Le bégaiement est plus fréquent chez les enfants bilingues, selon une étude britannique. Le problème est particulièrement aigu chez les enfants qui parlent plusieurs langues à la maison.

«Avec la montée de l'immigration en Angleterre, nous voyons de plus en plus d'enfants qui sont exposés à plus d'une langue à la maison, et qui vivent avec des adultes ne parlant pas l'anglais», explique Peter Howell, psychologue de l'University College de Londres, qui a publié l'étude dans la revue Archives of Disease in Childhood.

«Souvent, les grands frères parlent anglais, les parents passent de l'anglais à la langue du pays d'origine, et les grands-parents ne parlent qu'un dialecte du pays d'origine. C'est une clientèle particulièrement à risque de bégayer, et de bégayer plus longtemps. Il semble que ce type de stress linguistique soit difficile à gérer. Il faut s'attendre à ce que la demande en orthophonistes augmente avec l'immigration.»

Près du quart de l'échantillon de M. Howell, des enfants suivis dans une clinique d'orthophonie, étaient bilingues. Mais parmi les enfants bilingues qui bégayaient, 60% parlaient plusieurs langues à la maison. Cette proportion chutait à 26% dans un groupe-témoin d'enfants bilingues ne bégayant pas. De plus, les bègues bilingues parlant plusieurs langues à la maison avaient seulement une chance sur quatre de se débarrasser de ce problème entre les âges de 5 et 12 ans, contre une chance sur deux pour les bègues qui ne parlent qu'une seule langue à la maison.

Les experts montréalais interrogés par La Presse préviennent que ces résultats ne s'appliquent probablement pas au bilinguisme français-anglais du Québec et du Canada. «Il ne faudrait pas que ces résultats découragent des parents d'enseigner une deuxième ou une troisième langue à leurs enfants», indique Julie Fortier-Blanc, de l'École d'orthophonie et d'audiologie de l'Université de Montréal. «Il y a beaucoup d'intérêt pour le lien entre le bilinguisme et le bégaiement, mais je trouve que cette étude n'est pas particulièrement forte. Le nombre d'enfants était petit, et elle a été faite par des psychologues, pas des orthophonistes.»

M. Howell reconnaît que son étude pourrait faire peur inutilement. «Le bilinguisme, c'est très bien. Il y a plus de bégaiement, mais seulement dans certaines conditions, et de toute façon les résultats scolaires ne sont pas compromis. Mais nos résultats sont utiles pour les parents d'enfants qui bégaient déjà. Dans ce cas, il pourrait être approprié de retarder d'un an ou deux l'apprentissage d'une langue seconde pour donner le temps au bégaiement de disparaître.»

Mme Fortier-Blanc estime aussi étrange que la proportion d'enfants bilingues à la clinique de bégaiement était de 22%, contre 28% dans la population en général. «Si le bégaiement est plus problématique chez les bilingues, je me serais attendue à ce que 40% des enfants de la clinique soient bilingues», dit-elle.