Les signataires du mouvement #etmaintenant - lancé en réaction au «droit d'importuner» - sont catégoriques: les abus de pouvoir sont intolérables. Le droit de dire «non», sans crainte de représailles, absolu. Pour ce qui est des rapports de séduction, elles lancent un appel au respect. Cinq d'entre elles se prononcent sur ce qui est apprécié et détesté dans différentes situations.

Séduction au gym

Anne-Élisabeth Bossé, comédienneLes gyms, cours de yoga ou de pilates sont des lieux où les tentatives de séduction sont nombreuses et souvent maladroites, d'autant plus que les «acteurs principaux» sont légèrement vêtus. Comme si le fait d'être en tenue de sport - et collants moulants - était une invitation qui vous était personnellement destinée... Eh bien, non, ce n'est pas le cas, nous dit Anne-Élisabeth Bossé, qui fréquente les gyms avec assiduité.

Apprécié!

«J'ai un entraîneur personnel qui prend la peine de me demander d'abord si je suis à l'aise de faire tel ou tel exercice. Parce qu'on ne connaît pas le passé des gens ou leurs sensibilités. Donc c'est une façon respectueuse d'établir les limites corporelles de l'autre. S'il doit me tenir les bras ou s'asseoir sur mes mollets pour faire un exercice, il va me demander avant si c'est O.K. Si je ne suis pas à l'aise, il va me proposer d'autres mouvements.»

Détesté!

«Moi, il ne m'est jamais rien arrivé de désagréable, mais des entraîneurs ou des profs de yoga qui se serviraient de la proximité de leur métier pour établir un rapport de séduction, c'est non. Des gens qui font un commentaire sur ce que tu portes, c'est non aussi. Je ne veux pas me faire dire: "eh, beau legging!", en sous-entendant "ça te fait des belles fesses". C'est déplacé, c'est pas acceptable.»

Séduction dans un bar

Sophie Bienvenue, auteureElle ne les fréquente pas beaucoup, mais les bars et les boîtes de nuit demeurent des territoires de chasse par excellence. Dans un quiz sur les comportements respectueux qu'elle a mis en ligne sur sa page Facebook, Sophie Bienvenue note plusieurs cas malheureux de drague qui font «pouet pouet». Des échecs qu'elle explique par des maladresses de communication.

Apprécié!

«Il faut savoir décoder le langage non verbal d'une personne avec qui on veut entrer en contact. Un sourire franc et invitant est une porte ouverte pour engager la conversation. Oui, au droit de draguer, mais dans le respect. Un gars a le droit d'offrir un verre à une fille, mais si elle répond: "non merci", on apprécie les gars qui vont dire, avec le sourire: "O.K., ça valait la peine d'essayer, bonne soirée". Y a même des chances qu'on revienne sur notre décision.»

Détesté!

«Le problème, ce sont les gens qui insistent, qui ne tiennent pas compte du langage verbal ou non verbal. On ne va pas dans un bar pour être "prise". Se faire offrir un verre déjà versé, c'est non. Se faire imposer un verre, sans savoir ce qu'il y a dedans, se faire dicter ce qu'on va boire, c'est non. Une fille qui tourne le dos à un gars qui danse devant elle, c'est qu'elle n'est pas intéressée. Entrer dans la bulle de quelqu'un en lui racontant une blague à l'oreille, ça m'est arrivé et c'est ordinaire...»

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Séduction dans le métro

Éricka Alneus, développement philanthropiqueIl a été question des fameux «frotteurs» du métro dans la lettre des 100 femmes françaises, dont Catherine Deneuve, qui ont revendiqué haut et fort le droit d'être importunées - même si la majorité d'entre elles ne prennent pas le métro. La question demeure: comment se vivent les rapports hommes-femmes dans les transports collectifs ou les taxis?

Apprécié!

«Ce que je trouve positif, c'est de voir des gens intervenir auprès de personnes qui sont victimes de comportements inappropriés. Des gens qui demandent: "Est-ce que ça va?" Cela dit, la drague dans le métro, c'est possible. Un jour, un garçon m'a abordée dans le métro, il m'a dit qu'il me trouvait belle, il a été gentil, il m'a demandé si j'étais célibataire et s'il pouvait me donner son numéro de téléphone. Eh ben, j'ai accepté! Parce qu'il était respectueux. C'est la base des relations interpersonnelles.»

Détesté!

«Ça ne m'est jamais arrivé, mais les "frotteurs" du métro et ceux qui te mettent la main aux fesses ou sur les seins, ça existe. C'est juste pas une façon de draguer! Personnellement, mes mauvaises expériences, je les ai vécues dans la rue ou dans les taxis, où on m'a fait des commentaires déplacés. Un jour où je rentrais de l'épicerie, un chauffeur m'a dit en me déposant: "Si seulement je pouvais t'aider à monter ces sacs-là, je te ferais monter au septième ciel." Pour moi, c'est inapproprié.»

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Séduction sur les réseaux sociaux

Léa Clermont-Dion, auteure, doctoranteVaste espace de jeu et de séduction où règne un sentiment d'impunité, les réseaux sociaux sont à la fois de formidables outils de diffusion en même temps que de redoutables terrains de guerre. Léa Clermont-Dion estime d'ailleurs que la violence en ligne reflète la violence de nos relations intimes.

Apprécié!

«Le mouvement #moiaussi a décollé grâce aux réseaux sociaux et c'est très positif. Les réseaux sociaux amplifient et propagent une parole, donc ça nous a servi. Il y a quand même 12 millions de femmes qui ont appuyé #metoo. Les messages d'hommes qui se questionnent par rapport à leurs propres gestes, c'est extraordinaire. Sur le plan des rapports de séduction, tout est dans la façon de faire. Je ne suis pas contre la drague, mais c'est quelque chose d'intuitif qui doit se faire dans le respect.»

Détesté!

«Quelqu'un qui me traite de pute, parce que je refuse ses avances, là, il y a un dérapage. Le cyberharcèlement sexuel, qui se traduit par une sollicitation sexuelle répétée, c'est fréquent. D'autres phénomènes sont aussi très répandus : les photos-phallus non sollicitées, la porno de vengeance - partage de photos nues de son ex - un dénigrement public de la sexualité d'une fille. Ce n'est pas si marginal. Les gens utilisent aussi des applis pour surveiller les allées et venues de leur blonde ou de leurs ex.»

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Séduction à l'université

Martine Delvaux, professeure, auteureTous égaux face au savoir? Pas vraiment, nous dit Martine Delvaux, professeure à l'UQAM, qui travaille actuellement sur une mise à jour de la politique sur le harcèlement sexuel. Des histoires qui témoignent des inégalités entre les hommes et les femmes, il y en a malheureusement beaucoup, nous dit-elle.

Apprécié!

L'inclusion des femmes dans les syllabus de cours est un bon point de départ, nous dit Martine Delvaux, qui regrette de voir encore plusieurs références bibliographiques presque exclusivement masculines. «Il y a tout un travail à faire, parce que c'est la liberté intellectuelle qui est ici mise en cause. Il commence à y avoir une écoute de ce côté-là, entre autres parce que les étudiants le demandent. Mais ce n'est pas gagné d'avance, c'est long de changer ces moeurs.»

Détesté!

La violence sexuelle a lieu parce qu'il y a un terrain propice à cette violence, nous dit-elle. «À l'université, ça commence comme ça. Quand un professeur masculin favorise la parole d'élèves masculins blancs, les filles ne se sentent pas à leur place. L'autre problème, c'est celui de considérer le corps étudiant comme un jardin dans lequel on va cueillir des fleurs. Les regards, les commentaires ou les gestes de certains professeurs ou étudiants créent un climat très malsain.»

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