Pourquoi quelqu'un accepte-t-il d'être l'amant d'une personne en couple? Que vont chercher ces gens? Ont-ils des remords? Une psychologue, une maîtresse et un amant nous donnent leur opinion.

Maîtresse à long terme

Laurence*, mère de famille monoparentale dans la trentaine, fréquente depuis une vingtaine de mois un homme marié. Jamais elle n'a souhaité qu'il quitte sa famille pour vivre avec elle.

«Je continue de le voir parce que je n'ai personne d'autre dans ma vie. Je ne suis pas faite en bois. Il est un peu comme mon plan B, en attendant de rencontrer quelqu'un d'autre», confie la Montréalaise.

Elle a croisé cet homme dans une soirée entre amis, il y a une quinzaine d'années. Tout de suite, elle a ressenti une forte attirance pour lui. «Cependant, comme je manquais de confiance en moi, jamais je n'aurais osé faire les premiers pas», explique-t-elle.

Des années plus tard, elle le recroise dans un bar. Marié avec enfants, il lui avoue qu'il a toujours été attiré par elle et l'invite à passer le reste de la nuit dans une chambre d'hôtel.

«Bien sûr, fréquenter un homme marié n'est pas une situation idéale. Il y a d'ailleurs une période où j'ai voulu le voir plus souvent, mais ce n'était pas possible à cause de son horaire. Quand nous arrivons à planifier un moment ensemble, je suis comme une enfant qui attend le père Noël! Je compte les jours, les heures et les minutes. Nos rencontres sont électriques, je suis sur un nuage...»

«Mais j'avoue que, des fois, lorsque vient le temps de nous quitter, le retour à la réalité est comme une douche froide, même si je ne suis pas amoureuse de lui.»

Des hauts... et des bas

Pourquoi poursuivre une relation avec un homme qui n'est pas libre? Au début, parce qu'elle venait de se séparer et qu'elle n'était pas prête à s'investir dans une nouvelle relation, cette situation lui convenait; un homme assouvissait ses besoins sexuels et affectifs, sans la vouloir comme conjointe.

«Cette relation m'a apporté des moments extraordinaires de complicité et d'intimité. Nous avons beaucoup partagé de secrets et je me suis sentie privilégiée d'occuper une place particulière dans sa vie. Au début, je dirais que notre relation allait au-delà d'une affaire de sexe, puisque nous avions développé une relation d'amitié. Il m'écrivait de gentils textos et il m'invitait à souper», dit Laurence.

À cette époque, ils se rencontraient en début de soirée pour ne se quitter qu'au matin, lorsque les deux prenaient la route pour leur travail respectif. Ils passaient toujours la nuit dans une chambre d'hôtel du centre-ville de Montréal.

«Avec le temps, par contre, je me suis sentie comme l'escorte qu'il appelait à des heures indécentes quand il avait envie de s'amuser un peu. Les petites attentions ont disparu.»

«Il a aussi cessé de m'inviter à passer le reste de la nuit avec lui dans les chambres d'hôtel qu'il nous réservait. Je ne compte plus les fois où j'ai pris le chemin vers la maison en me sentant vraiment moche. Ce n'est pas pour rien qu'en anglais, on appelle ça le "walk of shame". J'ai beau ne pas rêver de devenir sa copine, c'est tout de même blessant», explique-t-elle.

Laurence se plaît de moins en moins dans le rôle de la maîtresse et sent que la fin de cette relation approche.

«Je ne me sens pas coupable d'entretenir une relation avec un homme marié. Ce qui se passe avec sa femme le regarde. Je ne suis d'ailleurs pas intéressée à m'immiscer entre eux. Il ne la quittera jamais, il l'aime et c'est tant mieux. Personnellement, je dors bien la nuit. Je ne suis pas celle qui porte le fardeau de tromper quelqu'un à qui j'ai promis de demeurer fidèle.»

* Prénom fictif. Pour se confier en toute liberté, Laurence a requis l'anonymat.

Un amant amoureux

Être l'amant d'une femme en couple ne dérangeait pas Paul. Jusqu'au jour où il a compris qu'il espérait plus de cette situation.

Dans le cadre de son travail, Paul* a rencontré Daphné*. Dès leur première rencontre, il avait envie de connaître davantage cette femme qu'il trouvait intelligente et séduisante. Il l'a invitée à prendre un verre dans un pub et, rapidement, ils sont devenus amants.

Un mois plus tard, Paul était comblé sexuellement et il adorait la compagnie de Daphné. «Par contre, je n'avais toujours pas mis les pieds chez elle et je commençais à me douter qu'elle ne me disait pas tout. Lors d'un affrontement verbal, elle m'a avoué qu'elle habitait avec son ex-conjoint et l'enfant de celui-ci», dit l'homme dans la quarantaine.

Il n'a pas fait grand cas de la situation particulière de sa maîtresse, puisqu'il n'avait pas encore développé de sentiments forts pour elle. Qu'elle soit amoureuse - ou pas - de l'homme avec qui elle partageait un condo n'intéressait pas trop Paul.

«Je comprenais qu'elle reste avec lui. Nous étions juste des amants et je ne me sentais pas autorisé de lui demander plus à ce stade-là.»

«Je n'aurais pas voulu qu'elle laisse tout pour la relation que nous avions à ce moment-là. Elle me consacrait du temps et je lui en consacrais. Le reste, on s'en fout. Ce n'était pas de mes affaires.»

Paul, père d'un jeune garçon, a ainsi été l'amant de Daphné pendant quelques mois. Il était tout à fait à l'aise dans cette situation, puisqu'il n'était pas amoureux d'elle. Par contre, lorsqu'il a commencé à avoir des sentiments plus profonds, il a décidé de rompre.

«Après quatre mois, j'avais envie de poursuivre la relation, mais je ne voulais pas de cette situation-là. Je me sentais mal pour le gars, je me sentais mal pour moi. Je savais que ce n'était pas cool pour personne. Je lui ai donc dit que, dans ce contexte, je n'étais pas à l'aise. Je lui ai dit que je comprenais qu'elle soit liée à cet homme et son enfant, mais que si elle voulait qu'on continue de se voir, elle devait déménager», confie-t-il.

«Ça peut arriver à tout le monde»

Deux mois ont passé sans qu'il ait de nouvelles de Daphné: «Je m'ennuyais d'elle, ça me faisait de la peine, mais j'étais devenu jaloux de l'autre homme à la fin. Ça ne fonctionnait plus.»

Finalement, le téléphone de Paul a sonné. La douce voix de Daphné lui disait qu'elle avait déménagé et qu'elle souhaitait le revoir. «Alléluia!», a crié Paul. Il allait pouvoir vivre une véritable histoire d'amour avec elle.

Se considère-t-il comme le méchant dans cette histoire? A-t-il des remords d'avoir brisé la famille d'un homme? Pas vraiment. Pas du tout, en fait. «Il ne faut pas être plus catholique que le pape non plus», dit-il en souriant.

«Je pense que nous sommes tous vulnérables. Ça peut arriver à tout le monde de tromper son conjoint ou sa conjointe, comme ça peut arriver à tout le monde de devenir l'amant ou la maîtresse d'une personne en couple», affirme Paul.

* Prénoms fictifs. Pour se confier en toute liberté, Paul a choisi de taire sa réelle identité. 

L'insatisfaction conjugale mise en cause

Pourquoi une femme célibataire s'intéresse-t-elle à un homme en couple? Que va-t-elle chercher? Souffre-t-elle de cette situation? Catherine Senécal, psychologue et directrice de la clinique Change, répond à nos questions.

Pourquoi une femme célibataire choisit-elle de vivre une relation avec un homme en couple plutôt que de s'intéresser à un célibataire?

Il y a deux types de cas que j'ai suivis en thérapie. Il y a la situation où la femme accepte d'être la maîtresse à long terme. Elles peuvent entre autres avoir été blessées dans d'autres relations, et c'est moins risqué de s'investir avec un homme en couple. Souvent, ce sont des femmes avec une faible estime de soi, qui ne veulent pas se mettre dans des situations où elles pourraient être abandonnées. Elles sont déjà abandonnées, en quelque sorte, puisqu'elles sont déjà le numéro 2. Je veux dire qu'il y a déjà une autre femme dans la vie de cet homme. Il y a donc moins de risques à prendre, puisqu'elles s'investissent moins.

Et quel est l'autre type de cas que vous avez rencontré?

Celles qui attendent que l'homme finisse par quitter sa conjointe pour être avec elles. Dans ce cas-là, il y a plus d'implication et d'attentes.

Moins fréquemment, il y a aussi des femmes qui voient l'homme en couple ou marié comme l'attrait d'un défi, le désir d'être spéciale. Une femme qui m'a consultée me disait: «Je voulais tellement être choisie, et quand il l'a fait, je le trouvais moins intéressant. Le défi n'était plus là.»

Est-ce la même chose pour un homme célibataire qui fréquente une femme en couple?

Un homme peut faire ça pour des raisons purement sexuelles. Mais il peut aussi avoir des sentiments pour cette femme et souhaiter qu'elle le choisisse.

Les femmes souffrent-elles d'être la maîtresse?

Celle qui accepte d'être la maîtresse à long terme, pas nécessairement. Même qu'elle peut être contente lorsqu'il la quitte pour retourner chez lui, puisqu'elle peut être dans ses affaires, avoir sa routine, être libre... Il n'y a pas de discussions lourdes, elle profite plutôt du côté léger de la relation, et elle aime ça.

Par contre, pour celles qui attendent d'être l'élue de leur amant, ça peut être très souffrant. Les hommes ne s'en vont pas d'un coup, surtout s'il y a des enfants dans l'histoire. Elles souffrent donc, puisqu'elles s'attendent à plus de la relation et elles ne veulent pas être considérées uniquement comme un objet sexuel... Elles veulent être l'amoureuse de leur amant. Ça peut alors devenir conflictuel, ce qui enlève souvent l'aspect léger d'une relation extraconjugale.

Certaines études démontrent que chez les femmes, la sexualité s'imbrique souvent dans le sentiment amoureux. Les femmes ont donc plus d'attentes. Elles ne font généralement pas ça juste pour assouvir un désir sexuel.

Consultent-elles des psychologues pour mieux vivre cette situation?

Il y en a, mais ce n'est pas la plus grande partie de ma clientèle, bien entendu. Par contre, bien des personnes me consultent parce qu'elles viennent d'avoir une aventure ou pensent en avoir une prochainement. Puisqu'elles ont un choix à faire et qu'elles se sentent mal d'avoir fait ce qu'elles ont fait ou d'y penser, elles vont voir un psychologue. Normalement, si elles font ça ou pensent le faire, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans leur relation, qu'elles sont malheureuses ou insatisfaites et qu'elles se questionnent sur plusieurs aspects, comme: «Est-ce que je saute la clôture?», «Est-ce que je mets fin à ma relation?», etc.

Les infidèles sont-elles des personnes malheureuses ou insatisfaites dans leur couple?

Je crois qu'il s'agit du point le plus important dans tout ça. Lorsqu'il n'y a pas d'insatisfaction conjugale, c'est rare que quelqu'un aille tromper sa partenaire. Plusieurs études le démontrent: lorsque quelqu'un commet un adultère, c'est que son niveau de satisfaction est bas. Quand nous sommes heureux, nous ne faisons pas ça. Il y a des femmes qui ont toujours peur que leur mari les trompe; s'ils sont satisfaits et heureux dans leur couple, c'est rare qu'ils le fassent.

Photomontage La Presse