Phrases boiteuses. Termes imprécis, ou carrément erronés. Questions floues. L'examen du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) du printemps dernier était si mal traduit que la copie anglaise laissée à l'avant de la classe était souvent nécessaire pour comprendre certaines questions, dénoncent des résidents en médecine du Québec. Cette situation perdurerait depuis plusieurs années et pénaliserait les francophones, affirment certains d'entre eux, mais le Collège jure que ce n'est pas le cas et que tout est fait pour que la traduction soit aussi fidèle que possible.

Des «perles»

Le CMFC fait passer cet examen à ceux qui veulent obtenir la «certification» du Collège — laquelle permet d'obtenir un permis de pratique partout au Canada. Ayant eu vent de sa mauvaise réputation, une résidente en médecine de l'Université Laval, Cynthia Cameron, a contacté par courriel des résidents qui l'ont passé au printemps et a fait suivre quelques-uns de leurs commentaires au Soleil. Aucun d'entre eux ne veut être nommé, mais les «perles» qu'ils ont relevées sont troublantes.

Ainsi, l'expression past medical history, «antécédents médicaux», a été traduite par «histoire de la maladie actuelle», ce qui est beaucoup plus pointu. L'anglais lumpectomy, qui signifie «retrait d'une tumeur cancéreuse», a été calqué par «lumpectomie», un mot qui n'existe pas en français — on dit plutôt tumorectomie.

«En français, poursuit une résidente dans son courriel, le mot sensibilité était utilisé comme en anglais (sensibility), c'est-à-dire au sens de «douleur». Cela porte à confusion, parce que douleur et sensibilité ne veulent pas dire la même chose.»

Et c'est sans compter, ajoute une autre finissante, que «la syntaxe nous amenait parfois à ne pas bien comprendre le sens d'une phrase. J'ai dû me lever environ six fois pendant l'examen pour aller consulter la copie anglaise».

Ces déplacements, déplore tout ce beau monde, sont pénalisants puisque les étudiants doivent remettre leur copie dans des délais serrés.

Les frais exigés pour passer l'examen, 1590 $, n'ont évidemment rien pour les consoler. «C'est bien choquant de payer 1600 $ et d'avoir un tel traitement de citoyen de seconde classe, écrit une autre résidente. C'est clairement désavantageux de faire l'examen en français (même si) le Collège canadien des médecins de famille est soi-disant bilingue.»

Pas la première fois

Au CMFC, la directrice aux affaires professionnelles, Dre Francine Lemire, dit que le Collège a reçu la plainte de Mme Cameron et que les mesures nécessaires seront prises. «Ce n'est pas la première fois qu'il y a une plainte, admet-elle. Il y a des inquiétudes qui sont exprimées chaque année (…mais) nous essayons d'améliorer constamment nos examens.»

Des francophones siègent au comité des examens, illustre Dre Lemire. Et si le plus clair des contenus est développé en anglais, la traduction est faite par des spécialistes de la terminologie médicale.

«On est d'accord qu'il va falloir améliorer les choses. (…) Je ne dis pas que tout est parfait, mais on prend ça très au sérieux.»

En outre, dit-elle, les francophones réussissent mieux que les anglophones à cet examen, ce qui indique qu'ils ne sont pas désavantagés par la traduction.

Dre Lemire dit cependant que le traducteur a été changé cette année, ce qui a pu altérer la qualité de la version française. Il est également possible que le gros volume de traduction qui lui est demandé amène à faire des erreurs. Le CMFC envisage donc d'engager un relecteur francophone externe pour régler le problème.