On en convient, cette rentrée scolaire n’est pas tout à fait aussi festive qu’à l’habitude. Il y a de l’incertitude dans l’air. Beaucoup d’inconnu, certes. Vous redoutez le pire ? Quatre choses à garder en mémoire, question de relativiser. De respirer. Et de célébrer ce retour à une certaine normalité !

Vos enfants en ont vu d’autres (coronavirus)

Le saviez-vous ? Il existe dans la nature des centaines de coronavirus connus, dont huit ou neuf chez l’humain. « On les connaît depuis 50 ans, depuis l’invention du microscope électronique », explique Richard Marchand, microbiologiste et infectiologue à l’Institut de cardiologie de Montréal. Alors pour la nouveauté, on repassera. « Et ce n’est pas parce que la COVID-19 est causée par un nouveau coronavirus que tout ce qu’on connaît n’est plus applicable », confirme-t-il, d’un ton rassurant. La première bonne nouvelle ? Les coronavirus sont des virus qui mutent « continuellement », dit-il, et « dans la très grande majorité des cas, ils mutent pour être moins virulents ». Deuxième bonne nouvelle : il y a de fortes chances que vos enfants aient déjà été en contact avec des coronavirus. « Ce n’est pas pour rien qu’on les appelle des petits morveux », poursuit l’expert. En effet, les jeunes enfants connaissent en moyenne 13 « épisodes viraux » par année. « Dans nos villes, on estime que de 60 à 68 % des jeunes, à la fin de leur enfance, ont [été exposés à] un ou deux coronavirus. » Et alors ? Alors s’ils ont été exposés, ils ont aussi développé des anticorps. Et seraient, du coup, mieux « protégés » pour le « gros » des coronavirus. « Plus ils ont été exposés, moins l’intensité de la maladie va être forte. » Troisième bonne nouvelle : ce constat vaut aussi pour leurs parents et pour leurs enseignants du primaire, avance l’infectiologue. Ce qui expliquerait pourquoi certains adultes sont « peu » ou « très peu » malades ces jours-ci ; « 50 % de la population générale [sont exposés à] des coronavirus sans s’en rendre compte… » Sauf, bien évidemment, pour les personnes âgées de plus de 70 ans, plus à risque de toutes sortes de complications. « Le danger, c’est pour les grands-parents ! »

Un risque à relativiser pour les enfants

PHOTO ERICK LABBÉ, LE SOLEIL

Rentrée scolaire à l’école de la Pléiade, à Québec

C’est un fait. « Il meurt au Québec entre 350 et 600 personnes de l’influenza, les mauvaises années jusqu’à 2000, dont 15, 20 ou 30 enfants », poursuit Richard Marchand, qui ne cache pas être contre le décompte « en temps réel » des personnes infectées depuis le début de cette pandémie. Si on faisait la même chose avec l’influenza, dit-il, « il y aurait une panique chaque mois de janvier ! » Et la COVID-19 ? Aucun décès chez les moins de 18 ans. « C’est certain que j’ai vu des enfants décéder de l’influenza, dont plus d’un qui n’avait pas de bonne raison, confirme Valérie Lamarre, pédiatre infectiologue au CHU Sainte-Justine. Ça, c’est certain. Ça n’est pas fréquent, pour la tonne d’influenza qui circule, la plupart s’en sortent très bien, mais oui, c’est un virus qui peut être mortel. » Non seulement mortel, mais particulièrement virulent chez les jeunes enfants.

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Valérie Lamarre, pédiatre infectiologue au CHU Sainte-Justine.

On a vu moins d’enfants très malades de la COVID-19 qu’on en voit chaque année avec l’influenza.

Valérie Lamarre, pédiatre infectiologue au CHU Sainte-Justine

« Des cas graves d’influenza aux soins intensifs, on en voit chaque année », poursuit-elle, chiffres du CHU Sainte-Justine à l’appui : 24 ont été admis en 2019-2020 aux soins intensifs pédiatriques à cause de l’influenza, 20 en 2018, 24 en 2017. « Mais personne n’empêcherait son enfant d’aller à l’école parce qu’il y a une éclosion de grippe ! »

Retour et compromis

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Rentrée scolaire à l’école Philippe-Labarre, à Tétreaultville, dans l’est de Montréal

La pédiatre considère aussi ce retour en classe, certes imparfait, comme le meilleur des « compromis » possibles. « Dans toute cette histoire, le mieux est l’ennemi du bien » résume-t-elle. Pour certains, ce « mieux », pour empêcher la propagation, aurait été de « rester tous chez nous », ou alors de « tous porter un masque toute la journée ». À l’inverse, pour d’autres, le « mieux », pour le bien-être psychologique des enfants, leurs apprentissages et leur développement affectif, aurait été un retour à la normale, pré-COVID, sans distanciation, câlins inclus. « Là, il faut arriver au bien, quelque part entre les deux, explique-t-elle. C’est un compromis, et il ne faut pas se scandaliser que d’un pays à l’autre, on n’arrive pas aux mêmes compromis. » Question de cultures, de réalités, et d’études, « on se base sur une science qui n’est pas exacte, et des données qui sont évolutives », rappelle-t-elle, soulignant au passage que le « compromis » québécois, avec le port du masque à partir de la 5e année du primaire, les « bulles » dans les classes, et autres nouvelles règles de distanciation, semble « raisonnable ». « La seule chose pour laquelle les scientifiques n’ont pas changé d’idée, c’est que les enfants ne sont pas très affectés par la COVID-19 », l’attrapant en moins grand nombre, à une moindre intensité, et le transmettant également moins facilement. « Pour ça, c’est rassurant. Même si tout n’est pas clairement établi. » Inversement, tout le monde s’entend là-dessus, les jeunes ont été grandement affectés par le confinement. D’où le dernier point à ne pas sous-estimer.

Confiance et incertitude

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Rentrée scolaire à l’école Philippe-Labarre, à Tétreaultville, dans l’est de Montréal

Vous n’êtes toujours pas rassuré par ce retour en classe ? Rappelons que même si elle n’a été que partielle, excluant la zone chaude de Montréal, la réouverture au printemps a néanmoins plutôt bien été. « Les cas d’éclosions ont été très rares », confirme Égide Royer, psychologue et expert québécois en matière de réussite scolaire, lequel participe ces jours-ci à la campagne du gouvernement en faveur du retour à l’école. Parce que l’enseignement à distance a ses limites, dit-il, et répète-t-il sur toutes les tribunes, inquiet, à raison, des risques de décrochage associés au confinement. « À qualité d’enseignant égal, les résultats sont nettement supérieurs en présentiel », martèle-t-il. À cause des échanges, entre enseignants et élèves, bien sûr, mais aussi entre élèves tout court. « Il y a une plus-value réelle, sur le plan des apprentissages et du social, dit-il. La COVID va finir par passer. Mais si le jeune développe des retards en lecture, par exemple, c’est une autre paire de manches. » Certes, il se pourrait qu’il y ait à nouveau des éclosions. Et des quarantaines, ici ou là. Dans votre école, ou pas. « Il faut être prêt à savoir que tout va changer, les choses vont bouger, il faut enlever de notre vocabulaire les toujours, jamais, assurément, et y aller doucement, sans transmettre notre anxiété aux enfants », reprend la pédiatre Valérie Lamarre. Certes, les humains que nous sommes ont du mal avec ces inconstances et autres incertitudes. « On tombe ici dans la philosophie, mais je pense qu’il faut faire confiance, conclut-elle. Comme société, on est là les uns pour les autres, et tout le monde essaye de prendre la meilleure décision possible. » Des décisions qui impliquent forcément une certaine dose de risques. Parce que le « risque zéro » n’existe pas.