Depuis sa légalisation, les adeptes lui trouvent toutes sortes de vertus : baisse du stress, réduction de l’anxiété, amélioration du sommeil. Et si le cannabis pouvait en prime pimenter la sexualité ? C’est du moins ce que les premières études sur la question semblent pour l’instant confirmer, notamment chez les femmes. Mais attention : avant de vous en rouler un bon, lisez ce qui suit. Le point, en quatre temps.

Fumer pour « connecter »

« En prenant du cannabis, je sais que je vais connecter avec mon chum. C’est physique et mental. » Karine Cyr a deux jeunes enfants. Un boulot. Un chum. Elle ne le cache pas : « Après les enfants, tu n’as plus vraiment le temps d’avoir des relations sexuelles. Tu es fatiguée, tu te lèves la nuit. Tu es tout le temps collée sur les enfants… » Bref, quand vient le temps de se retrouver dans l’intimité, bien franchement, elle rêve souvent davantage d’« air » que de se « coller encore… ». « La sexualité demande un effort d’organisation. Il faut que tu crées les occasions », résume la jeune femme, qui donnera une conférence sur le sujet, samedi, dans le cadre du Festivulve. Or grâce au cannabis (qu’elle a par ailleurs commencé à consommer récemment, pour des soucis d’insomnie), elle a constaté que la connexion est désormais quasi instantanée. « Je sais que je vais être dans le moment présent, avec mon chum, que je ne vais pas penser au rendez-vous chez le dentiste des enfants ni au travail. Je sais que je vais avoir le goût de connecter. » Si elle concède que le sujet demeure tabou, et que l’effet n’est probablement pas universel, elle milite néanmoins pour un partage de cette bienheureuse découverte. « Est-ce qu’on peut le dire que, pour certaines personnes, ça marche ? Pourquoi pas essayer ? », se demande celle qui est aussi fondatrice de la communauté virtuelle Des fleurs ma chère. Non, concède-t-elle, le cannabis ne va pas sauver ici des vies. « Mais peut-être des familles… »

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Karine Cyr, fondatrice de la communauté virtuelle Des fleurs ma chère

Deux études prometteuses

Pour des raisons évidentes, très peu d’études se sont à ce jour penchées sur cette question. Deux d’entre elles ont néanmoins déjà fait grand bruit. La première, publiée l’automne dernier dans le Journal of Sexual Medicine et réalisée par le département de médecine de l’Université Stanford, a révélé que les consommateurs de cannabis avaient une vie sexuelle par ailleurs plus active que la moyenne. En analysant les réponses de pas moins de 50 000 Américains âgés de 25 à 45 ans, les chercheurs ont constaté que les fumeurs réguliers avaient pas moins de 20 % plus de rapports sexuels que les autres. Tout en précisant qu’il ne s’agit pas (encore) d’une conclusion de cause à effet (les fumeurs sont peut-être tout simplement davantage portés sur la chose), les chercheurs ont noté que cette tendance s’observait « pour les deux sexes, toutes origines, tous âges, niveaux d’éducation, salaires […] confondus ». La deuxième étude, réalisée celle-là par la faculté de médecine de l’Université Saint Louis et rendue publique l’hiver dernier, s’est intéressée plus précisément aux femmes, à leur consommation et à leur satisfaction sexuelle. Et les résultats sont sans équivoque. Sur 373 participantes, les femmes qui ont rapporté avoir consommé avant de s’adonner à des activités sexuelles (34 %) ont noté une augmentation de leur libido, des douleurs moindres à la pénétration, et surtout des orgasmes plus satisfaisants. Pas à peu près : les fumeuses régulières sont carrément 2,10 fois plus susceptibles de se dire sexuellement satisfaites que les autres. Pourquoi ? Si l’effet du cannabis n’est pas parfaitement clair, les chercheurs avancent quelques hypothèses : l’effet (possible) sur le stress et l’anxiété (deux tue-l’amour notoires), sans oublier l’effet (possible) du cannabis en matière d’augmentation des sensations (tout aussi notoire).

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Avec la légalisation du cannabis, les études sur ses effets
sur la sexualité devraient abonder dans les prochaines années, estime la sexologue Renée Lanctôt.

Microdoses suggérées

« Beaucoup de femmes ont de la difficulté à déconnecter de leur journée, à relaxer et à être prêtes à recevoir », analyse la sexologue et coach sexuelle Renée Lanctôt, de Vancouver. Si, avant la légalisation, elle recommandait pour ce faire à ses patientes de se faire couler un bain, d’allumer des chandelles ou de boire un verre de vin, elle se félicite d’avoir désormais « un autre élément à suggérer ». À savoir : le cannabis, dit cette fervente « militante du cannabis pour la sexualité des femmes ». Évidemment, plusieurs femmes ont peur du fameux high associé à la consommation. D’où l’importance de commencer par des « microdoses », suggère-t-elle, d’essayer différents produits, afin de trouver celui qui nous convient (typiquement : des produits avec plus de CBD, moins de THC, selon le niveau d’anxiété des personnes concernées). « Si tu ne prends pas le bon pot, tu vas passer à côté de ce que tu veux… » Morale : « Je suggère d’y aller petit à petit, avec une tête sur les épaules. » La sexologue est d’ailleurs convaincue qu’avec la légalisation, les études sur le sujet devraient abonder dans les prochaines années.

Avec modération

De son côté, le sexologue montréalais Vincent Quesnel se montre plus prudent. Si les résultats des études citées ci-haut sont certes « spectaculaires » et franchement prometteurs, notamment pour les femmes qui souffrent de douleurs vaginales pendant la pénétration (« de 10 à 20 % des femmes »), d’autres recherches seront nécessaires pour valider ces données, croit-il. Entre autres bémols, il rappelle qu’il est démontré qu’une (grande) consommation de cannabis chez les hommes « rend les spermatozoïdes paresseux ». « Est-ce que, chez les femmes, il pourrait y avoir des effets néfastes sur le plan des fonctions reproductrices ? », s’interroge-t-il. Dernier point, et non le moindre : « Un des grands enjeux des couples aujourd’hui, c’est de maintenir le désir sexuel dans le temps, fait-il valoir. Or de constamment inclure le cannabis dans l’équation, je doute que cela puisse durer dans le temps. » Son (sage) conseil ? Que cela demeure « récréatif », glisse-t-il…

Le cannabis et la santé sexuelle des femmes au Festivulve

Karine Cyr, fondatrice de la communauté virtuelle Des fleurs ma chère, donnera une conférence samedi dans le cadre de la deuxième édition du (bien nommé) Festivulve, qui se déroule tout le week-end au Centre de loisirs communautaire Lajeunesse. L’événement, à la fois festif et informatif, propose une programmation riche, variée et archidiversifiée, afin de démystifier ce mystérieux et non moins essentiel organe féminin. Entre autres conférences, signalons une présentation sur le slow sex, la sexualité positive, l’asexualité, ou le flux instinctif libre. Le festival revient avec son fameux Vulvabooth, moulages et photos de vulves en sus.

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