(Paris) Alors que la myopie se développe à bas bruit dans tous les pays développés, les verres freinant ce trouble de la vision chez les enfants semblent faire leurs preuves, un espoir pour enrayer un problème de santé publique qui s’annonce majeur.

« Il y a deux ans, l’instituteur de Paul, 10 ans à l’époque, nous a signalé qu’il ne voyait plus rien au tableau », raconte à l’AFP sa mère, Caroline Boudet, rédactrice à Nantes, dans l’ouest de la France.

Un rendez-vous chez l’ophtalmo leur apprend qu’il est déjà « pas mal myope », alors que personne dans la famille ne souffre de ce trouble qui entraîne une vision floue de loin en raison d’une distance trop importante entre la cornée et la rétine.

La praticienne leur parle alors de verres, relativement nouveaux, censés ralentir l’évolution de sa myopie. « Au bout d’un an, le résultat était plutôt positif, car sa vue semblait s’être stabilisée », rapporte Caroline Boudet.

Ces verres dits de « freination » de la myopie, commercialisés en France depuis environ deux ans, utilisent des technologies intégrées qui permettent de corriger le trouble visuel, mais aussi de freiner son développement chez les enfants ayant une myopie évolutive.

Une étude parue début avril dans la revue Scientific Reports s’est penchée pendant six ans sur une cohorte d’enfants portant les verres Miyosmart fabriqués par le japonais Hoya. Elle conclut qu’il y a bien un ralentissement de la myopie et qu’il n’y a pas d’« effet rebond » à l’arrêt du verre.

Plusieurs études cliniques ont aussi démontré l’efficacité des verres Stellest du français EssilorLuxottica, soulignant notamment qu’ils ont évité la perte de plus d’une dioptrie de myopie en moyenne sur trois ans.

Ces verres nouvelle génération s’appuient sur une technologie innovante. Ils sont équipés d’une constellation de microlentilles qui visent à corriger l’hypermétropie périphérique, caractéristique de l’œil myope, et ainsi ralentir la progression de la myopie.

Les deux groupes d’optique font état d’un ralentissement de la progression de la myopie de 60 % à 67 % en moyenne, par rapport aux verres classiques, lorsque les lunettes sont portées 12 heures par jour.

D’autres acteurs ont investi le marché français, comme l’allemand Zeiss, après une première commercialisation en Asie.

Surcoût

Ces nouveaux verres constituent un espoir alors que selon les projections actuelles, la moitié de la population mondiale sera myope en 2050.

Les chercheurs s’accordent sur le fait que la myopie est favorisée par l’augmentation du temps passé en intérieur, le manque d’exposition à la lumière naturelle ou encore une sollicitation excessive de la vision de près.

« On a essayé beaucoup de choses pour éviter la myopie, mais c’est la première fois qu’on a un système qui marche vraiment, je suis assez bluffée », s’enthousiasme Claude Speeg-Schatz, présidente de la Société française d’ophtalmologie.

Elle explique corriger dans un premier temps un enfant myope avec des verres normaux. « Si la myopie augmente, je prescris ensuite ces verres automatiquement », poursuit-elle. « Si elle est forte d’emblée, je les recommande en première intention ».

« C’est un vrai gain pour les enfants », renchérit Jimmy Chammas, ophtalmologue à Strasbourg, dans l’est de la France. « On constate que la myopie de ceux qui portent ces lunettes s’aggrave moitié moins que ce qu’on aurait imaginé, voire pas du tout ».

Seul hic : le prix des verres, autour de 180 euros (265 $), soit un surcoût pouvant aller jusqu’à 100 euros (146 $) par rapport à des verres correcteurs classiques, plus ou moins bien pris en charge selon les mutuelles.

Pour Jean-Michel Lambert, directeur général de Hoya vision care en France, il est urgent de mettre en place un meilleur remboursement, certaines familles étant aujourd’hui lésées.

L’an dernier, la Haute autorité de santé (HAS) française a reconnu un service rendu par le dispositif des verres d’Hoya, le jugeant certes « mineur ».

« Chaque dioptrie perdue aggrave considérablement les risques de pathologies futures ; si on freine la myopie, ce sera un coût en moins pour la société », plaide M. Lambert, pour défendre une prise en charge plus complète.

Quand elle est forte, au-delà de -6,00 dioptrie, la myopie augmente en effet le risque de différents dommages (décollement de rétine, glaucome, cataracte précoce…) pouvant altérer la vue définitivement.