Selon une enquête réalisée par des chercheurs de l’Université Laval, 80 % des parents ayant au moins un enfant atteint d’un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ressentent un niveau « cliniquement significatif » de stress parental.

Le stress parental représente l’écart entre les demandes et les exigences auxquelles le parent doit répondre dans son rôle de parent et les capacités qu’il a l’impression de posséder afin de pouvoir satisfaire à ces demandes et exigences.

« Si on compare la moyenne de nos parents à celle des normes attendues, il y a une très grande différence significative. Leur stress parental est beaucoup plus prononcé. Ils sont très différents statistiquement », a révélé en exclusivité à La Presse canadienne la responsable de l’étude, la docteure Nancie Rouleau, neuropsychologue et directrice du laboratoire MANDALAB.

Mme Rouleau et ses collègues — le doctorant Élie Marticotte et la professeure Tamarha Pierce — ont voulu savoir quelle proportion des parents ayant un enfant présentant un TDAH ont un niveau de stress qui serait considéré comme « cliniquement significatif, donc qui requiert une consultation psychologique ».

Plus d’un millier de parents ont répondu à un questionnaire en ligne. Seulement 579 d’entre eux correspondaient aux critères des chercheurs, dont 466 chez qui ce stress parental a été jugé « cliniquement significatif ».

« Nous, comme psychologues, on se dit que c’est un seuil clinique où le stress parental est beaucoup trop élevé et que ce parent-là a besoin d’aide, mais qu’il ne le sait peut-être pas et qu’il arrive à le gérer avec plusieurs stratégies », a expliqué Nancie Rouleau.

Je trouve ça très préoccupant parce que d’une part, c’est très élevé et d’autre part, je ne penserais pas que 80 % de notre échantillon reçoit de l’aide à ce niveau-là actuellement. Je ne pense même pas qu’ils reconnaissent qu’ils ont ce problème-là, parce que c’est un sujet dont on ne parle pas.

La docteure Nancie Rouleau, neuropsychologue

Prise en charge globale

Le moment est donc venu de changer le paradigme en clinique, poursuit Mme Rouleau, et de concevoir l’aide au TDAH sur le plan familial.

On va rarement parler d’un soutien pour les parents « et nous, on pense que c’est très important, parce qu’on sait qu’un parent qui ne se porte pas bien, qui est stressé, ça va affecter sa relation avec son enfant, et l’enfant lui-même va avoir un stress et des symptômes plus élevés », dit-elle.

D’autant plus que le stress parental a un effet direct sur la santé des parents, tant physique que mentale. Le quotidien de ces parents est une succession d’imprévus et leurs journées se suivent sans jamais se ressembler.

Mme Rouleau révèle d’ailleurs avoir reçu, en marge de son étude, plusieurs courriels de parents qui décrivent des journées frénétiques dont les 24 heures suffisent à peine pour tout faire.

« Ces parents-là ont un quotidien qu’on ne peut pas imaginer parce qu’ils n’en parlent pas beaucoup, a-t-elle dit. L’enfant se lève le matin et il peut être plus opposant, plus anxieux. Ce sont des parents qui vont recevoir des appels réguliers et imprévus de la garderie et de l’école. L’organisation familiale devient plus difficile. »

Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental, rappelle-t-elle ; l’enfant a un TDAH depuis le jour de sa naissance et il l’aura probablement toute sa vie. Et quand on pense qu’il peut y avoir plus d’un cas dans la famille et que l’un des parents peut lui-même en être atteint, on commence à percevoir l’origine du stress parental démesuré que plusieurs ressentent.

« Un psychologue qui reçoit un enfant pour un diagnostic de TDAH devrait à mon sens maintenant s’intéresser aussi aux parents, conclut Mme Rouleau. Si le psychologue veut aider l’enfant, ce n’est pas tout de poser un diagnostic et de donner des recommandations. Il faut voir comment va la famille autour de l’enfant et donner un soutien aux parents si le stress parental est trop élevé. »