherche de quelque chose qu’on aime vraiment », soulève Mme Gutierrez. Sous chaque titre et image, on trouve même de petites flammes, attribuées par le vote des auditeurs, selon le niveau d’érotisme.

À l’image des applications de bien-être de plus en plus populaires (Headspace, Clue, My Possible Self), Dipsea mise beaucoup sur son look. Ce que souhaitent les créatrices, c’est que les utilisateurs (les utilisatrices, surtout) ne soient jamais embarrassés d’avoir sur l’écran d’accueil de leurs téléphones une application érotique.

>>> Consultez le site de Dipsea (en anglais)